Pratiques de l’anonymat dans L’Antécrise : un cas de figure pour l’étude des zines

Article au format PDF: 

 

Le travail en études littéraires sur les zines – comme probablement celui sur tous les objets qui ne sont ni le roman ni la poésie – se heurte souvent à des difficultés. Quoiqu’elles soient très variées, ces difficultés me semblent avoir une origine commune : bien que les outils d’analyse des études littéraires prétendent à une grande généralité et qu’ils puissent servir à analyser des objets extérieurs au domaine de la littérature, il n’en demeure pas moins qu’ils disposent de complicités avec certains objets plus qu’avec d’autres. Les romans – et dans une moindre mesure la poésie – entretiennent ces complicités avec les cadres théoriques de la discipline, alors que les zines n’en profitent pas. Quant à savoir si ce manque est la cause ou la conséquence d’un éloignement entre le milieu du zine et celui du livre, c’est la poule ou l’œuf. Il demeure qu’au Québec, la plupart des études sur les zines proviennent de la sociologie, de la science politique, et des études queers et féministes, plus que des études littéraires.

J’essaierai ici de montrer comment il est possible de contourner ces difficultés, notamment en réinscrivant l’objet zine dans son milieu de diffusion. Je m’intéresserai plus précisément à la problématique de l’anonymat comme trait esthétique et politique dans L’Antécrise, zine produit par un collectif de Québec, maintenant établi à Montréal. Une telle problématique me semble bien s’accorder à ce que j’avance ici : elle s’associe aisément aux études politiques de la littérature, tout en permettant de mettre en lumière la duplicité de l’objet zine lorsqu’on le considère avec des outils qui n’ont pas été développés spécifiquement pour son analyse. En m’appuyant sur l’essai-commentaire qu’Érik Bordeleau consacre à l’œuvre de Michel Foucault, j’essaierai de montrer qu’un projet aussi simple que le mien – une étude de l’anonymat dans un zine où le phénomène est central – peut donner du fil à retordre à l’analyse. J’espère, ce faisant, montrer la pertinence d’études portant spécifiquement sur les zines.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je crois qu’il convient de présenter L’Antécrise. Connu dans le milieu du zine et dans les milieux militants pour sa productivité (une trentaine de numéros et autour de 700 pages de zine en quatre ans et demi), sa vulgarité, son ton polémique humoristique et son esthétique Lo-Fi, le collectif s’est également démarqué par la diversité de sa pratique artistique et militante. Ses tendances anarchistes et nihilistes, punks et dadaïstes ont pris des formes étonnamment variées : zines, films, contenu audio, édition et réédition de documents plus substantiels1, patches et vêtements sérigraphiés, mais aussi actions politiques de toutes sortes. Le zine de L’Antécrise s’est lui-même distingué par un processus éditorial hors de l’ordinaire : l’équipe de rédaction proposait d’éditer – sans nécessairement les observer attentivement au préalable – tout texte ou toute image leur étant envoyé à l’adresse ante.crise@riseup.net. Je reviendrai bien sûr, après un petit détour théorique, sur ce point, essentiel si l’on veut comprendre la place que joue l’anonymat pour le collectif.

Je concentrerai mes analyses sur les numéros réguliers de la troisième saison du zine. Ces trois numéros ont été publiés entre mai 2014 et février 2015, soit pendant les mois de mobilisations précédant la grève du printemps 2015. Le troisième zine fait d’ailleurs directement référence au déclenchement imminent de la grève et prévoit une participation active des membres du collectif. Des numéros spéciaux suivront ces trois-ci, écrits pendant la grève, et offrant des réflexions sur son déroulement2.

Foucault : langage, littérature, politique et anonymat

Érik Bordeleau propose, dans son essai Foucault anonymat, une lecture de l’œuvre de Michel Foucault sous le signe d’une théorie de l’anonymat. L’anonymat permettrait, argumente Bordeleau, à la fois de bien saisir les différentes inflexions dans l’œuvre de l’auteur français, et d’inscrire sa pensée dans les luttes politiques de notre temps et dans notre actualité.

Pour traiter ici des rapports entre littérature, politique et anonymat, je présenterai d’abord deux moments dans la pensée de Foucault, tels que Bordeleau les développe en lien avec la problématique de son essai. Ces deux moments se distinguent, selon Bordeleau, par une reformulation de la problématique de l’anonymat, qui passe d’une critique radicale du langage à une critique des dispositifs de subjectivation et des rapports de pouvoir.

