The rebellion was individual and nihilistic;
each of the rebels simply refused to accept any model,
in literature or life, that older people asked him to emulate. […]
[He] liked to be “cool,” that is, withdrawn.Malcolm Cowley, The Literary Situation
Dans un ouvrage publié en 1954, décrivant la scène littéraire américaine de la fin des années quarante, Malcolm Cowley annonçait déjà la « rébellion » de la génération beat. Il divisait la jeunesse américaine en deux groupes : une majorité conformiste, dépourvue de toute ambition, si ce n’est celle d’avoir une jolie maison près d’un terrain de golf, une jolie famille et un emploi stable; ainsi qu’une minorité anticonformiste, tout aussi dépourvue d’ambition. Selon Cowley, c’était un certain « John Kerouac » qui allait le mieux représenter cette minorité « nihiliste », avec un long récit à paraître, intitulé On the Road.
Pour plusieurs, ce roman de Jack Kerouac, publié trois ans après le texte de Cowley, constitue la première inscription dans le monde littéraire de l’après-guerre d’une génération d’écrivains américains en réaction contre l’establishment. Si Cowley faisait allusion à une certaine absence d’idéologie, on verra ici que c’est sans doute parce que l’opposition chez les beat est beaucoup plus générale. Il s’agira de démontrer comment ce « nihilisme » des beat, ce withdrawal que décrivait Cowley, renvoie plutôt à une conscience sociale bien ancrée dans la réalité contemporaine. Et cette idée se vérifie dans le roman de Kerouac en suivant deux thèmes spécifiques : la présidence de Harry S. Truman aux États-Unis et le jazz des années quarante.
On insistera d’abord sur les références textuelles contemporaines par rapport au contexte de production pour en faire ressortir une certaine critique sociale. On constatera aussi comment la « prose bop spontanée » de Kerouac (Weinreich, 1987, p. 39), inspirée du jazz, renvoie en fond et en forme à un désir d’anticonformisme dans une société à l’aube de la Guerre froide et du maccarthysme. Ainsi, malgré une inclinaison plus formaliste vers le jeu langagier et une certaine marginalisation, Kerouac finit bel et bien par décrire l’Amérique du début des années cinquante. Et, plus fortement, il y prend position.
Publié en 1957, On the Road décrit les voyages de Sal Paradise à travers l’Amérique sur une période de trois ans, de 1947 à 1950. Dans la tradition du roman de quête, Kerouac décrit la désillusion des Américains à la fin des années quarante et au début des années cinquante, à travers ce que Regina Weinreich appelle « the search for something holy » (ibid., p. 35). Le roman capte l’essentiel de la génération beat, notamment l’idée d’anticonformisme véhiculée par les deux personnages centraux : Sal Paradise et Dean Moriarty.
L’invention de la bombe nucléaire, et surtout sa première utilisation en 1945, sont venues clore une première moitié du vingtième siècle teintée de morts massives et de conflits idéologiques sans précédent. Alors que la fin de la Première Guerre mondiale avait fait émerger des thématiques sociales à fortes influences marxistes dans les pays occidentaux, la fin de la Seconde Guerre mondiale marque aux États-Unis un virage plus freudien. On délaisse les problématiques de classes pour des préoccupations plus individualistes, plus domestiques (Haut, 1995, p. 8). Après deux Guerres mondiales, la grande dépression et l’avènement du communisme comme contrepoids féroce au capitalisme, le peuple américain cherche à revenir à une certaine normalité.
C’est dans ce contexte qu’émerge une forte tendance conservatrice dans le spectre politique. La Guerre froide viendra renforcer une vision manichéenne du monde aux États-Unis où le communisme, du moins dans les discours des politiciens tels que Harry S. Truman, représente le mal absolu. Sous la présidence de Truman, de 1945 à 1953, on verra naître le maccarthysme et différents programmes « patriotiques » visant à contrer l’infiltration communiste et à justifier la guerre de Corée. En ce sens, voyons maintenant comment On the Road constitue une réaction aux valeurs véhiculées par les conservateurs américains.
