La question du langage engage aussitôt la question de l’appropriation d’une langue, d’un monde, d’un champ de références qui soutient le rapport entre l’humain et le réel. Les représentations écopoétiques souhaitent, la plupart du temps, reconstruire poétiquement le monde mutilé, fabriquer un « écosystème linguistique » (Blanc, Chartier, Pugue 2008, 22) et finalement réconcilier ce qui a été détruit pour dépasser le clivage sempiternel entre l’humain et la nature par l’élaboration d’un « imaginaire environnemental » (Buell 1995). Si, pour Jonathan Bates, « l’écopoétique cherche à étudier l’hypothèse selon laquelle un poème serait une création (du grec poiesis) d’un lieu d’habitation » (Bates 2000, 22) alors la perspective d’une poésie écologique impliquerait la construction d’une forme d’idéalité par l’écriture, c’est-à-dire une forme de refuge depuis lequel les humains « habiteraient en poètes », sinon depuis lequel les poètes feraient retentir le « chant de la terre » (Bates 2000). Le problème qui se pose revient directement à nous interroger sur le rapport entre le réel écologique et l’écriture ainsi que sur l’identification entre les mots et les choses. Le grand danger serait précisément d’enfermer la nature dans un discours qui, nécessairement, est anthropologiquement et subjectivement biaisé : peu importe l’angle narratif adopté (comme dans la zoopoétique ou le devenir-arbre de la narration1), l’écrivain ou l’écrivaine ne peut que ramener son objet au sujet, le fétichiser, le dévorer systématiquement par son geste d’écriture. La nature est traduite, l’humain lui donne une parole, en fait un discours qui arrache la nature de son silence 2. Son essence est ramenée au concept qui la contient (conceptus3) et la retient à une forme d’idéalisme.
Cet article a pour objectif de proposer une analyse renouvelée de la question écologique esthétisée. Comment aborder la question écologique de l’habiter sans nier la plaie anthropocène, sans même la réactiver en jouant du concept ? Comment comprendre sans « prendre »? Pour Ernst Haeckel, l’écologie est « la science de l’économie des organismes, de leur mode de vie et leurs relations extérieures vitales les uns avec les autres » (Ernst Haeckel cité par Peter Szendy 2021, 12). Plusieurs choses se dégagent de cette première définition. D’abord, l’écologie est substantiellement mêlée à la question économique, c’est-à-dire à la gestion des énergies de l’univers entre accroissement et consumation4 des richesses. Dans La Part maudite, Georges Bataille détermine les lois de l’univers basées sur une suite continue de chocs et d’autodestructions qui ne cessent de renaître de leurs cendres :
Je partirai d’un fait élémentaire : l’organisme vivant, dans la situation que déterminent les jeux de l’énergie à la surface du globe, reçoit en principe plus d’énergie qu’il n’est nécessaire au maintien de la vie : l’énergie (la richesse) excédante peut être utilisée à la croissance d’un système (par exemple un organisme), si le système ne peut plus croître, ou si l’excédent ne peut en entier être abordé dans sa croissance, il faut nécessairement le perdre sans profit, le dépenser volontiers ou non, glorieusement ou sinon de façon catastrophique (Bataille 1976, 29).
Le second point qu’il faut souligner prolonge quelque peu cette idée selon laquelle l’économie de l’univers repose sur une interactivité générale entre plusieurs organismes. Si l’on s’en tient à cette définition, il faudrait concevoir une écriture qui puisse mettre en relation cette activité économique et reproduire le processus universel de l’oikos5 : ce double mouvement de diastole et de systole entre accumulation et dépense improductive des éléments qui composent, décomposent et recomposent les organismes. Ainsi, nous pouvons imaginer la maison (oikos) comme un champ dynamique d’énergie qui organise la croissance et la décroissance au rythme d’un équilibre fondamental.