Pour Bordeleau, une première approche foucaldienne de l’anonymat est lisible dans le cycle que l’auteur accorde à la critique épistémologique des sciences humaines – et du savoir occidental en général (Bordeleau 2012, 19). Ce moment de la pensée foucaldienne, principalement marqué par Les mots et les choses, L’Archéologie du savoir et L’ordre du discours, prend appui sur une définition précise du langage moderne. Si l’on en croit Les mots et les choses, le langage aurait, au début du XIXe siècle, pris dans le domaine du savoir sa forme actuelle; perdant sa clarté, son évidence, il gagna une dimension jusque-là inconnue :

À partir du XIXe siècle, le langage se replie sur soi, acquiert son épaisseur propre, déploie une histoire, des lois, une objectivité qui n’appartiennent qu’à lui. Il est devenu un objet de la connaissance parmi tant d’autres [...] Il relève peut-être de concepts propres, mais les analyses qui portent sur lui sont enracinées au même niveau que toutes celles qui concernent les connaissances empiriques. Connaître le langage n’est plus s’approcher au plus près de la connaissance elle-même, c’est appliquer seulement les méthodes du savoir en général à un domaine singulier de l’objectivité. (Foucault, 1966, 309)

Une fois son statut d’objet dans l’ordre du savoir acquis, le langage devient trouble; il pose problème. Contrairement au langage tel que conçu à l’Âge classique3, le langage moderne ne va pas de soi. Le langage de l’Âge classique est, en quelque sorte, assimilable à la grammaire dans le domaine du savoir : comprendre ses mécanismes internes et son fonctionnement général suffit à en percer les mystères. Pour les sciences modernes, en développement au cours du XIXe siècle, le langage est au contraire une source de problèmes et d’investigations presque infinie. En tant qu’objet trouble, son histoire, les propriétés qu’il partage d’une langue à l’autre, sa capacité à véhiculer du sens posent problème à l’établissement des connaissances. C’est dans ce langage tangible, « historicisable » et malléable que la linguistique et la littérature moderne se constitueront (Foucault 1966, 309). Foucault voit ainsi, dans la littérature incarnée par Mallarmé, Artaud, Bataille ou Blanchot – figures importantes du modernisme littéraire français – une tentative de dépassement du langage par le langage. Le langage jouant désormais un rôle important dans la constitution du monde – en tant que médiation universelle, notamment – il s’agit de chercher à changer notre perception du monde, à nous changer nous-mêmes et la culture du même coup, par un travail sur le langage : la littérature. Cette tentative prend évidemment des formes diverses au cours des XIXe et XXe siècles, s’incarnant dans des projets esthétiques, comme celui d’un langage du silence (chez Mallarmé), ou encore celui des mots faits chair, du corps fait langage (chez Artaud).

C’est dans ces expériences limites, dans cette recherche exigeante, que Bordeleau situe une première compréhension de l’anonymat dans l’œuvre de Foucault. Il avance que

l’idée de l’anonymat comme critique de l’intériorité privée chez Foucault trouve [...] sa source première au croisement d’une folie conçue comme "murmure obstiné d’un langage qui parlerait tout seul – sans sujet parlant et sans interlocuteur" et d’une conception de la littérature et de l’écriture qui fait écho à cette expérience d’un dehors à même le langage. (Bordeleau 2012, 25) 4

Cette conception de l’écriture et de la littérature comme « expérience d’un dehors à même le langage » est ancrée dans la compréhension du langage moderne comme objet ayant son épaisseur, sa profondeur propre. La littérature, œuvre du langage sur le langage – comme le veut un certain dogme structuraliste et post-structuraliste de l’autotélisme du langage littéraire – prend appui sur cette profondeur, cette épaisseur, pour la remettre en cause.

L’anonymat, dans ce contexte théorique, prend la forme d’une critique radicale de l’intériorité et du sujet. Il y a, chez Foucault, une préoccupation politique majeure liée à l’identité. En analysant ce qu’il appelle les processus de subjectivation ou d’assujettissement5, Foucault cherche dans les dispositifs (par exemple, la prison) les mécanismes qui seraient à l’origine de la production des identités. Si le langage apparaît à la fois comme élément fondamental de la subjectivation et comme source de résistance possible, on comprend bien en quoi il constitue un objet de choix permettant d’analyser d’un même mouvement la forme de nos dominations et les formes possibles de résistance.

L’anonymat chez Foucault est lié à une critique de l’intériorité privée dans la mesure où il est associé à la production des identités et des subjectivités qui l’accompagnent. La place centrale de l’intériorité privée dans la problématique formulée par Bordeleau est à comprendre à partir du postulat que l’intériorité – la subjectivité – est elle-même profondément associée à des dispositifs extérieurs au sujet. Faire la généalogie des sujets et des modalités d’assujettissement, c’est critiquer fondamentalement l’existence même d’une intériorité privée qui serait indépendante du politique.

Le langage moderne peut être pensé comme l’un de ces dispositifs. En tant que médiateur universel, il porterait ainsi les traces des différents modes d’assujettissement. C’est en ce sens que Foucault voyait dans Les mots et les choses une critique radicale de l’humanisme; une critique politique prenant appui sur une analyse du langage. En identifiant les conditions de possibilité de l’humanisme, Foucault pense possible d’en formuler une critique politique. Le langage joue, dans cette critique, un rôle primordial : il est à la fois au centre du régime du savoir moderne, un objet permettant de mettre au jour une certaine histoire des assujettissements, et un outil permettant une résistance à ces assujettissements.

