La collecte de parole : vers une approche inclusive

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If you have some power,
then your job is to empower somebody else1.
Toni Morrison, Toni Morrison Talks Love

Penser l’accès à la parole en des termes postcoloniaux et féministes permet de comprendre que celle-ci, loin d’être neutre, est réservée aux personnes en situation de pouvoir et de privilège. En parlant au nom des femmes racisées et avec elles, Gloria Anzaldúa, une féministe Chicana2, affirme que « when we do speak from the cracked spaces, it is con voz del fondo del abismo3a voice drowned by white noise » (1990, xxii. L’auteure souligne). Ce qu’elle nomme « white noise » constitue le discours hégémonique, construit et perpétué par le patriarcat blanc qui enterre d’autres formes discursives. Le « white noise » est socialement invisible, bruit ambiant qui réussit, par son homogénéité, à faire oublier sa présence pour s’imposer comme statu quo. Pourtant, il existe de nombreuses voix marginalisées qui refusent de s’y fondre et d’y disparaître. Ces voix revendiquent leur pouvoir de contamination et de subversion, montrant qu’il existe un envers à ce « white noise ». Il incombe aux personnes privilégiées qui se situent à l’intérieur du discours hégémonique de reconnaître leur propre « white noise », de le déconstruire en le rendant poreux, et ainsi voir apparaître les voix qui le bordent et le contrastent. Comme le rappelle Audre Lorde dans cet extrait de l’article « The Transformation of Silence into Language and Action », « [w]here the words of women are crying to be heard, we must each of us recognize our responsibility to seek those words out, to read them and share them […] » (1977, 43). Ces mots de Lorde appellentà une prise de responsabilité qui s’appuie sur une écoute des voix silenciées et sur leur déploiement une fois  qu’elles sont relayées. Or, concrètement, comment des personnes en situation de privilège ou, du moins, en position de parole peuvent faire circuler ces voix silenciées?Existe-t-il des solutions qui permettraient à celles-ci d’émerger du silence, comme le préconise Lorde?

Dans cet article, je développerai une réflexion sur la création littéraire pensée comme tentative de céder la parole à des personnes marginalisées. Je réfléchirai à cet enjeu à travers la pratique de la collecte de parole4.Peut-on imaginer que cette méthode opèrerait un déplacement et une redistribution de la parole entre des personnes usuellement détentrices du discours et celles relayées aux marges de la sphère d’énonciation dominante? Quels écueils guetteraient une telle démarche, d’emblée extrêmement délicate, puisque, en se situant à l’intérieur du pouvoir, elle risque de le reproduire? Est-il possible de surmonter ces écueils, et d’arriver à une démarche éthique et inclusive? À partir de ces questions fédératrices, je présenterai d’abord quelques enjeux éthiques inhérents à une telle collecte de parole dirigée par un·e écrivain·e privilégié·e auprès de personnes marginalisées. Ensuite, j’exposerai plusieurs techniques de recueillement de voix développées notamment au sein des champs du théâtre documentaire, de l’histoire orale etde l’anthropologie. Ces pratiques, regroupées sous le terme de « approche inclusive », amèneront quelques pistes de solution aux problèmes éthiques relevés en amont.