Loin de tout ce qui pourrait se rapprocher d’une esthétisation de la nature, l’écologie dans le Livre des cabanes de Jean-Marie Gleize met en jeu une gestion des paradigmes de l’œuvre qui consume en elle sa finalité et son imagerie. LeLivre des cabanes (2015) tente d’échapper à toute qualification de genre tout en s’inscrivant dans le prolongement d’une écriture qui souhaiterait dépasser ce qui relève de la poésie (post-poétique) à travers une écriture elle-même poétique,plate et résolument neutre. L’intrigue partage cette aporie dans la mesure où il n’y a pas de continuité logique ni cohérence qui puisse permettre de résumer le sens complet de l’œuvre. Le récit laisse toutefois apparaître un certain climat militaire par les slogans guerriers, sensiblement influencés par une idéologie communiste — où émergent des données historiques, tantôt intimes, tantôt empruntées à des « éléments de chronologie ». En définitive, l’enjeu du Livre des cabanes ne se situe pas dans la construction d’un sens, mais plutôt dans la construction d’un lieu.
Les images se complexifient, se consument dans le temps et l’espace, se transforment et mettent en place un véritable organisme entropique. Pour que le langage poétique soit naturel, il doit renoncer à connaître la nature. L’enjeu de ce que nous avons choisi d’appeler « écopoétique négative » n’est donc pas de proposer une lecture positive de la nature, mais de révéler la nécessité de rompre avec l’organisation actuelle du monde et les automatismes discursifs qui réactivent symboliquement la plaie anthropocène à travers les représentations.
Parce que la nature n’existe pas à l’état pur, qu’elle est toujours-déjà médiatisée, traduite, transformée et retransformée par les discours, qu’elle est toujours-déjà en proie à l’anthropomorphisme, il faut envisager une posture qui rompe avec l’idée d’une nature idéalisée, vierge, et penser dialectiquement le rapport entre la nature socialisée et le souvenir de la nature dans le langage. Cette réflexion dialectique ne pouvait être mieux appréhendée que par l’écriture poétique, précisément parce que l’œuvre qui se consume ne propose aucun discours politique explicite. Son impact est latent et ne fait que traduire sensiblement et rationnellement la domination de l’humain sur la nature, anticiper la destruction des paysages causée par l’hyperindustrialisation.
L’écriture poétique de Gleize réévalue les modalités du discours sur le réel en consumant les figures : l’œuvre s’épuise en elle-même, se décompose, se fracture, se disloque de sorte qu’elle prolonge poétiquement — mais sans nier la cicatrice, la blessure entre le verbe et le réel — la reconnaissance du « géocide » en cours, en même temps qu’elle cherche à reproduire dans son processus — son involution productrice de formes — la consumation naturelle des énergies.
Notre travail se présente à partir de six axes qui reproduisent progressivement et de façon parcellaire notre schéma de pensée. Après avoir démontré que l’approche gleizienne est nécessairement négative (I) et analysé comment l’écriture plante un décor, fait territorialisation et laisse émerger ce qui ressemble à une intrigue (II) nous nous intéresserons aux propriétés abrasives de l’écriture gleizienne, c’est-à-dire comment le langage se trouve déformé, déterritorialisé, ce qui constitue, de fait, la défection travaillée du territoire mis en place (III). La décomposition des figures que permet cette déterritorialisation nous amènera à considérer l’écriture poétique gleizienne comme une errance, celle d’un langage sans abri : l’écriture demeure sans demeure. Cette forme de déterritorialisation répétée du lieu-poésie nous conduira à la question de la dés-habitation du langage et de ses images, à savoir la circonvolution flamboyante de la consumation (IV). Le cinquième axe vise à dépasser cette question de territorialisation-déterritorialisation pour problématiser plus en profondeur la mise en crise des représentations écopoétiques à travers la consumation des images (V). Finalement, le dernier moment de notre réflexion consistera à présenter les fondements de cette écopoétique négative. L’écriture conserve une certaine distance avec son objet. Autrement dit, elle n’identifie directement pas la nature, mais la fragmente, la complexifie, la déchire dans sa représentation. Le Livre des cabanes produit poétiquement une théorie critique de l’imaginaire holiste et anthropocentré que nous avons de l’ensemble des écosystèmes (VI).