Bien que, selon Ann Charters, Kerouac cherchait plus souvent qu’autrement à esquiver les problématiques sociales du début des années cinquante (Charters, 1975, p. 317), les préoccupations de son époque sont bien présentes dans son œuvre. Concernant la Guerre froide, sans évoquer d’opinions directement, le narrateur Sal Paradise utilise l’opposition Russie / États-Unis pour décrire Dean Moriarty et Carlo Marx. D’abord, en parlant de Dean, Paradise dit qu’il avait l’énergie d’un « new kind of American saint » (Kerouac, 1976, p. 38). Puis Carlo Marx est décrit comme ayant la chambre d’un « Russian saint » (ibid., p. 47). Le parallèle avec la Guerre froide, dans l’optique de la génération beat, est d’autant plus intéressant ici du fait que le narrateur se sert de deux idéologies diamétralement opposées pour décrire de bons amis, abolissant ainsi toute opposition. Comme Marx l’explique à Paradise, ils ont une relation toute particulière, basée sur l’authenticité : « We’re trying to communicate with absolute honesty and absolute completeness everything on our minds. » (Ibid., p. 41.) Refusant donc d’adhérer à la vision manichéenne du conflit historique réel, abolissant tout contraste entre les deux amis, Kerouac rend compte de son anticonformisme.
Les clins d’œil à la présidence de Truman et à la récession de 1949 sont multiples. À quelques endroits, Kerouac fait référence au Fair Deal, une récupération par Truman du New Deal élaboré par Roosevelt avant la guerre, visant à réajuster l’économie américaine en accordant une plus grande importance aux droits civiques comme l’aide sociale et les soins de santé (Freeland, 1970, p. 225). Pour justifier le fait qu’il ait volé, un des personnages de Kerouac dit : « You know what President Truman said […]. We must cut down on the cost of living. » (Kerouac, 1976, p. 70.) Autre symbole du refus, chez les beat, d’adhérer aux politiques instaurées par le gouvernement : le cynisme du personnage rend justice à des actes illégaux. Il donne au vol des vertus politiques, celui-ci contribuant à faire baisser le coût de la vie. On remarque ici le regard que portent les beat vis-à-vis des doctrines de l’establishment, le refus y est total.
Alors qu’ils traversent le Texas, Dean, Sal et Marylou écoutent une station de radio qui ne diffuse que de la musique country ou mexicaine entrecoupée de publicités d’éducation par correspondance. Dean fait alors une critique corrosive de la station : « [It is the] worst program in the entire history of the country and nobody can do anything about it. They have a tremendous beam; they’ve got the whole land hogtied. » (Ibid., p. 162.) En 1947, dans un effort pour contenir l’infiltration communiste aux États-Unis, l’administration Truman a créé le Zeal for American Democracy Program (Freeland, 1970, p. 230). Ce programme impliquait une certaine réforme de l’éducation, au sein de laquelle les jeunes apprendraient à reconnaître les caractéristiques du totalitarisme, au profit, bien sûr, de la démocratie. Bien que Dean affirme avoir écouté cette station de radio avec les mêmes publicités longtemps avant 1947, le parallèle est intéressant. À l’époque où un programme national d’éducation sur les dangers du totalitarisme est mis sur pied par le gouvernement, Dean décrit le pays comme ayant les mains et les pieds liés par une station de radio-propagande. Cet extrait exprime assez clairement l’esprit critique des personnages de Kerouac quant au système politique établi. Ce « they » — eux, cette classe politique à laquelle la génération de l’auteur peine à s’identifier — marque certainement une séparation entre peuple et gouvernement. Comme quoi, dans l’optique des politiques « patriotiques » de la Guerre froide, cette crainte du gouvernement envers sa population trouve une réciprocité chez les beat. L’avènement de la bombe nucléaire et tout le secret qui entourait son développement à Los Alamos, une dizaine d’années plus tôt, a sans doute contribué à instaurer cette méfiance envers le pouvoir qui agit dans la confidentialité et qui, manifestement, gagne en puissance. L’exécution de Ethel et Julius Rosenberg pour avoir transmis le secret de la bombe nucléaire à l’ennemi soviétique, en 1953, a alimenté chez certains une méfiance envers un gouvernement de plus en plus paranoïaque.
