Appel de textes, numéro 22 : Discours et poétiques de l’amour

Date de tombée : 15 mai 2015

Écrire, aimer. Je vois que cela se vit dans le même inconnu. Dans le même défi de la connaissance mise au désespoir.
– Marguerite Duras[1]

Parce qu’il s’entend comme le sentiment le plus grand et le plus puissant, l’amour déborde du domaine du connaissable et résiste aux différents efforts de compréhension. Il est tantôt de l’ordre de l’irrationnel, tantôt du spirituel et son expérience s’accompagne de doutes, d’abysses et de vertiges. S’il est impossible à saisir dans son intégralité, le sentiment amoureux se manifeste de différentes manière dans les arts et la littérature; lieux d’étude privilégiés pour quiconque veut tenter de le cerner.

L’amour, dans la philosophie platonicienne, s’envisage comme un mouvement de dévotion vers un idéal. Platon, dans Le Banquet, conçoit l’amour en tant que principe dialectique permettant le passage du sensible vers l’idéel. Dès lors, à l’amour des beaux corps succède l’amour des belles âmes afin de mener, enfin, à la contemplation du Beau en soi. L’amour devient ici l’amour de la connaissance.

Pour toute une tradition chrétienne, l’amour est le principe fondateur de la communauté : Dieu est amour – Deus caritas est, comme l’a écrit Saint Jean – et de fait, l’amour, la charité, la tendresse deviennent les moyens de la communion divine. À cet égard, le Cantique des cantiques, l’un des livres les plus poétiques et érotiques de la Bible, composé d’un assemblage de chants d’amour, est associé à la pratique de la mystique chrétienne qui trouve dans ces vers l’expression de l’amour divin. Thérèse d’Avila était par ailleurs reconnue pour ses transverbérations, ces moments d’extase qui la laissaient « embrasée d’amour de Dieu[2] ».

Même s’il renvoie à un certain savoir transcendant, l’amour, dans l’expérience, révèle plus souvent qu’autrement la faille dans le savoir et le logos. C’est ce que Roland Barthes soutient dans Fragments d’un discours amoureux, alors qu’il comprend l’amour comme entraînant le langage dans les dérives de l’inactuel, de l’intraitable, comme ce qui provoque un désordre de langage dans l’esprit du sujet amoureux[3]. En ce sens, nous pouvons penser l’amour en tant qu’événement, tel que le définit Anne Dufourmantelle dans son ouvrage En cas d’amour, c’est-à-dire un point de résistance ou d’impact au réel, qui surgit et s’impose au sujet comme une expérience de désappropriation de soi, de désaveu[4]. L’amour est ce contre quoi la raison et le langage se butent, ce qui les met en péril.

C’est donc ce surgissement, cette déchirure, qui donne lieu à l’espace tragique des Élégies romaines et des grands récits amoureux tels Tristan et Iseult et Roméo et Juliette, à celui de la poésie de Victor Hugo ou bien celle d’Emily et Charlotte Brontë. C’est aussi de ce lieu que se déploie l’œuvre de Marguerite Duras par exemple, ou bien celle de Camille Laurens, pour qui l’amour s’annonce à la fois comme motif et mobile d’écriture.

Enfin, l’amour est source de désillusion, produisant par son abstraction et son idéal des tentatives toujours répétées et à chaque fois inadéquates de son actualisation dans le réel. Milan Kundera engage une réflexion en ce sens dans L’insoutenable légèreté de l’être lorsqu’il élabore sur le Kitsch, tandis que des auteurs tels que Frédéric Beigbeder, Michel Houellebecq, Chuck Palahniuk et Bret Easton Ellis inscrivent dans la littérature contemporaine une figure de l’« égoïste romantique[5] » qui se caractérise par son incapacité, malgré un désir éperdu, de se commettre à l’amour.

C’est à partir de ces différents filons que nous vous invitons à réfléchir et à problématiser cette question de l’amour. Comment l’écriture est-elle mobilisée par le principe amoureux? Quelles formes, quelles figures celui-ci investit-il? Comment l’amour affecte-t-il le contexte de création? Que vient signifier et mettre en lumière le sujet amoureux de son époque et de la société à laquelle il appartient? Voilà autant d’avenues que nous désirons explorer pour ce prochain numéro de Postures.

Les textes proposés, d’une longueur de 12 à 20 pages à double interligne, doivent être inédits et soumis par courrier électronique, à l’adresse postures.uqam@gmail.com avant le 15 mai 2015. La revue Postures offre dorénavant un espace hors dossier pour accueillir des textes de qualité qui ne suivent pas la thématique suggérée. Les auteurs et auteures des textes retenus devront participer à un processus obligatoire de réécriture guidé par le comité de rédaction, avant leur publication.

 

[1] Propos de Duras dans : Marie-Pierre Fernandes, Travailler avec Duras, Paris, Gallimard, 1986, p. 145.