L’approche mise en avant se veut différente de l’écopoétique actuelle comprise comme « la mise en poème du lieu qu’on habite, la poémisation de l’habitat » (Bates, 2000, 76). Elle tente de réévaluer les problématiques écologiques sans pour autant rassembler le sujet et l’objet, de cultiver cet écart critique nécessaire et d’affronter obliquement la question écologique. Cela implique de penser en faisant bifurcation et d’envisager l’écriture écologique comme un détour, une déviation du chemin habituel et direct, mais aussi comme une stratégie nécessaire et plus complexe qui laisserait entrevoir la possibilité de nouvelles expérimentations poétiques. Cela revient à aborder la nature par la négative en soustrayant ses représentations sclérosées tout en conservant cette idée de la non-réconciliation entre les mots et les choses : travailler cette blessure du sens et envisager la question écologique par le biais d’une logique poétique autotélique et dont le projet d’inspiration très moderne et objectiviste consiste à défaire poétiquement ce qui relève du poétique : « Une fois de plus, ma frontière lyrique-non lyrique ne passe pas entre cette œuvre et son dehors, mais à l’intérieur de l’œuvre elle-même, comme une tension constitutive ». (Gleize 2014a, 93)
L’approche gleizienne prend racine dans ce qu’Emmanuel Hocquard nommait la « modernité négative » (Hocquard, 1988) et dont l’écriture consiste à s’écarter d’une littérature qui prendrait lyriquement pour sujet le réel réconcilié. Cette démarche négative prend en compte la plaie qui ne se referme pas entre l’humain et son environnement, entre les images et leur modèle-référent tout en concevant un rapport dialectisé. Ce travail littéraire est avant tout un travail du dessèchement des figures propre à la littéralité, là où précisément —dans cette « épreuve du négatif » (Gleize 2014b, 340) qui motive l’écriture poétique — émerge un mouvement subversif et réformateur, un écosystème dont les éléments internes, les images se consument. Cette tendance au désenchantement et au dérèglement interne des formes poétiques — d’inspiration rimbaldienne et pongienne —, Jean-Marie Gleize la cultive jusqu’à révéler l’aporie essentielle de la poésie contemporaine sous le prisme de la littéralité. En prônant l’« assassinat prémédité de l’ode et du chant par son objet » (Gleize 2014b, 73), l’écriture s’autosacrifie dans la déflation littérale qui met en jeu la dissolution des images dans « l’acide de la prose » (Gleize 2014b, 73). Cet objectivisme scriptural répond poétiquement — c’est-à-dire en mimant structurellement, par le même médium que l’adversaire — à une poésie lyrique qui dépasse et rate toujours le réel en le métaphorisant ou en le réparant par un arsenal de figures stylistiques. Il semblerait alors que ce schéma profondément négatif — sinon aporétique et auto-consumatoire de l’écriture poétique — soit à la mesure des lois qui régissent l’univers, à savoir son devenir entropique, mais aussi à la mesure de l’épuisement des naturalités provoqué par l’impact anthropocène. Le rapport s’établit sans ressemblance ni « identification ». Il se prononce plutôt dans le processus lent et érosif de l’écriture qui cherche à restituer « littéralement et dans tous les sens6 », « les accidents du sol » (Gleize 1999, 40).
Cette tension littérale est intéressante parce qu’elle active intrinsèquement l’embrasement de ce qui constitue ordinairement l’imagerie poétique. La littéralité gleizienne comme déterritorialisation des figures exige de faire de l’expérience poétique une « expérience de localisation » (Gleize 2014a, 335) depuis laquelle Gleize peut faire lieu sans habiter, sans asseoir une ontologie précisée et définie de l’objet de l’écriture. L’analyse du Livre des cabanes révèle les mécanismes d’une écologie de l’esthétique qui ne sont pas ceux d’une esthétique écologique, supposant de facto d’appréhender la question de l’oikos, c’est-à-dire la question du langage comme habitat, sans en faire une image, un discours. La perspective poétique qui est celle de Gleize met en jeu un système érosif dans lequel le contenu poétique entre en contact avec ce qui essaie de l’effacer. L’écriture génère une lutte intestine qui est propre à la consumation.