Entre 1947 et 1952, 6,6 millions de personnes ont été sous enquête, soupçonnées d’avoir mené des activités communistes aux États-Unis : c’était la chasse aux sorcières du sénateur McCarthy (Haut, 1995, p. 15). Dans ce que Woody Haut appelle le cauchemar américain, la Guerre Froide, la bombe atomique et la guerre de Corée ont contribué à installer une paranoïa presque généralisée dans la psyché américaine. Cette paranoïa est palpable dans On the Road notamment à travers la réflexion de Old Bull Lee, un ami plus âgé que le narrateur, quand il dit : « Man ain’t safe going around this country anymore without a gun. » (Kerouac, 1976, p. 145.) Old Bull rend ainsi compte de la paranoïa qui s’est généralisée dans la période du maccarthysme aux États-Unis. Ce commentaire prend toute sa valeur par rapport au contexte social lorsque Old Bull s’oppose de façon féroce à la bureaucratie, aux syndicats et à l’idéologie libérale, à la fin du chapitre. On comprend qu’il représente en fait cette majorité d’Américains paranoïaques des années quarante et cinquante, largement influencés par les discours des politiciens axés sur la peur et la sécurité nationale.
Même si Kerouac prétend refuser l’engagement, une critique sociale s’inscrit immanquablement dans son écriture. À cet égard, on pourrait postuler que ce refus lui-même marque une forme d’engagement. Dans un contexte si restrictif, le désengagement social peut être très dénonciateur. Les personnages sont perçus comme des victimes de la structure législative et condamnent le gouvernement. Quand des policiers arrêtent Dean, Sal et Marylou, Kerouac fait référence au Mann Act (ibid., p. 136). Au tout début du vingtième siècle, le gouvernement américain a émis une loi interdisant le transport de prostituées d’un État à un autre. On a baptisé le projet de loi en l’honneur de son auteur James Robert Mann (Shortess, consulté de 3 janvier 2008). Dans le roman, les policiers cherchent à se servir de la loi Mann pour inculper Dean, en présumant que Marylou est une prostituée. Évidemment, ici, la référence historique sert beaucoup plus au récit qu’à une quelconque dénonciation — bien qu’on pourrait peut-être y voir une certaine critique féministe. À tout le moins, la référence évoque l’opinion de l’auteur quant aux méthodes d’interventions policières de l’époque.
Par-dessus tout, les exemples précédents ont montré que cette génération nihiliste, que Malcolm Cowley décrivait comme une jeunesse qui ne savait pas trop ce qu’elle voulait, savait certainement ce qu’elle ne voulait pas. Ce que Sal Paradise et Dean Moriarty rejettent par leur cynisme et leur délinquance, c’est l’Amérique de la Guerre froide et du maccarthysme. Ils refusent d’obéir à l’urgence de la conformité qui envahit la nation. Comme on le verra plus amplement avec le traitement du langage dans l’écriture de Kerouac, ils choisissent plutôt d’être en marge.
Si l’œuvre de Kerouac est imprégnée par des éléments de la réalité, son ambition littéraire n’appartient pas au courant réaliste pour autant. Kerouac s’inscrit peut-être plutôt dans cette catégorie d’auteurs pour qui, comme le suggère Susan Strehle, la « réalité », notamment depuis l’avènement de la théorie de la relativité ou de la physique quantique, ne peut plus vraiment être considérée comme « réaliste » (Strehle, 1992, p. 66-92). L’œuvre de Kerouac surgit à l’aube d’une période dans laquelle de nouveaux modes de représentation langagière du réel deviennent imminents1.