[2] Thérès d’Avila, Le livre de la vie, chapitre 29, En ligne < http://www.carmel.asso.fr/Les-graces-mystique-ch-25-a-29.html>, consulté le 2 mars 2015.

[3] Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Parie, Seuil, coll. « Tel Quel », 1977, p. 7.

[4] Anne Dufourmantelle, En cas d’amour : psychopathologie de la vie amoureuse, Paris, Payot, 2009, p. 220

[5] L’expression est tirée de l’ouvrage éponyme de Beigbeder.

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Nouvelle date de tombée pour l’appel de texte « L’enfance à l’œuvre »

L’équipe de la revue Postures repousse la date de tombée de son dernier appel de texte pour son prochain numéro, qui s’intitulera « L’enfance à l’œuvre ». Les textes proposés, d’une longueur de 12 à 20 pages à double interligne, doivent être inédits et soumis par courrier électronique, à l’adresse postures.uqam@gmail.com avant le 31 octobre 2014. Les auteurs et auteures des textes retenus devront participer à un processus obligatoire de réécriture guidé par le comité de rédaction, avant leur publication.

L’enfance à l’œuvre

Selon l’historien Philippe Ariès, l’enfance est un concept moderne apparu après la révolution industrielle[1]. Grâce à une conjoncture de faits sociaux particuliers (baisse du taux de mortalité infantile, régulation des naissances, baisse de fécondité, etc.), la société occidentale en serait venue à situer et à définir la réalité de l’enfance en rapport avec ce que nous connaissons aujourd’hui comme la famille nucléaire, à savoir, une structure familiale restreinte, au sein de laquelle l’enfant occupe une place spécifique. En même temps que la « particularité enfantine », émergea une littérature didactique (traités, fables, contes) à l’adresse de ces enfants. Pensons aux Malheurs de Sophie de la Comtesse de Ségur dont on se servait pour discipliner les jeunes filles, ou encore à L’Émile ou De l’éducation de Jean-Jacques Rousseau, qui rassemblait les indications pédagogiques nécessaires à l’éducation idéale de l’homme social.

L’enfance, à l’orée du XXe siècle, devient un objet d’étude privilégié, occupant les penseurs de différentes disciplines : John Locke, philosophe, conçoit l’esprit de l’enfant comme une tabula rasa : une page blanche vide d’idées innées devant être remplie par l’expérience; Freud propose en 1905, avec ses Trois essais sur la théorie de la sexualité,une théorie alors inédite voulant que l’enfant connaisse une vie sexuelle qui détermine sa vie désirante adulte; Jean Piaget, influencé par la psychanalyse, se propose d’étudier les « stades de développement » chez l’enfant, une analyse qui marquera de façon déterminante la sphère de la psychologie. Au cours de la première moitié du siècle apparaissent également plusieurs figures de l’enfant, les Peter Pan (l’enfant qui ne vieillit pas) et Lolita (l’enfant sexualisée), qui cristallisent une certaine fascination pour cet objet. Plus tard, au Québec, les narrateurs enfants de Réjean Ducharme, Bruno Hébert et Gaétan Soucy, pour ne nommer que ceux-là, connaitront une incontestable popularité.

Bien ancrée dans l’imaginaire et le sens commun, l’enfance s’entend comme le socle de l’identité, une période qu’auteurs et auteures en littérature vont chercher à investiguer après coup, pour se connaitre vraiment. Plusieurs œuvres autobiographiques sont célèbres pour avoir accordé une attention marquée au matériau infantile. Proust, dans sa Recherche du temps perdu, retourne en enfance en dépliant certains signifiants qui ont laissé une trace sensible dans sa mémoire. Dans l’œuvre Enfance de Nathalie Sarraute, il s’agit d’établir un dialogue entre l’auteure et son moi enfant. Marguerite Yourcenar, dans ses Souvenirs pieux, constate le nécessaire recours à la fiction pour reconstituer son propre roman familial. Annie Ernaux, quant à elle, revisite ses souvenirs d’enfance avec une écriture dépouillée, sans affect, pour véritablement les mettre à plat. Ces œuvres, parmi d’autres, montrent que l’origine se conjugue au présent, que l’enfance n’est pas une période figée dans le passé de l’individu et que la littérature est son lieu de surgissement par excellence.

C’est dans cette optique que nous vous invitons à réfléchir, pour ce numéro de Postures, à des œuvres ou des problématiques littéraires où l’enfance, plus qu’une simple thématique, œuvre à même le texte et s’annonce comme un motif d’écriture qui met en question le rapport au sujet.

 

[1] Ariès, Philippe. L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime. Paris : Plon, 1960.