Les lieux ont un rôle fondamental dans la formation et la destitution des figures dans la poïétique gleizienne. Penser la poésie ne va pas sans une « expérience de localisation » qui se concrétise dans les œuvres de fictions de l’auteur (Léman, Donnant lieu…), mais aussi dans le Livre des cabanes à travers l’émergence progressive d’une ontogenèse poétique qui est aussi une ontogenèse des lieux. La valeur métapoétique des cabanes est édifiante et elle ne se dissocie pas d’une problématique de l’habiter dans laquelle se reconnaît l’écopoétique plus traditionnelle, c’est-à-dire ancrée dans les représentations environnementales. Dans la préface de Sorties, Christophe Hanna définit en ce sens l’approche analytique gleizienne comme une lecture panoramique qui exige de nouvelles configurations spatiales, aussi bien du point de vue pratique (la page, les descriptions, la mise en place d’une poïétique des lieux) que du point de vue conceptuel en se référant à des localités :
Lacs, écrans, torrents, couloirs… ce sont quelques-uns des lieux […] qui, dans mon travail d’écriture, sont à la fois des lieux depuis lesquels je travaille […] et des lieux que cette écriture travaille, construit, produit, décrit, circonscrit. (Gleize 2014a, 332)
Plutôt que d’affirmer ce qu’est ou non la poésie, Gleize avance à tâtons à travers une écriture aussi bien aveugle que « topographique » (Thomas 2015, 13) :
Trouver ici était la première question. La première évidence. Il a fallu marcher beaucoup et comme les yeux bandés. Aller très loin de travers. Ignorer le temps. Combien de roues combien, en direction de ça? Combien de tours? (Gleize 2015, 42)
Cette perspective est profondément topogénétique dans la mesure où l’écriture tend à l’élaboration d’un invariant qui matérialise — certes conceptuellement — un lieu qui supporterait l’infinie variabilité de l’écriture anonyme gleizienne : « J’écris pour donner lieu »7 (Gleize 2014a, 292), « L’écriture, d’emblée, étant pour moi liée, ou nouée, à cette question du lieu, du donner lieu, de l’avoir lieu du lieu » (Gleize 2014a, 290). Pas de tremblement des figures sans un territoire figé sur lequel s’appuyer.
Cet invariant est nécessaire au « désaffublement », c’est-à-dire à l’opération littérale qui consiste à effacer les figures préfabriquées. C’est ainsi que le texte fabrique son contexte, en même temps que se construisent les cabanes : « il faut planter des arbres. Il faut construire des cabanes, ici » (Gleize 2015, 22). En tant que lieu, que repère, la cabane concrétise un espace « depuis lequel travailler » et où se meuvent une série de déterritorialisation et de reterritorialisations de ce qui a été tissé. Sur ce point, l’approche gleizienne est très deleuzienne. Le premier temps de l’écriture sera ainsi d’exposer un cadre, de délimiter un champ d’intervention, un ensemble de figures, de réévaluer la matérialité de la page pour en dévoiler son obscénité8. C’est sous ce rapport que la page se dénude à la lecture et se montre ainsi sous sa franche brutalité : « pagina » signifie en latin « page », mais aussi « mettre des bornes » ou « planter de vignes des coteaux ». En délimitant l’espace de la page, en les soumettant à la lecture, Gleize la spatialise et finalement met en place une série de lieux, un écosystème dont les éléments internes communiquent et s’entremêlent comme un ensemble d’organismes. Le premier mouvement de l’écriture littérale gleizienne consiste en somme à rendre à l’écriture sa spatialité, à consolider des figures, à repérer le nommable : à créer des situations. Cette première approche constitue une formation d’un contexte qu’il s’agira après coup de défaire : « faire le mur dans les deux sens, le construire et s’échapper » (Gleize 2014a, 217).
Suivant cette première considération selon laquelle l’écriture poétique pose un cadre, sa propre cartographie, sa propre géographie, nous en venons à la seconde posture inhérente à l’écriture littérale, cette fois-ci plus négative et offensive. Elle consiste à faire du lieu construit une zone paradoxale de consumation. La littéralité gleizienne mobilise alternativement deux grands moments soit l’apparition et la dissolution des lieux-figures :
Quelque chose est en formation, mais cette formation est en même temps déformation, de même que tout ce qui apparaît tend à disparaître, à se dissoudre, à se pulvériser, car ce dispositif est essentiellement marqué par le travail du négatif (Gleize 2009, 257).