Par la littérature, en tant qu’effort de dépassement du langage par le langage, il est donc envisageable de se déprendre de cette subjectivité imposée. La littérature joue donc, chez le Foucault des années 1960, un rôle particulièrement important : elle embrasse à la fois le langage dans sa profondeur et permet, dans un effort de dépassement et de débordement, de penser une extériorité au langage. Du même coup, elle permet de lutter contre les formes de subjectivité imposées par les sociétés modernes. C’est cette lutte contre la subjectivation – la constitution de soi en tant que sujet – que Bordeleau nomme anonymat.

Anonymat, politique et littérature sont ainsi liés. Pour Bordeleau, l’anonymat est politique en ce qu’il remet en cause les partages organisant la vie politique occidentale moderne, parmi lesquels le partage net entre le privé et le politique semble fondamental (Bordeleau 2012, 25-26). La littérature, comme expérience d’une anonymisation dans le langage, est au cœur de cette critique du partage entre le privé et le public.

Changement de perspective : la place centrale des rapports de pouvoir

Foucault abandonnera, au cours des années 1970, cet engouement politique pour le langage et la littérature, au profit d’analyses plus intéressées par les dispositifs physiques et institutionnels de subjectivation. Ses livres Surveiller et punir et La volonté de savoir témoignent de cette évolution. Bordeleau voit, dans ce glissement, non pas un abandon de la thématisation de l’anonymat, mais une redéfinition des rapports qu’il entretient avec le langage. Foucault délaisse en effet la question du langage pour se pencher sur la critique de rapports de subjectivation beaucoup plus matériels – ceux, par exemple, mis en œuvre dans le système pénal6. Bordeleau remarque bien que ce passage de l’archéologie à la généalogie dans l’œuvre de Foucault est marqué par un désintérêt envers la littérature : « si donc la littérature a permis à Foucault de penser la possibilité d’une transgression de l’ordre du discours, elle ne suffit plus lorsqu’il s’agit de penser la constitution de formes collectives de résistance » (Bordeleau 2012, 37). La résistance dans le langage était liée à une résistance personnelle contre les processus de subjectivation. Si leur critique en appelait à une résistance collective, les modalités de cette résistance n’ont pas été abordées par Foucault. L’analyse foucaldienne délaissant le langage comme objet privilégié, elle délaisse du même coup, assez naturellement, la littérature (37), pour se concentrer sur des rapports de pouvoir plus matériels, permettant du même coup de penser en termes de stratégies la résistance aux assujettissements.

S’intéressant à la question de l’anonymat, qui était chez le premier Foucault intimement liée au langage, Bordeleau cherche des marques, des traces de l’anonymat dans les travaux ultérieurs de l’auteur. Il lui semble qu’une critique des rapports de pouvoir reste, en quelque sorte, liée à la problématique du langage, mais que cette problématique change d’aspect en perdant son rôle principal dans l’élaboration théorique : « Le jeu entre résistance et anonymat chez Foucault [...] passe par une délimitation stricte et profondément dramatique de l’écart irréductible entre la vie (ou l’ethos) et le langage » (13). Les pratiques politiques deviennent ainsi l’aspect le plus important des analyses de Foucault, et Bordeleau y voit encore une réflexion de fond sur le rôle de l’anonymat. Mais si Bordeleau parvient à assurer la continuité de sa problématique d’un moment à l’autre de l’œuvre de Foucault, c’est en abandonnant la littérature comme lieu de réflexion central des rapports entre politique, anonymat et langage. Celle-ci n’occupe plus qu’une place secondaire dans son analyse de l’anonymat et de son potentiel de résistance. Elle n’y figure qu’en tant que regard privilégié sur ce qui demeure de langagier dans les pratiques de pouvoir et d’assujettissement.

Je pense, comme lui, qu’il y a quelque chose à retenir des analyses archéologiques pour comprendre le projet d’une généalogie des pratiques du pouvoir. Il me semble de plus que les développements de Foucault sur les rapports de pouvoir – poursuivis jusque dans les analyses sur l’éthique et la subjectivation de soi qui concluent son œuvre – peuvent nous permettre de comprendre la littérature, en dépit du fait que le philosophe n’y voyait plus guère d’intérêt. Mais, je ne pense pas qu’il faille pour cela reformuler la place du langage à l’intérieur du cadre d’analyse foucaldien de la discipline et des dispositifs produits par les rapports de pouvoir. Je pense plutôt qu’il importe de prendre une distance avec la conception de la littérature développée par Foucault dès ses premières analyses du langage.