Marc Chénetier affirme que le traitement de l’oralité chez des auteurs comme Jack Kerouac « fait peser le soupçon sur la capacité du langage à rendre d’une quelconque façon le réel » (Chénetier, 1989, p. 37). On ne peut passer outre l’importance de l’oralité dans l’œuvre de Kerouac. Son style renvoie précisément à la notion de « réalité » avancée par Strehle. Bien que l’emploi de l’oralité chez Kerouac ne relève peut-être pas d’une volonté réaliste, il est marqué par une volonté de marginalisation qui a poussé les auteurs de la génération beat à se rapprocher de la culture afro-américaine : « […] rather than working for the integration of marginalized peoples into the American mainstream, in their discourse and their behavior the Beats expressed a desire to join the excluded others on the margins — not on the barricades. » (Holton, 1995, p. 267.) Plus fortement, l’oralité chez Kerouac crée un effet de réel puissant dans la lecture. Comme on l’observera dans les paragraphes suivants, cette oralité est évocatrice du contexte de production, particulièrement à travers un style de prose spontanée.
André Hodeir rappelle que les années quarante représentent l’âge d’or du bop, une forme musicale qui a ouvert les frontières du jazz plus classique avec ses métriques plus éclectiques, plus expérimentales, et qui appelait l’auditeur à s’asseoir pour écouter la musique plutôt qu’à danser (Hodeir, 2003, p. 23). Or, comme le bop des années quarante, la prose de Kerouac, particulièrement dans sa structure, vise à créer un style délibéré qui produit une illusion de spontanéité. Kerouac comparait d’ailleurs sa tâche d’écrivain à celle du trompettiste de jazz, consistant à souffler dans son instrument « till he runs out of breath » (Weinreich, 1987, p. 9).
Un exemple de cette conception de l’écriture se trouve au premier chapitre de On the Road : « I said, “Hold on just a minute, I’ll be right with you soon as I finish this chapter”, and it was one of the best chapters in the book. » (Kerouac, 1976, p. 4.) Pour le narrateur, comme pour Kerouac, ce chapitre terminé hâtivement constitue un des meilleurs chapitres du livre qu’il écrit. Or, Kerouac prétendait ne jamais réviser ses textes. En concordance avec les expérimentations de la génération beat, notamment avec la drogue, il fondait son travail d’écriture sur la découverte d’expériences et sur l’improvisation. Comme l’explique Regina Weinreich, « Kerouac’s writing is an attempt to discover form, not to imitate it, and to discover experience in the act of writing about it […] » (Weinreich, 1987, p. 4). Cette conception de l’acte d’écriture s’inscrit parfaitement dans son contexte social : considérons simplement l’essor du bop, sa prédominance dans la culture afro-américaine et les coïncidences entre les caractéristiques de celui-ci et celles de l’écriture de Kerouac. D’ailleurs, la présence même de la musique bop à travers le roman ne fait qu’appuyer cette idée. De Stan Getz à Charlie Parker, de Dizzy Gillespie à Lester Young, le roman déborde de références aux figures marquantes du jazz.
Du point de vue rythmique, la description du travail de Dean en tant que valet de stationnement, toujours au premier chapitre, laisse certainement une impression de spontanéité et de musicalité, comme le ferait une pièce bop :
The most fantastic parking-lot attendant in the world, he can back a car forty miles an hour into a tight squeeze and stop at the wall, jump out, race among fenders, leap into another car, circle it fifty miles an hour in a narrow space, back swiftly into a tight spot, hump, snap the car with the emergency so that you see it bounce as he flies out; then clear to the ticket shack, sprinting like a track star, hand a ticket, leap into a newly arrived car before the owner’s half out, leap literally under him as he steps out, start the car with the door flapping, and roar off to the next available spot, arc, pop in, brake, out, run […] (Kerouac, 1976, p. 6).
Dans le roman, le rythme rapide de cette phrase s’étend sur treize lignes; on en vient presque à manquer de souffle. L’effet bop est certainement réussi et rappelle l’essor de cette forme musicale.
Dans l’écriture même, on voit, on entend et on sent l’urgence de la scène décrite. Quand, à la fin du passage, les propositions descriptives sont remplacées par l’énumération de mots monosyllabiques décrivant l’action, leur sens cède pratiquement sa place aux sons qu’ils évoquent. La métonymie se voit doublement enrichie par le caractère onomatopéique du vocabulaire choisi. Quand on lit « arc, pop in, brake, out, run », on entend très bien ce que ces actions pourraient produire comme bruit. Il y a certainement là quelque chose de très musical, s’inscrivant dans l’esthétique du bop. Kerouac se servira également de nombreuses allitérations pour créer le même effet spontané, cette fois-ci à travers la répétition sonore.