La description gleizienne tient un rôle négatif dans l’élaboration d’une poésie littérale. La tension se manifeste comme le dépassement de la poésie par les voies poétiques. Sur ce point, l’écriture comporte une fonction que l’on pourrait qualifier d’hygiéniste : le but est de dépeupler les lieux, de « désaffubler », c’est-à-dire de simplifier les figures, de les nettoyer de leur sens artificiel, d’exorciser le texte de toute ressemblance analogique. Il en formule le projet dans Sorties :
Nous ne faisons, en somme, que déplacer des mots et des choses et des images, nous faisons, et pour défaire et pour refaire un lieu, des lieux, des espaces moins d’habitation que de circulation et d’échange. Décharger, recharger. Déplacer. Crever l’écran. (Gleize 2014a, 6)
Nous comprenons que le tout n’est pas d’habiter le poème comme une maison qui serait le siège du langage et du sens. Le texte respire, se charge et se décharge en motivant une consumation interne : « L’image absorbe les mots, les mots absorbent les images, effacent une à une toutes les images. Ainsi des pas sur l’herbe coupée, mouillée, foulée » (Gleize 2015, 23). Dépeupler veut dire déserter, dégarnir, effacer, « sortir », autrement dit, défaire ce qui a été esthétiquement constitué, savamment construit et représenté. Ce qui implique nécessairement une lutte acharnée et décharnée contre le lyrisme poétique qui peuple toujours-déjà les soubassements du langage. Il faut aussi entendre dépeupler sous son acception spatialisante : dé-peupler le texte, c’est le désemplir, évider son contenu jusqu’à ce qu’il ne reste que le lieu (« rien n’aura lieu que le lieu » [Mallarmé 2003, 439]). C’est en ce sens que l’écriture affecte la structure et la forme de l’œuvre. La logique gleizienne est une logique de dislocation. Il n’y a plus de repères, l’écriture désoriente et chaque cabane ainsi construite est amenée à se déconstruire : « Détruisez vos cabanes, Déplacez-vous » (Gleize 2015, 59). On comprendra par là la difficulté d’identifier un lieu fixe interdisant le poème de se fondre en un site où retrouver une stase identitaire, une substance et ainsi en révéler les contradictions (« Je dis que je suis né. J’écris que je suis né à Tarnac », « Je ne suis pas né à Tarnac » [Gleize 2015, 18]). La topographie se substitue à l’éclatement de l’unicité en plusieurs scènes, plusieurs cabanes, plusieurs circonstances. L’écriture du Livre des cabanes est parcellaire et relève du dispositif. Elle implante des fragments qui échappent à la situation d’énonciation comme des slogans politiques ou militants, des dates, des passages aux allures de journaux intimes (par exemple le titre du deuxième chapitre : « LE 12 JUILLET, M., SOUS L’ÉCORCE » [Gleize 2015, 25]) ou encore des photographies plus ou moins contextualisées. Il s’agit pour le texte d’éviter de se cristalliser en une représentation ou en un espace unifié par son étoilement et la mise en constellation de ses catégories.
En quoi cette dislocation coïncide-t-elle avec la déflation caractéristique de l’écriture littérale? L’implantation du décor prend en compte cette nouvelle figure et tend à la défigurer, la ramener à un paradoxe obscurcissant sa lisibilité, sa figurabilité jusqu’à en faire un lieu éphémère et dialectique : comprenons ici la mise en place d’une instabilité constitutive d’un lieu situé entre apparition et destitution des images, entre territorialisation et déterritorialisation. Pour Benoît Auclerc, l’écriture littérale est un « terrorisme à l’usage interne » (2014, 146). Son rôle est de faire vibrer cet espace et d’agir sur les représentations ancrées dans le logos : frayer son chemin9, ouvrir la voie à ce qui ne ressemble plus à de la poésie.
Dans Le Livre des cabanes, la dissolution littérale se mêle au devenir-poussière des lieux : « Les mots sont tombés un à un, goutte à goutte, et se sont mélangés à la poussière » (Gleize 2015, 37), « Ils sont partout cassés, coupés, broyés, mélangés au sol, à la fine couche de poussière, à la poussière pressée, tassée, poussée dans le sol de bois » (Gleize 2015, 37). Il y a coïncidence entre la déconstruction des cabanes et celles des images. Le sacrifice du figural par l’écriture s’aligne sur celle des constructions habitables : « En bas de la boîte la maison de bois est de plus en plus cassée, détruite » (Gleize 2015, 31), « la tente qu’il s’est faite afin soi-même de s’y habiter, de trouver ici, longtemps, comme ce qui s’effondre et se relève et se reconstitue et retombe en poussière » (Gleize 2015, 45). Gleize privilégie la figure de la ruine comme lieu entropique et atopique en jouant sur son paradoxe constitutif : à la fois lieu de clôture et d’ouverture, de construction et de déconstruction. La formule « Oui nous habitons vos ruines, mais » (Gleize 2015, 52) — qui apparaît sur le mur d’une maison abandonnée photographiée par Justin Delareux — est récurrente et revient neuf fois dans Le Livre des cabanes. La phrase est inachevée et annonce un mouvement, sinon un glissement vers l’indéterminé, la sortie discursive : « sortez de vos chambres et de vos cellules et de vos temples déplacez-vous, déplacez tout » (Gleize 2015, 59).