Il faut admettre que Foucault ne pense plus, en développant sa généalogie des rapports de pouvoir, à la littérature. Il ne la politisera pas de la même manière qu’il politisera certains de ses objets de prédilection, comme la médecine ou la psychiatrie. À vrai dire, il n’écrira que très peu sur la littérature à partir du début des années 1970. Je pense que cette mise à l’écart de la littérature témoigne d’une méprise de sa part sur la littérature. En effet, Foucault considère difficilement la littérature comme un phénomène social, ou comme un « mode historique de visibilité des œuvres de l’art d’écrire », comme le dit Rancière (2005, 8). Il la conçoit plutôt comme un phénomène strictement linguistique, relevant de la possibilité de sortir du cadre du langage par le langage lui-même. Fidèle – comme je l’ai déjà souligné – au structuralisme et au poststructuralisme de son époque, les dimensions historiques, sociales ou matérielles des conditions mêmes d’existence de la littérature lui échappent. À l’image de sa théorie du langage moderne – qui prend appui sur l’histoire des idées plus que sur l’histoire des technologies du savoir, par exemple – sa conception de la littérature écarte les problèmes relatifs au monde éditorial, aux techniques d’imprimerie, à l’institutionnalisation via les prix littéraires et les cursus scolaires obligatoires, aux relations conflictuelles entre les auteur.es – pour ne nommer que quelques-uns des éléments propres à la littérature où les rapports de pouvoir peuvent jouer un rôle constitutif et déterminant. C’est au prix d’un retour, dans le domaine des rapports de pouvoir, de la littérature comme pratique, qu’il devient possible d’analyser les formes et les fonctions de la littérature comme activité politique. Pour poser la question du potentiel de résistance politique de la littérature, il convient d’abord de montrer comment la littérature est inscrite dans des rapports de pouvoir, en est traversée, et ce, à toutes les étapes de sa fabrication, de sa mise en circulation, de son appréciation, etc. C’est avec ces idées en tête que je tenterai de montrer comment la question de l’anonymat, dans L’Antécrise, demande une mise en contexte qui dépasse l’analyse textuelle. C’est à la condition de cette contextualisation que le caractère politique du zine pourra être pleinement apprécié.

En un certain sens, Bordeleau ouvre la porte à une analyse politique de la littérature qui ne dépendrait pas de la définition moderne du langage développée dans Les mots et les choses. Seulement, il n’emprunte pas cette voie, préférant ménager une place au langage dans la généalogie des rapports de pouvoir, pour ensuite y réinscrire la littérature. Il affirme ainsi qu’« aujourd’hui, au temps du biopouvoir, de la privatisation des existences et du gouvernement par individualisation, la question de la résistance implique en premier lieu de réfléchir à la question du commun et des modes de composition collective » (Bordeleau 2012, 39). Considérée comme une pratique culturelle plutôt que comme un phénomène de pur langage, la littérature a effectivement, à mon avis, un rôle important à jouer dans la constitution des modes d’être collectifs. Et si elle a été bien souvent du côté des dominants plus que de celui des dominés7, c’est – encore une fois à mon avis – qu’il faut aller chercher du côté des pratiques littéraires illégitimes, marginales, regardées de haut par les institutions, pour toucher au potentiel rassembleur et subversif du littéraire. L’Antécrise occupe, dans le contexte culturel et politique montréalais contemporain, une telle position.

Anonymat : condition de possibilité d’une marginalité politique

Pour L’Antécrise, l’anonymat permet d’abord explicitement de proposer un contenu politique affichant des prises de position marginales par leur radicalité. En effet, suffit de feuilleter l’un des nombreux exemplaires du zine pour tomber sur des propositions choquantes, grossières, inadmissibles ou tout bonnement illégales, propositions que l’on retrouve en gros caractères, produites à partir de collages des grands titres de journaux. J’en énumère quelques-unes :

1— « L’Antécrise / Back in Town / Fier partenaire / des activités terroristes » (No 1, 2)

2— « Nous pouvons vous aider à vous libérer / de prison / plus vite que vous le croyez » (No 1, 3)

3— « Policiers assassinés à Moncton / La population soulagée / Projet clé en main signé / Rêves d’enfants / La fête se fait attendre / Pour un mode de vie combinant liberté et détente » (No 1, 20)

4— « Un garçon de huit ans tué par une rondelle perdue / "Ça été bien le fun" / — Brian Gionta » (No 2, 7)

5— « Harper et ses troupes se payent / Une adolescente de Laval / "Trop laide pour être violée" […] / Rien de trop sérieux » (No 2, 37)

6— « Faire la promotion du terrorisme devient une infraction criminelle / [...] Problème? / Si vous n’en pouvez plus de combler le vide, appelez-nous : / 1.855.djihad » (No 3, 18)