Le privilège de la parole

Tout d’abord, il convient de se pencher davantage sur cette notion de discours hégémonique évoquée plus haut pour mieux cerner comment ce dernier régule et exclut les voix de personnes dominées au profit de la voix des personnes dominantes au sein de la société5. Si le discours est une institution, comme l’affirme le philosophe Michel Foucault dans L’ordre du discours (1971), il s’agit d’une institution traversée par des rapports de force qui obéissent à une logique d’inclusion et d’exclusion, la même qui sous-tend la sphère sociale et consolide les dynamiques inégalitaires qu’elle engendre. En posant la question « Can the Subaltern Speak ? » dans son article éponyme, Gayatri Chakravorty Spivak affirme que les subalternes, qu’elle définit comme les sujet·tte·sayant le moins de pouvoir dans la société, ne peuvent pas parler parce qu’il n’existe pas de cadre institutionnel qui puisse accueillir et reconnaître leur parole. Ainsi, « subalterns have voices that cannot be recognized within the configurations of power in which they live » (Warrior 2011, 88)6. Si les voix marginalisées sont exclues du cadre hégémonique, principe organisateur de la parole définissant ce qui est intelligible et dicible, c’est en contraste avec la voix dominante qui se situe en son centre. Comment cette voix dominante réussit-elle à s’imposer? Comme mentionné ci-haut, la force du « white noise » réside en le fait qu’il est rendu invisible par celles et ceux qui le perpétuent en tant que parole non-marquée, indistincte.C’est notamment le propos de Richard Dyer qui, réfléchissant à la blanchité, explique que « white people set standards of humanity by which they are bound to succeed and others bound to fail » (1997, 9). En effet, dès lors que le discours blanc s’institue comme une norme universelle invisibilisée, il enterre de la sphère publique toute parole provenant de la marge sans que cela ne paraisse. Si les personnes blanches peuvent parler au sein de ce discours normatif qu’elles-mêmes maintiennent, c’est entre autres parce la race blanche s’est construite comme étant non-racialisée. Dyer écrit : « The equation of being white with being human secures a position of power » (1997, 9), parce que « [t]here is no more powerful position than that of being ''just'' human » (2). Les prétendues neutralité et universalité de la blanchité permettent donc à la race blanche d’imposer ses propres manières d’être, de penser et de parler, bref de constituer une sorte de degré zéro des connaissances du monde construit à partir de sa perspective. En ce sens, l’accès au discours est une question de privilège puisque le discours hégémonique — blanc et masculin — agit comme cadre institutionnel d’exclusion et de reproduction des dynamiques sociales de pouvoir.

La collecte de parole : positionner d’où j’écris

En tant que jeune femme blanche et privilégiée, candidate à la maîtrise en création littéraire, je considère avoir droit à une parole souvent refusée à d’autres personnes. Je me retrouve à l’intersection de plusieurs privilèges interreliés : le contexte socio-économique familial dans lequel j’ai grandi et ma couleur de peau ont sans aucun doute facilité mon accès aux études supérieures. C’est grâce à cette position avantagée que j’évolue présentement dans un cadre universitaire au sein duquel ma parole est facilitée et peut s’articuler. La prise de parole académique est hautement valorisée par l’institution, se transforme en capital symbolique et, éventuellement, économique. Tout est donc mis en place dans l’institution pour que ma parole, qui plus est financée par des fonds de recherche gouvernementaux, soit diffusée, valorisée et écoutée. Si l’espace de ma voix, reconnu, doit se déplacer, comment est-ce que je pourrais utiliser ma position de privilège académique pour tenter de contribuer à la construction d’un cadre institutionnel plus inclusif? En d’autres mots, si la parole institutionnalisée occupe, selon mon point de vue universitaire, un « ici », et non un « là-bas » qui représenterait les marges du discours, est-ce que je pourrais, à travers une collecte de parole, contribuer à réduire la distance entre ces deux espaces séparés et les laisser se contaminer l’un l’autre, investissant ainsi la frontière qui lie le centre et la marge? Si cette parole en relègue d’autres derrière elle, c’est donc dire qu’elle est au devant. Quels seraient les effets produits par un déplacement qui changerait leur ordre d’apparition, le « devant » devenant le « derrière » et inversement? Qu’arriverait-il si nous poursuivions cette logique méthodologique élaborée par Sara Ahmed qui consiste à « work back to front […], [à] work from behind to challenge the front […], [à] work the behind » (2013)? 