La valeur métapoétique de la cabane, en tant qu’« appareil », en tant que dispositif (une « sorte de lavoir » (Gleize 2015, 33) participe à la revalorisation de l’espace littéraire gleizien. L’inconstance et la fragilité des objets décrits empêchent les figures de se former tout à fait et par conséquent de générer une identité paisible et connue. Le Livre des cabanes se désœuvre perpétuellement, s’autosacrifie pour se reformer autrement. L’ekphrasis littérale de la photographie Destroyed Room de Jeff Wall réaffirme la non-habitabilité de l’écriture gleizienne. La photographie représente une chambre désordonnée dont les meubles sont détruits, renversés, le matelas est fendu et un amas d’objets cassés gît sur le sol. Gleize s’approprie l’image :
Ainsi maintenant la pièce est vide. Il y a un mur de plus. Un autre mur. Les mots sont tombés un à un, goutte à goutte, et se sont mélangés à la poussière. Ils sont partout cassés, coupés, broyés, mélangés au sol, à la fine couche de poussière, à la poussière pressée, tassée, poussée dans le sol de bois. (Gleize 2015, 37)
Le décor intérieur est dévasté et les objets sont déformés. L’écriture semble se fondre dans la photographie jusqu’à la fusion (dissolution) du sujet et de l’objet dans le mutuel devenir-poussière. Les descriptions nous interrogent en ce sens sur l’impossibilité d’habiter les images, de loger dans le lieu poétique et d’y trouver du confort, à savoir la satisfaction d’une médiation rassurée et rassurante entre le concept et son référent.
Dans l’agitation générale et chaotique de cette dissolution continue, les mots n’adhèrent plus aux choses. Les images se décomposent à mesure que les figures se déchirent dans la description gleizienne. Les prémices d’une écopoétique négative se mettent en place progressivement. On comprend que le Livre des cabanes n’aborde pas directement la problématique environnementale et fait de la cabane un lieu imaginaire, un refuge symbolique comme celui dans le Traité de la cabane solitaire; texte dans lequel Antoine Marcel retranscrit une expérience contemplative et poétique du détachement dans un milieu naturel et où la cabane devient le « lieu où l’on peut rêver » (2008, 13). Aucun onirisme n’est en revanche à relever dans le récit gleizien. La question écopoétique est obliquement abordée par la question métapoétique, c’est-à-dire par les séries de déplacements, d’interférences du texte, des vitesses et des lenteurs de l’écriture en recherche d’un lieu à habiter. En ce sens le Livre des cabanes traverse la question de l’oikos dans cette perpétuelle quête où s’active une interface fragile et profondément nomade, une topographie de l’éphémère marquée par le déracinement répété des cabanes : « Détruisez vos cabanes Déplacez-vous » (Gleize 2015, 59).
La littéralité gleizienne nous montre sur ce point la difficulté d’habiter poétiquement (lyriquement) le monde10. Les variations, le fragmentaire participent au désœuvrement du texte qui s’ouvre dans l’aporie littérale : la poésie souhaite sortir du poétique, le lieu est sans cesse défait par ses propres enzymes. L’écriture se projette ainsi dans cette sortie — ne plus se fier à ce qui se présente au visible, aux images :
[…] évacuation des terrains occupés des maisons des tentes des cabanes évacuation dégagement destruction « à la recherche d’essence pour enflammer les palissades en cas d’assaut le long du chemin, des chicanes et des tranchées ont été mises en place pour ralentir les véhicules de destruction, pour les ralentir » (Gleize 2015, 145)
De ces « évacuations des terrains », Gleize érige sa démarche de dissolution poétique. En interdisant d’habiter les cabanes, Gleize amène les mots à déserter les choses, écartant toujours plus loin toute affirmation ontologique. C’est sous ce rapport, sous cette consumation lente que l’écriture poétique maintient son nomadisme en échappant à toute esthétisation qui souhaiterait faire de la langue ou du monde un chez-soi, une ontologie, un abri linguistique dans lequel l’anthropocène, la domination de l’humain sur la nature, peut reprendre forme.