Il y a aussi le vocabulaire qui rappelle le jive-talking des Afro-Américains, ce que Kerouac nomme le « jazz American » (ibid., p. 61), qui rappelle cette volonté de marginalisation des beat. On retrouve souvent des phrases dépourvues de prépositions ou certaines expressions appartenant à la langue populaire, comme : « […] he done lost her » (ibid., p. 30). De plus, Kerouac utilise les termes « Sams » ou « saint » pour désigner un homme. L’utilisation de formes de langage, d’accents ou d’expressions contemporaines contraste avec le discours de la white normality et, comme l’explique Robert Holton, contribue à la démythification de la culture dominante (Holton, 1995, p. 268).
Il faut rappeler qu’avec l’essor du bop grandira la figure du jazzman comme Charlie Parker, Miles Davis et Thelonious Monk. Ce n’est pas un hasard si Cowley décrivait la génération beat comme étant « cool ». Être cool, c’est aussi le propre du jazzman. C’est ce Birth of the Cool, album fétiche de Davis. C’est cette attitude décontractée, nonchalante et toujours au-dessus de la situation (Weinstock, consulté le 8 janvier 2008). Devant une performance d’un groupe jazz, Dean observe un des musiciens : « […] the leader, that cool cat, tells him not to worry and just blow and blow — the mere sound and serious exuberance of the music is all he cares about. » (Kerouac, 1976, p. 240.) Le passage est suivi d’un bref historique de la musique bop, écrit au rythme de la musique jouée sur la scène.
Le détachement des beat, par leur langage comme par leur cynisme, en vient à traduire un fort désir de marginalisation. À travers toute l’hystérie du maccarthysme, les personnages du roman de Kerouac choisissent plutôt de rester « cool ».
Si Jean-Paul Sartre affirmait que l’écrivain « ne survole pas […] l’histoire : il y est engagé » (Sartre, 1948, p. 77), On the Road de Jack Kerouac le confirme assurément. Sur le plan du contenu, la présence de nombreux éléments politiques et du caractère paranoïaque de Old Bull Lee évoque la tendance conservatrice de l’Amérique après la Deuxième Guerre mondiale et l’opposition qu’elle rencontre chez les beat. Concernant la forme, l’effet spontané de la prose de Kerouac rappelle le style expérimental et révolutionnaire du bop des années quarante. L’usage d’une oralité décadente, rythmée et pensée dans une volonté d’abolir les conventions romanesques, cède la place à un effet de réel expérimental qui détonne. Sur le fond et sur la forme — en cynisme, en musicalité, en oralité — Kerouac parvient à subvertir la tradition réaliste américaine sans jamais s’extraire de la réalité socio-historique dans laquelle il écrit. Même si l’attitude détachée des beat traduisait pour certains une absence d’idéologie, force est de constater que le roman qui les aura défini en dresse un tout autre portrait : leur désir de marginalisation est évocateur d’une prise de position ferme contre les politiques du gouvernement américain.
Pourtant, en 1954, les prédictions de Malcolm Cowley quant au sort de la génération beat étaient bien pessimistes :
My one complaint against them would be that they weren’t yet producing new works of literature. They weren’t expressing their new sense of life. They weren’t coming forward with myths and heroes — that is, with archetypal stories and characters — for the new age in which they lived. (Cowley, 1958, p. 242.)
Cowley se ravisera peu après en convainquant la maison d’édition Viking de publier On the Road (Malcolm, 1999, p. 86). Inspirant les mouvements de la counterculture des années soixante, la génération beat, avec Kerouac, Ginsberg et Burroughs en tête, s’inscrira certainement dans l’histoire littéraire américaine. Et, à sa façon, Jack Kerouac deviendra un important modèle d’anticonformisme à l’ère du maccarthysme.
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