Ce désir de faire circuler une parole marginalisée, qui m’expose aux risques de l’appropriation et de la reproduction aveugle des oppressions, s’accompagne d’emblée d’un sentiment d’inconfort et de malaise. À partir d’une situation de privilège, est-il possible de ne pas parler au nom des personnes marginalisées, mais bien de leur céder la parole ou, du moins, de parler avec elles en leur laissant une place dans le discours pour qu’elles expriment leurs réalités avec leurs propres voix et leurs propres outils discursifs? Qui peut relayer ces réalités? Une personne en position de pouvoir est-elle autorisé·eà le faire? Si oui, selon quelles modalités? En somme, est-il possible que l’agentivité appartienne à la parole marginalisée et non au geste de la personne qui la fait exister au sein d’espaces desquels elle est exclue? Si la délicatesse de ces questions m’effraie,je m’inspire des mots d’Audre Lorde qui dit que les arguments s’apparentant à « I can't possibly teach Black women's writing - their experience is so different from mine. » [...] And all the other endless ways in which we rob ourselves of ourselves and each other » (1977, 43-44) ne doivent pas mener à l'inaction, puisque « while we wait in silence for that final luxury of fearlessness, the weight of that silence will choke us » (44). Lorde met le doigt sur un dilemme qui me semble tout à fait d’actualité. Si une prise de conscience des dynamiques de pouvoir est de plus en plus aigüe dans certains milieux, notamment universitaires, nous nous confrontons parallèlement à un souci éthique accru face au danger que des actions sociales et artistiques menées par une personne privilégiée reconduisent les oppressions découlant des systèmes de pouvoir. Ma démarche vise donc à explorer la possibilité d’une action qui se situerait à la jonction de la nécessité éthique de céder une partie de son privilège et de la préoccupation d’agir en connaissant ses angles morts, ses points aveugles, ses limites. 

Les rapports de pouvoir, de privilège et d’oppression à l’œuvre dans la « zone de contact »

Il faut tout d’abord reconnaître que la rencontre entre l’écrivain·e et le ou la sujet·tte à qui iel essaie de céder la parole prend ancrage dans ce que Mary-Louise Pratt nomme la « zone de contact », soit « [a social space] where disparate cultures meet, clash and grapple with each other, often in highly asymmetrical relations of domination and subordination » (1992, 18). Cette zone, espace de coprésence et d’interaction entre deux groupes, rend visible les relations de pouvoir par les effets même de cette rencontre. La théorie de l’intersectionnalité, élaborées par la penseuse féministe Kimberley Crenshaw en 1989, aide ici à comprendre les rapports de force actualisés par cette zone de contact. En effet, Crenshaw propose de penser l’identité sociale des personnes marginalisées — les femmes noires, en l’occurrence — comme un enchevêtrement de plusieurs oppressions découlant de systèmes de pouvoir concomitants. Une oppression ne doit pas être pensée comme un fait isolé, mais bien comme un facteur qui participe au marquage identitaire d’un·einvidu·e et qui interagit avec d’autres. Ces facteurs d’oppression (et de privilège) peuvent par exemple renvoyer au statut social,à la race, au genre, à l’identité sexuelle ou à l’âge de certaines populations ou individu·e·s. La zone de contact créée par la collecte de parole agit donc comme un lieu où ceux-ci sont non seulement rendus visibles par leur asymétrie, mais sont aussi reproduits par l’échange.

Étant donné que l’écrivain·e initiatrice ou initiateur d’une telle démarche a, selon mon hypothèse, un accès à la parole et à l’écriture beaucoup plus aisé que les personnes auprès desquelles iel récolte la parole, il devient évident que la relation de pouvoir qui s’établit entre les deux est socialement « highly asymetrical » (Pratt 1992, 18). Cette relation hiérarchique s’articule aussi dans l’élaboration entière du projet, puisque c’est l’écrivain·e qui en définit les paramètres et sa possible finalité. Comme le souligne David Spurr dans The Rhetoric of Empire, c’est justement la position privilégiée de l’écrivain·e qui lui permet d’écrire sur une situation sociale qui lui est extérieure : « [t]he privilege of inspecting, of examining, of looking at, by its nature excludes the [writer] from the human reality constituted as the object of observation » (1993, 13). Ainsi, « reconnaître la différence [entre deux sujets inégaux] implique la capacité de se reconnaître aussi comme le-la dominant-e d’un-e autre » (Mihelakis 2017, 64), et il est important d’en être conscient·e pour observer de manière lucide ce qu’implique la démarche artistique à l’œuvre.