7— « Un policier / retrouvé mort / À coups d’épée sans aucune retenue / ? / T’es même pas GAME ! » (No 3, 37)

On voit aisément en quoi ces positions politiques sont marginales et en quoi elles peuvent profiter de l’anonymat de leurs auteur.es pour être diffusées. Non seulement des lois encadrent ce genre d’appels à la violence envers la police ou la promotion d’actes terroristes ou djihadistes, mais il y a fort à parier que des idées politiques comme celles-là ne seraient pas reçues – ou très mal – par un auditoire élargi. L’anonymat permet ainsi au collectif de sortir des idéologies communément admises pour se retrancher dans des prises de positions inusitées ou irrecevables. Dans ce contexte, l’utilisation de l’anonymat apparaît comme essentiellement stratégique : elle est une protection sûre contre les poursuites pour incitation au terrorisme, diffamation, menace de mort et autres mesure légales décourageant ce genre de propos.

Les citations étant toutes tirées de collages faits à partir de coupures de journaux, il me semble également pertinent de placer cette pratique subversive de l’anonymat dans une logique de réappropriation et de subversion des discours médiatiques. Si certaines propositions semblent grossières au point d’être morbides – je pense notamment à cette adolescente « trop laide pour être violée » – il ne faut pas oublier qu’il s’agit ici de propos directement rapportés dans les pages des quotidiens les plus lus au Québec. L’anonymat de L’Antécrise, en ce qui concerne les collages du moins, sert la critique du sensationnalisme médiatique. En ne signant pas les collages, le collectif donne l’impression d’un brassage parfois quasiment aléatoire des grands titres du Journal de Montréal, du Devoir ou des journaux à grand tirage distribués gratuitement aux portes du métro. Le propos se limite à un certain rapprochement d’éléments simplement pigés dans les discours les plus socialement acceptables – ou plutôt : les plus acceptés. La responsabilité de la vulgarité des collages est ainsi abandonnée à leurs premier.es auteur.es. L’utilisation de l’anonymat, encore une fois, contribue à ce phénomène.

Pour ce qui est de la marginalité de L’Antécrise, il est juste de remarquer qu’elle n’est pas simplement à comprendre comme une distance séparant le collectif du reste du monde. En effet, le collectif semble entretenir une marginalité à l’intérieur même de son milieu. C’est du moins ce que l’on peut déduire d’une panoplie d’attaques contre le milieu militant et la culture du militantisme en général. Je pense à ces quelques exemples, toujours tirés de la troisième saison de L’Antécrise :

8— « Y’a rien de pire en terme de reniement d’la vie que de s’injecter de cochonnerie révolutionnaire. Il faut vraiment pas s’aimer gros gros pour se mentir de même. Et faut haïr le monde pour vrai pour leur dégueuler des inepties pareilles. » (« Érection révolutionnaire (un clitoris ça bande aussi) », No 1, 26)

9— « J’en ai assez qu’un ou une câlisse de trop anar-lifestyle-correct me regarde avec dédain quand je sors d’une épicerie avec une facture. Les anars, les bum-e-s pis les militant-e-s aussi ont le droit de travailler, fuck you. Un moment donné, y’a des fucking limites à vivre selon la ligne du pas-de-parti. Continuez comme ça, mes politically correct bums, pis volez, dumpster, jusqu’au burnout s’il le faut, mais faites-moi pas chier avec ça. » (« Fuck l’intransigeance anarcho-dogmatique et bum-dogmatique », No 2, 39)

Notons également le jeu-questionnaire « Le jeu des anars. Un essai d’ontologie sur le sentiment de liberté propre » (No 2, 22-32) qui propose ironiquement de calculer son degré propre de liberté sur « l’émancipomètre », en accumulant des points anarchistes associés à des attitudes encouragées dans le milieu militant, ou en perdant les mêmes points en ne se conformant pas à l’éthique anarchiste.

La critique interne du milieu militant place donc L’Antécrise dans une double position de marginalité politique : radicalement « à gauche » dans le monde politique ordinaire, son discours devient de plus en plus « à droite » à mesure que l’on s’approche de son milieu restreint. On pourrait qualifier les positions du collectif d’hétérodoxie scandaleuse. Là où une norme du discours politique apparaît, L’Antécrise se fait un plaisir d’énoncer le contraire, de critiquer la norme, le politically correct avec mépris. Il ne faut cependant pas se méprendre sur cette apparente constante. Si le mépris de la sphère publique et des discours politiques officiels semble justifier une mise à l’écart du monde flirtant avec la misanthropie, l’appartenance au monde militant d’extrême gauche et à la contre-culture prend plutôt des airs d’autocritique potentiellement – je dis bien potentiellement – constructive. En témoigne le relatif enthousiasme politique qu’on peut lire dans les zines produits pendant la grève du printemps 2015.