Il faut donc comprendre la déconstruction des cabanes comme une réponse offensive et poétique contre le fantasme d’un chez-soi authentique. Le paysage décrit est emporté dans une tempête qui entraîne dans son mouvement l’identification, la réunion du sujet et de l’objet, toute réponse à la question de l’origine :
On ne sait pas ce que c’est d’être né. En regardant les bords du chemin, la façon dont ils tombent, et ce lambeau d’herbe d’où penchent les arbres entre les deux pentes et le vacarme des chutes, je sais que je suis né même si je ne sais pas comment c’est que d’être né ni où, comment c’est d’être né quelque part. Je n’ai qu’un seul souvenir et c’est celui d’un drap rêche. (Gleize 2015, 18)
Ce qui se présentait alors comme l’introduction d’un contexte narratif s’achève dans la dislocation et le lavement-dessèchement de toute métaphorisation et où seul demeure « un drap rêche », figure restante, part maudite du dégorgement littéral. L’implantation du décor, du cadre spatial (Tarnac) participe à l’élaboration d’un lieu sans-lieu, c’est-à-dire un espace hétérogénétique où les localités se transforment et remuent dans l’écriture. Ainsi Tarnac se change en « cantar » (Gleize 2015, 20) signifiant « chanter » en espagnol. « Tarnac sans Tarnac », « cantar » sans « cantar ». L’écriture avance à reculons, progresse dans son involution des figures. L’écriture gleizienne dé-chante et creuse les lieux dans l’épreuve poétique : « Quelque chose alors apparaît se composer et se décomposer dans le temps quelque chose invisiblement » (Gleize 2015, 31). On comprend alors que le mécanisme gleizien dissout l’évidence de la relation entre le sujet et l’objet, les mots et les lieux se désintègrent : « Elle va et vient en nous, circule, coule, tombe en pluie sur et dans nos bouches et dans nos veines. La poussière va et vient entre nous et en nous » (Gleize 2015, 31).
C’est à travers cette double écriture entre implantation et dissolution que Jean-Marie Gleize met en place une logique d’extraction, du non-habiter, du déménagement et de la dépossession des lieux et de l’oikos. Il récuse de cette façon le modèle poétique motivé par ce à ce qu’Yves Bonnefoy nommait le « devoir de responsabilité ontologique » (1993, 70), la recherche d’une vérité supérieure à habiter. Chez Gleize, l’humain n’habite pas en poète, précisément parce qu’il ne peut s’y tenir, le sommet étant inaccessible, le paysage toujours désolé et encore sensibilisé par l’entropie et le séisme littéral. Il n’y a, en quelque sorte, un habiter gleizien que dans la crise, le tremblement, le vacillement-toupie11 des images et des représentations constituées dans la langue qui restitue une certaine tension (« l’inclusion du négatif » [Gleize, 2014b, 14]) dans l’appartenance du monde par les mots et les concepts. Si la cabane coïncide avec un modèle poétique et poïétique12, le texte gleizien s’affirme comme œuvre-oikos : œuvre-habitat, certes, mais non œuvre-demeure. Sur ce point l’écriture gleizienne fait lieu, implante un écosystème fragile de signes, vacillant, tremblant qui empêche l’identification, qui empêche, nous jouons sur le double sens, de demeurer dans la langue.
De cette dés-habitation forcée, dégage une réflexion sur le rapport poétique entre les mots et les choses nous permettant finalement de révéler la différence entre une écopoétique qui prône « la mise en avant du monde naturel » (Schoentjes 2015, 28) et une écologie poétique qui souhaite travailler l’écart entre le discours et la nature — schéma que nous retrouvons dans le texte gleizien. À aucun moment dans le Livre des cabanes la nature ne se trouve glorifiée ou même approchée. L’écriture littérale ne chante pas la terre, elle ne la réenchante pas non plus. Elle déchante poétiquement et aporétiquement ses représentations (« Tarnac sans Tarnac »). Ce faisant, la pensée écologique que nous souhaitons révéler est sensiblement négative parce que « sans nature13 », parce qu’elle ne reproduit pas d’images, de discours, d’activisme ou de moralisme écologique. Il semble en effet que l’écriture littérale — pour le moins autosacrificiel dans son mécanisme interne — restitue la circonvolution incandescente des figures qui se consument. Nous faisons face à deux principes bien différents : le premier est basé sur l’adjonction, l’imitation, l’illusionnisme et la transitivité pour l’écopoétique, et l’autre, autotélique, dialectique prend ses distances avec la réalité. Son schéma est profondément négatif.