Le contexte figé de la collecte de parole comme première modulation de la voix

La relation entre l’écrivain·e et les sujet·tte·sreprésenté·e·s est donc socialement marquée par des rapports de pouvoir inégaux qui, s’ils dépassent le projet d’une collecte de parole, sont renforcés par celle-ci. Premièrement, déjà en amont de l’écriture du texte, le contexte figé de cette démarche méthodologique influence grandement la manière dont les personnes interviewées parlent et ce qu’iels partagent. Selon le contexte, une personne interviewée peut, par exemple, être portée à occulter des éléments importants de sa pensée ou à exagérer son récit pour le rendre plus intéressant. Les effets de médiation, inhérents à toute construction narrative, me semblent prendre une dimension particulière dans le cas d’une collecte de parole. En effet, la parole surgit parce qu’elle est requise par une personne en posture d’autorité et s’inscrit dans un cadre imposé de discussion — et non dans la solitude propre à l’écriture individuelle ou dans un contexte plus spontané, comme une rencontre entre ami·e·s. La parole est en quelque sorte tracée d’avance et a peu de place pour déroger de cette trajectoire. Un tel contexte me semble pouvoir augmenter le risque de déplacements sémantiques opérés par un travail de médiation, à un point tel que les personnes interviewées pourraient perdre leur emprise sur leur récit, dès lors modifié pour répondre à des exigences d’intelligibilité dictées par divers dispositifs institutionnels.  

La rencontre entre l’artiste et la personne interviewée a lieu à l’intérieur d’un système de pouvoir vertical et hiérarchique, ce qui amplifie d’autant plus l’influence du contexte de la collecte de parole sur le contenu narratif récupéré. En effet, il est possible que la parole se module, se transforme et se censure face à une personne marquée par une couleur de peau socialement privilégiée ou provenant d’une institution comme l’université. Cette dynamique de pouvoir peut influencer, entre autres, le lien de confiance, la fluidité de l’échange et la compréhension mutuelle. Bref, comme le souligne la théoricienne et ancienne folkloriste Katherine Borland dans son article « ''That's Not What I Said'' : Interpretive Conflict in Oral Narrative Research », il faut comprendre que « [t]he very fact that we7 constitute the initial audience for the narratives we collect influences the way in which our collaborators will construct their stories […] » (1991, 64).