Marginalité et communauté

En plus de ces petites critiques à l’égard du milieu – qui pullulent surtout dans les numéros des deux dernières saisons du zine –, toute une logique de la prise de position à l’intérieur du milieu est déployée dans L’Antécrise. On s’adresse aux groupes militants, à la culture militante uqamienne et aux assemblées générales en temps de grève, mais également à des groupes artistiques ou d’autres zines, comme L’Attaque, zine de la coop Coup d’Griffe (No 2, 8). Le texte « Le virulent effort de détruire », par exemple, montre bien la proximité entretenue entre des membres du collectif et les assemblées générales des associations étudiantes. En reprenant le vocabulaire des assemblées, le texte propose une radicalisation et un élargissement de celles-ci, en les étendant à la vie quotidienne :

Considérant la grogne populaire actuelle et les efforts de mobilisation, l’équipe de l’Antécrise s’est réunie en assemblée générale extraordinaire pour ingurgiter une quantité loufoque d’alcool et finalement prendre la décision unanime de tomber en grève, en général et de façon illimitée, dès ce printemps. / En solidarité avec les autres mouvements populaires, nous prenons fermement position contre les mesures d’austérité, les hydrocarbures ainsi que le capitalisme en général mais nous ne nous arrêtons pas à ces simples revendications. Nous sommes contre tout et en faveur de rien du tout. Nous nous opposons au monde dans son entièreté et exigeons la fin de celui-ci. […] / Nous nous appliquerons à détruire systématiquement et à créer l’instabilité partout. Nous serons saoul.es lors des moments les plus inappropriés, pisserons en public et traverseront la rue n’importe où. / Fuck toute, fuck y’all (No 3, 32).

Il y a beaucoup à dire d’un texte comme celui-ci. Il reprend d’abord le type de discours politique inadmissible protégé par l’anonymat, tel qu’on l’observe dans tous les zines du collectif. On y réclame ainsi la fin du monde, tout en se revendiquant de la possibilité de ne rien offrir comme alternative. Cette prise de position, paradoxale et politiquement inadmissible, s’accompagne de moyens d’action tout aussi loufoques. Les conventions de la politesse seront levées et, en même temps que la décence, le code de la route, contraire à nos aspirations au chaos. On reste, au bout du compte, surpris à la lecture des moyens dérisoires proposés pour atteindre des objectifs politiques, eux, démesurés.

Je retiens deux choses de ce discours politique. La première, c’est que le mode de vie y est considéré comme un terrain privilégié pour l’action politique. Comment mettrons-nous fin au monde? En buvant de l’alcool et en traversant la rue n’importe où. Il ne faut pas, à mon avis, se laisser distraire par l’ironie : il y a, au fondement de cette attitude politique, une croyance ferme dans les pouvoirs politiques du mode de vie et de l’éthique personnelle. Si le mode de vie peut être objet de décisions prises en assemblée générale, c’est qu’il est considéré comme fondamentalement politique. L’action politique radicale est ainsi comprise comme un changement de mode de vie. Elle a comme source une posture, une attitude dans le monde, une éthique.

Ce qui me mène vers une deuxième remarque : l’importance du discours militant étudiant d’extrême gauche comme source d’inspiration. Le vocabulaire des assemblées est présent dans L’Antécrise, mais il est aussi subverti. Une grève générale illimitée (techniquement une grève concernant l’ensemble de la communauté étudiante et sans terme préétabli) devient une grève « en général, et de façon illimitée », c’est-à-dire une grève touchant à tous les éléments de la vie quotidienne et s’étendant sur toute la vie. On sait ici reconnaître un rapport au politique que l’on retrouve dans les milieux anarchistes, féministes, queer et anticoloniaux, entre autres, qui refusent bien souvent toute séparation entre le public et le privé en matière de politique.

Ce procédé de radicalisation des propositions politiques touche les revendications de la grève du printemps 2015, qui sont poussées jusqu’au refus du monde, rien de moins. Ces emprunts au vocabulaire des assemblées générales signalent à leur tour la participation – même partielle – de membres du collectif à la vie politique étudiante. En retour, ils suggèrent que le lectorat du zine fait également partie de ce milieu politique, et qu’il est en mesure de comprendre à la fois la référence au discours des assemblées et l’ironie face à ce discours.

L’analyse de la marginalité politique, de ce milieu militant, me semble donc essentielle pour comprendre un zine comme L’Antécrise. Cette marginalité s’articule, à mon avis, en deux moments. D’abord, elle prend forme dans une pratique politique incompatible avec les exigences de la norme et de la responsabilité politique. Sous le couvert de l’anonymat, le collectif présente ses prises de positions, le plus souvent irrecevables et inacceptables pour le monde politique traditionnel. Ensuite, le statut marginal du collectif permet de comprendre dans quel milieu spécifique circulent ses discours politiques. En prêtant attention aux références et à l’ironie avec laquelle elles sont déployées, on comprend aisément que L’Antécrise ne s’adresse pas à une population très large, mais bien à un petit groupe déjà politisé capable de comprendre ses prises de position. En ce sens, les apparences parfois réactionnaires de son discours sont à contextualiser : le collectif semble beaucoup trop au fait des tendances idéologiques et des pratiques quotidiennes des groupes militants – qu’elles soient directement politiques ou non, comme le dumpster diving ou le vol à l’étalage, par exemple – pour ne pas être directement enraciné dans cette même culture. En ce sens, que le collectif critique certaines pratiques et en privilégie d’autres n’a de sens qu’en considérant le groupe comme membre actif de cette communauté politique8.