Dans Valet noir, Jean-Christophe Cavallin propose de reconfigurer l’approche écopoétique qui s’attache trop souvent à une logique anthropomorphique. Au mimétisme et aux illusionnismes des écofictions, Cavallin propose une « écologie du récit14 » qui pose les critères d’une redéfinition de « l’écologie de l’imaginaire ». Le rapport se déplace et nous passons d’une recherche de la connaissance qui exige un effort de retranscription, à un appétit conceptuel à une reconnaissance qui « se trouve être la notion cardinale d’une théorie de la forme en tant que performance (forma agens) » (Cavallin 2021b) et qui exige la construction d’un certain intervalle dans la proximité :
Le poète, pour le dire vite, doit parler comme on écrit : tenir son sujet à distance, le transformer en objet, le représenter à la perfection sans jamais le rendre présent. C’est une stratégie d’exclusion inclusive : reproduire en tant qu’image ce que l’image abolit en tant que présence active. (Cavallin 2021a, 229)
Tenir à distance, dans ce cas, cela veut dire tenir en errance et promouvoir l’écart critique dans la proximité ou de la proximité dans la distance. La perspective de Cavallin s’inscrit dans une relation compassionnelle et distante avec le réel écologique. Le rapport à la nature n’est jamais aussi proche qu’à travers la négation de sa représentation. D’ailleurs pour Adorno « l’art n’est fidèle à la nature phénoménale que lorsqu’il représente le paysage dans l’expression de sa propre négativité » (Adorno 1995, 104). Autrement dit, la reconnaissance des naturalités et des fragilités des écosystèmes ne s’octroie que dans la reconnaissance de leur altérité et de son caractère inaliénable.
L’écologie gleizienne est impropre à l’écopoétique dans le sens où elle ne cherche pas à reproduire fidèlement et lyriquement le « chant de la nature ». L’écriture de la consumation exige de faire site, de fabriquer un lieu à décrire et depuis lequel travailler, et puis ensuite d’épuiser cet espace. Les images deviennent poussière et l’écriture s’ouvre à l’iconoclastie, à la déchirure interne des tissus préformés. Le poète n’habite plus sa langue comme il n’habite plus le monde. L’écriture poétique se dépossède de ses objets à mesure que se déterritorialisent les cabanes. L’écologique peut être conçue comme une « logie de l’oikos » (Deguy 2018, 11). Une autre démarche est ici privilégiée : celle qui consiste à introduire l’oikos à même le logos. Le défi est de rendre compte de la problématique écologique, de l’entropie en cours à travers la déliquescence poétique du langage. Le sujet conserve sa distance avec l’objet, mais l’appréhende toutefois à travers sa dissolution.
Concluons en résumant notre propos. Parce que le discours scientifique transcende le réel par le concept, parce que la littérature écopoétique a tendance à dominer le monde tantôt par l’idéalisme tantôt par l’anthropomorphisme plus ou moins assumé de l’écriture, il fallait concevoir une esthétique qui puisse se tenir en errance. L’écopoétique gleizienne est en ce sens négative, parce qu’elle travaille l’érosion dans l’immanence, les déplacements, la non-identique et parce qu’elle est en perte d’adhérence. Elle porte une attention nouvelle à ces temporalités, à ces fuites, trouées, ces attentes et ces vitesses, mais aussi à ces paysages qui s’effacent dans la désagrégation littérale. La déflation qui dépeuple le Livre des cabanes prévient la dévastation du monde en cours et nous interroge sur l’habitabilité d’un sol qui ne cesse d’être menacé par les rapports de forces, par les discours transcendants, scientifiques, arrogants, industriels, idéologiques qui rongent le réel à petit feu : « Provisoires, oui, des abris de fortune, un abri léger, provisoire. Dehors ils font du bruit. Ils massacrent. Ils veulent nous chasser » (Gleize 2015, 28).
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