Le risque de l’appropriation 

Après avoir recueilli ces paroles, qui constituent déjà en elles-mêmes le résultat d’une mise en récit par les personnes interviewées, l’écrivain·e les réorganise à son tour pour constituer le texte final. Cette étape du processus est impossible à faire de manière objective. Tout texte découlant d’une telle démarche est conditionné par les critères esthétiques, moraux et idéologiques de l’écrivain·e. Ce·tte dernier et dernière opère une manipulation et une déformation de la narration initialement recueillie en la déplaçant ailleurs : l’écrivain·e reprend la fiction de la personne interviewée, élaborée dans un contexte prédéterminé et contraignant,et la déforme pour ensuite la refaire à sa manière. C’est justement en raison du privilège social et institutionnel dont jouit l’écrivain·e que s’ancre cette possibilité de trafiquer et de modeler une parole qui ne lui appartient pas. David Spurr explique à ce propos que « [t]he writer is placed either above or at the center of things, yet apart from them, so that the organization and classification of things takes place according to the writer's own system of values » (1993, 17). Il renchérit en affirmant que « [t]he writer's eye is always in some sense colonizing the landscape, mastering and portioning, fixing zones and poles, arranging and deepening the scene as the object of desire » (27). L’écrivain·e, détentrice ou détenteur du pouvoir de regarder, peut choisir quel·le·s sujet·tte·s iel souhaite mettre en lumière, et de quelle façon iel le fera. Il ne suffit pas alors de dire que seule une écoute est convoquée lors d’une collecte de parole. Ce regard dont parle Spurr a ceci de particulier qu’il engendre du visible et de l’invisible et, ce faisant, définit les limites de l’énonçable : ce qui est vu et entendu par l’écrivain·e sera dit, formulé en un langage hautement codifié. Le pouvoir s’actualise donc notamment dans un regard qui, posé sur un·e Autre, prend en même temps prise sur ses paroles et sa réalité. Par ailleurs, la parole marginalisée peut être utilisée par une personne en situation de privilège afin de servir ses propres intérêts et d’augmenter son capital social, sans nécessairement porter une attention aux intérêts des personnes avec qui iel prétend partager la parole. Une telle démarche n’échappe pas aux risques d’appropriation, d’exploitation voire de colonisation de la parole d’une altérité marginalisée par une personne en situation de privilège. Tel que mentionné, elle peut reproduire une relation hiérarchique entre le ou lasujet·ttedominant·eet les sujet·tte·s dominé·e·s, objets de parole.

Dans l’article de Borland évoqué précédemment, l’auteure partage une de ses expériences comme folkloriste qui permet de mieux comprendre comment cette dynamique d’appropriation peut s’articuler. Elle explique qu’elle a interviewé sa propre grand-mère, Béatrice, puis a construit « a second-level narrative based upon, but at the same time reshaping, the first » (1991, 63). Dans ce cas en particulier, le second niveau de narration, qui se superpose à la voix de Béatrice et la transforme, a été tout à fait teinté des valeurs de Borland. Cette dernière a appliqué un regard féministe sur les paroles de sa grand-mère, produisant ainsi un récit politique d’émancipation féminine alors qu’il ne l’était pas initialement aux yeux de Béatrice. Après avoir lu le récit construit et publié par sa petite-fille, la grand-mère de l’auteure s’est insurgée de le voir ainsi présenté. Elle a lui reproché de s’être approprié son histoire : « [y]our interpretation of the story as a female struggle for autonomy within a hostile man environment is entirely YOUR interpretation. You've read into the story what you wished to- what pleased YOU. [...] This story is no longer MY story at all. [...] It has become your story » (70). Cet exemple me semble très intéressant puisqu’il laisse entendre une voix revendiquant son droit sur sa propre parole et renvoie directement à des questions au cœur de cet article : Qui peut parler? Et cette personne qui parle, peut-elle le faire au nom de quelqu’un·e d’autre que soi? De plus, cela illustre parfaitement l’interdépendance de l’acte d’écoute et de l’acte de parole au sein d’une collecte de parole, imbriqués tous deux dans des dynamiques de pouvoir. L’acte de lecture qu’ils sous-tendent se révèle dévoilé dans son absence de transparence et d’objectivité. En effet, l’écrivain·epeut altérer et s’approprier une parole en décidant de ne l’écouter que partiellement. Iel profite ainsi de la présence de blancs qu’iel a créé au sein de l’échange pour les remplir de sens inédits, ce qui a pour effet de restructurer le récit initial, de lui attribuer un autre sens. 

Le pouvoir de la représentation

Il convient maintenant de réfléchir à ce que Deepika Bahri a appelé le « pouvoir de la représentation » (2010, 34), soit le fait que « [c]eux [et celles] qui possèdent le pouvoir de représenter et de décrire les autres contrôlent manifestement la manière dont ces derniers [et dernières]seront vu[·e·]s » (34). Ce constat constitue un autre enjeu éthique important relié à une collecte de parole telle que définie jusqu’alors. En relayant les paroles de personnes marginalisées, l’écrivain·e participe à construire une image de ces personnes. S’iel transforme ces paroles, la représentation s’en trouve d’autant plus affectée et donc assurément faussée. Ce faisant, l’écrivain·e s’accorde encore une fois le droit de poser un regard surplombant sur une altérité et de diffuser l’image qu’iel s’en fait. Cela a pour effet de cristalliser davantage la relation de pouvoir et de domination, mais aussi d’imposer une représentation de « l’Autre » — la personne ou le groupe marginalisé — forcément décalée de la réalité au lieu de lui laisser l’espace nécessaire pour se dire comme iel le souhaiterait.