On peut déjà voir comment les zines de L’Antécrise, bien que profondément marqués par l’utilisation de l’anonymat, s’écartent cependant de la façon dont Bordeleau aborde la question. Il est vrai qu’une forme de désubjectivation est à l’œuvre dans ces textes. Non seulement la séparation entre le public et le privé est remise en cause, mais le privé y devient parfois le terrain privilégié de l’activité révolutionnaire. Le refus d’être ce que l’on attend de nous, face à la police, à la discipline scolaire – ou simplement face aux exigences minimales du savoir-vivre – fait écho aux tentatives de remise en question de l’assujettissement par la littérature soulignées par Bordeleau. J’essaierai de montrer dans ce qui suit comment cette désubjectivation est également à l’œuvre dans la politique éditoriale du zine. Notons également que l’anonymat semble a priori une condition de possibilité du développement d’une petite communauté politique marginale, centrée autour d’attitudes politiques. Dans cette communauté, qui réunit sans doute la très grande majorité des lecteurs et lectrices du zine, l’anonymat ne joue vraisemblablement pas le même rôle que pour les gens qui en sont exclus. Là où, de l’extérieur, on ne lit que des textes sans nom, on reconnaît déjà, de l’intérieur, un vocabulaire, une façon de concevoir le domaine du politique.

De l’anonymat à l’apocryphat

Je me baserai, pour analyser la politique éditoriale de L’Antécrise, sur un petit événement ayant marqué le zine, entre le deuxième et le troisième numéro de la troisième saison. Comme je l’ai mentionné brièvement en introduction, L’Antécrise est composé de textes soumis, anonymement ou non, à une adresse courriel. Pendant les premières années d’activités du collectif, la politique éditoriale proposait d’éditer et d’imprimer tous les textes reçus, parfois sans même se donner la peine de lire. Les textes que les responsables de l’édition refusaient d’endosser étaient, parfois, accompagnés de collages ou de dessins, ou carrément de commentaires écrits à la main dans le texte, pour marquer une certaine opposition.

C’est dans cette logique qu’un texte sur le polyamour a été édité (No 2, 12). Accusant la « mièvrerie » du texte et son manque d’originalité9, l’équipe de rédaction s’est permise d’éditer le texte en le découpant en morceaux et en recollant le tout sur un dessin, en arrière-fond, d’un « gros tas de marde ». L’auteur.e du texte, évidemment insatisfait.e de ce traitement, s’est plaint.e à L’Antécrise, de sorte qu’un texte publié dans le numéro suivant est revenu sur l’événement, sous forme d’excuses mêlées d’insultes. Cet événement est l’occasion pour L’Antécrise de faire un petit retour sur l’histoire du zine pour rappeler publiquement ses petites hontes (No 3, 4-5). Une liste des « pires torchons publiés » mentionne ainsi : la publication d’un texte proposant une solution eugéniste au vieillissement de la population, d’une photocopie d’un pénis, d’incitations au meurtre, de menaces dirigées contre le comité de rédaction du zine, ou même de la « vraie littérature », entre autres. La liste se conclut sur une note réconciliatrice : « fais-toi en pas trop avec ton texte dull sur le polyamour, on a déjà vu bien pire, c’est juste qu’on lit ce qu’on reçoit à c’t’heure. C’était drôle pareil. Merci ben » (No 3, 5).

Un apocryphat – l’origine des textes étant souvent impossible à établir directement – redouble donc l’anonymat manifeste. La très grande majorité des textes de L’Antécrise n’est pas signée, si ce n’est de pseudonymes ironiques (Alberte Camuse ou Lili Sible Garenotte, par exemple). D’autres encore sont signés « la Rédaction », identité collective rassemblant on ne sait trop qui, puisqu’aucune fiche technique ne permet de mettre des noms sur le collectif. En ce sens, l’apocryphat comme technique de désidentification recoupe le commentaire de Bordeleau sur l’anonymat dans la littérature comme désubjectivation par le langage. Le contenu du zine ne peut, avec certitude, être crédité à un.e auteur.e précis.e. Ce flou redouble celui de l’anonymat : non seulement les textes sont sans signature, mais ils brouillent les cartes une deuxième fois en rendant difficile l’identification de leur origine. L’apocryphat de L’Antécrise rappelle ainsi le processus de désubjectivation que Bordeleau voit dans la littérature, à la différence que le processus est ici inscrit à même la pratique éditoriale du zine. Sans être liée directement à une certaine utilisation du langage (« la littérature » au sens de Foucault), L’Antécrise propose une politique de la désubjectivation inscrite dans une pratique littéraire.