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Appel de textes, numéro 21: L’enfance à l’oeuvre

Date de tombée: 21 octobre 2014

Selon l’historien Philippe Ariès, l’enfance est un concept moderne apparu après la révolution industrielle[1]. Grâce à une conjoncture de faits sociaux particuliers (baisse du taux de mortalité infantile, régulation des naissances, baisse de fécondité, etc.), la société occidentale en serait venue à situer et à définir la réalité de l’enfance en rapport avec ce que nous connaissons aujourd’hui comme la famille nucléaire, à savoir, une structure familiale restreinte, au sein de laquelle l’enfant occupe une place spécifique. En même temps que la « particularité enfantine », émergea une littérature didactique (traités, fables, contes) à l’adresse de ces enfants. Pensons aux Malheurs de Sophie de la Comtesse de Ségur dont on se servait pour discipliner les jeunes filles, ou encore à L’Émile ou De l’éducation de Jean-Jacques Rousseau, qui rassemblait les indications pédagogiques nécessaires à l’éducation idéale de l’homme social.

L’enfance, à l’orée du XXe siècle, devient un objet d’étude privilégié, occupant les penseurs de différentes disciplines : John Locke, philosophe, conçoit l’esprit de l’enfant comme une tabula rasa : une page blanche vide d’idées innées devant être remplie par l’expérience; Freud propose en 1905, avec ses Trois essais sur la théorie de la sexualité,une théorie alors inédite voulant que l’enfant connaisse une vie sexuelle qui détermine sa vie désirante adulte; Jean Piaget, influencé par la psychanalyse, se propose d’étudier les « stades de développement » chez l’enfant, une analyse qui marquera de façon déterminante la sphère de la psychologie. Au cours de la première moitié du siècle apparaissent également plusieurs figures de l’enfant, les Peter Pan (l’enfant qui ne vieillit pas) et Lolita (l’enfant sexualisée), qui cristallisent une certaine fascination pour cet objet. Plus tard, au Québec, les narrateurs enfants de Réjean Ducharme, Bruno Hébert et Gaétan Soucy, pour ne nommer que ceux-là, connaitront une incontestable popularité.

Bien ancrée dans l’imaginaire et le sens commun, l’enfance s’entend comme le socle de l’identité, une période qu’auteurs et auteures en littérature vont chercher à investiguer après coup, pour se connaitre vraiment. Plusieurs œuvres autobiographiques sont célèbres pour avoir accordé une attention marquée au matériau infantile. Proust, dans sa Recherche du temps perdu, retourne en enfance en dépliant certains signifiants qui ont laissé une trace sensible dans sa mémoire. Dans l’œuvre Enfance de Nathalie Sarraute, il s’agit d’établir un dialogue entre l’auteure et son moi enfant. Marguerite Yourcenar, dans ses Souvenirs pieux, constate le nécessaire recours à la fiction pour reconstituer son propre roman familial. Annie Ernaux, quant à elle, revisite ses souvenirs d’enfance avec une écriture dépouillée, sans affect, pour véritablement les mettre à plat. Ces œuvres, parmi d’autres, montrent que l’origine se conjugue au présent, que l’enfance n’est pas une période figée dans le passé de l’individu et que la littérature est son lieu de surgissement par excellence.

C’est dans cette optique que nous vous invitons à réfléchir, pour ce numéro de Postures, à des œuvres ou des problématiques littéraires où l’enfance, plus qu’une simple thématique, œuvre à même le texte et s’annonce comme un motif d’écriture qui met en question le rapport au sujet.

Créée en 1996 afin d’offrir un lieu de publication scientifique aux étudiants et étudiantes en études littéraires (du premier cycle au postdoctorat), la revue Postures réunit chaque année une dizaine de textes articulés autour d’une problématique d’actualité dans les milieux littéraires et intellectuels. Les textes proposés, d’une longueur de 12 à 20 pages à double interligne, doivent être inédits et soumis par courrier électronique, à l’adresse postures.uqam@gmail.com avant le 21 octobre 2014. La revue Postures offre dorénavant un espace hors dossier pour accueillir des textes de qualité qui ne suivent pas la thématique suggérée. Les auteurs et auteures des textes retenus devront participer à un processus obligatoire de réécriture guidé par le comité de rédaction, avant leur publication.

 

[1] Ariès, Philippe. L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime. Paris : Plon, 1960.

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Appel de textes, « Hors Dossier », no. 20

Appel de textes, « Hors Dossier », no. 20

L’équipe de la revue Postures invite les jeunes chercheurs et chercheuses à soumettre leurs propositions d’articles pour la section Hors dossier du numéro 20, «Corps et nation : frontières, mutations, transferts ». Ce numéro est dédié aux actes du colloque annuel de l’AECSEL qui s’est tenu à l’Université du Québec à Montréal le 13 mars 2014 dernier. Il sera publié en automne 2013.

Les textes proposés, de 12 à 14 pages à double interligne, doivent être inédits et soumis par courrier électronique à l’adresse postures.uqam@gmail.com avant le 21 mai 2013. Les auteur.e.s des textes retenus devront participer à un processus obligatoire de réécriture guidé par le comité de rédaction avant la publication des textes.

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