En effet, la multitude sans nom et sans forme qui se cache derrière l’identité collective de L’Antécrise pourrait bien être composée de n’importe qui. Cette désubjectivation est en outre appuyée par l’esthétique du zine, où le collage et une esthétique du déchet et de la récupération prédominent10. L’aspect Lo-Fi du zine et les coupures de journaux rappellent en quelque sorte des lettres de menace anonymes, parodiant celles que l’on retrouve dans les films hollywoodiens.

Une signature sans signature

S’il y a bel et bien désubjectivation, il n’en demeure pas moins que ce phénomène ne permet pas à lui seul de saisir la pratique de l’anonymat dans L’Antécrise. En effet, comme je l’ai déjà souligné, le zine s’adresse à un très petit public. Les références aux pratiques et référents culturels universitaires, militants ou artistiques sont nombreuses. Assez nombreuses pour avoir attiré notre attention11. Peut-être faut-il repenser le rapport à l’anonymat dans L’Antécrise en prenant en considération le fait que la plupart des textes s’inscrivent dans un échange à peine médiatisé entre un petit groupe d’auteur.es et un public bien connu. L’Antécrise est – comme beaucoup de zines, d’ailleurs – distribué en main propre. La pratique de l’anonymat ne peut donc pas être sérieusement considérée comme un véritable effacement de l’identité des auteur.es. On doit donc, à mon avis, voir dans l’anonymat la forme – politique et esthétique – d’une reconnaissance du groupe : l’anonymat, plutôt que de servir à établir un voile entre les auteur.es et leur lectorat, sert au contraire à les rapprocher. La séparation entre le « nous » et le « je » est plutôt opérée aux frontières de la communauté, entre ceux et celles qui peuvent comprendre, et les autres, qui n’ont pas les éléments nécessaires à la compréhension du propos et à l’identification de son origine. Le milieu de diffusion étant particulièrement restreint, il en va donc autant de l’apocryphat que de l’anonymat.

La pratique de l’anonymat dans L’Antécrise prend ainsi une forme double : mettant à l’écart ceux et celles qui n’ont pas le cadre référentiel, elle rapproche ceux et celles qui l’ont. Ses textes sont, de l’extérieur, anonymes et apocryphes. Ils sont, par contre, aisément reconnaissables de l’intérieur. Je me permettrai un jeu de mots sur les sens possibles de « signature » pour illustrer ce double fonctionnement. Les textes de L’Antécrise ne sont pas signés; c’est-à-dire qu’aucun nom ne les désigne comme le produit et la propriété d’un individu. S’ils ne sont pas signés, ils sont – par contre – singuliers, reconnaissables. L’ironie et le cynisme, la misanthropie révolutionnaire, la vulgarité pro-féministe et anti-raciste, ont tôt fait de distinguer les textes de L’Antécrise d’à peu près tout discours politique au Québec. Celles et ceux qui ont eu entre les mains un exemplaire du zine auront fort probablement été marqués par son aspect unique, très personnel. En ce sens, les zines de L’Antécrise sont griffés, signés d’un style et d’un propos hors du commun. Signés sans être signés. C’est en quelque sorte là que nous mène le paradoxe d’une étude d’un zine comme L’Antécrise avec les outils disponibles. Là où l’anonymat semble être établi comme règle absolue, il y a une personnalisation très forte. À un point tel que le lectorat du zine sait, la plupart du temps, reconnaître l’auteur.e d’un texte, d’un collage ou d’un dessin.

 

Bibliographie

[Anonyme]. 2014-2016. L’Antécrise. https://antecrise.wordpress.com (Page consultée le 8 avril 2018)

Bordeleau, Érik. 2012. Foucault Anonymat. Montréal : Le Quartanier.

Bourdieu, Pierre. 2015 [1992]. Les règles de l’art. Paris : Seuil.

Foucault, Michel. 1966. Les mots et les choses. Paris : Gallimard.

–––. 2013 [1975]. Surveiller et punir. Paris : Gallimard.

Rancière, Jacques. 2005 [1998]. La parole muette. Paris : Hachette.

Pour citer cet article: 

Legendre, Izabeau. 2018. « Pratiques de l'anonymat dans L'Antécrise : un cas de figure pour l'étude des zines ». Postures, no. 27 (Hiver) : Dossier « Trafiquer l'écriture : fictions frauduleuses et supercheries auctoriales ». http://revuepostures.com/fr/articles/legendre-27 (Consulté le xx / xx / xxxx).