Dans son célèbre ouvrage Orientalism, Edward Saïd remarque que « la valeur, l’efficacité, la force et la vérité apparente d’une assertion écrite sur l’Orient reposent très peu sur l’Orient en tant que tel [...]. Au contraire, l’assertion écrite est une présence pour le lecteur du fait qu’elle a exclu, déplacé, rendu superflu “'l’Orient”' comme chose réelle » (1978, 35). Selon Saïd, puisque l’accès à la parole est réservé aux classes dominantes de la société, ce sont principalement des personnes occidentales qui possèdent le pouvoir de construire ce qu’est « l’Orient » dans l’imaginaire européen au XXsiècle. Spivak, quant à elle, critique frontalement les « nonrepresentating intellectual[s] » (1988, 84) qui participent au « remotely orchestrated, far-flung, and heteregeneous project to constitute the colonial subject as Other » (76). Elle se réfère à cette pratique de représentation comme un exemple de ce qu’elle nomme l’« epistemic violence » (76). Bahri explique à son tour le caractère décalé de toute représentation de l’Autre en affirmant qu’elle est « toujours fictionnelle ou partielle parce qu’elle doit construire par l’imagination ce qu’elle représente (comme portrait ou “'fiction”') » (2010, 38). Saïd, Spivak et Bahri aident ici à cerner le problème éthique qui accompagne d’emblée le fait d’écrire l’Autre en remaniant ses paroles et de créer ainsi une image faussée de cet·te Autre, image qui correspond au regard extérieur et dominant de l’écrivain·e privilégié·e. Tout cela a pour conséquence d’« usurper l’espace de ceux [et de celles] qui sont incapables de se représenter [iels]-mêmes » (Bahri 2010, 38).

Les apories de la collecte de parole

Finalement, le risque d’appropriation par l’écrivain·e d’une parole qui ne lui appartient pas démontre à lui seul en quoi une démarche de collecte de parole « classique » est inapte à dépasser les rapports de pouvoir socialement institués. En effet, « interpretation [...] reflects the circumspective force of the gaze, while suppressing the answering gaze of the other. In this disproportionate economy of sight the writer preserves, on a material and human level, the relations of power inherent in the larger system of order » (Spurr 1993, 17). En d’autres mots,l’espace d’interprétation, dans lequel le propos recueilli est forcément dénaturé et qui s’installe lors du déplacement d’une parole marginalisée vers une parole qui ne l’est pas, est poreux à l’exercice d’un pouvoir. Une telle démarche éclipse donc considérablement l’efficacité de la redistribution de la parole qui se veut l’objectif premier du projet. L’altération de la parole recueillie bloque toute possibilité pour les personnes interrogées de réellement parler : le projet ne réussit pas concrètement à faire entendre les voix marginalisées. Or, au regard des écueils de la collecte de parole observés jusqu’ici, peut-on penser une nouvelle méthode qui serait plus inclusive et qui permettrait de réellement faire circuler la parole des personnes marginalisées vers des lieux desquels elle est invisibilisée?

L’approche inclusivecomme piste de solution

Après confrontation des enjeux éthiques d’un processus d’écriture au sein duquel l’écrivain·e occupe une trop grande place, il semble impératif de repenser cette démarche pour trouver d’autres méthodes plus éthiques. En m’inspirant des critiques de Spivak au sujet de l’appropriation de la parole subalterne par les intellectuel·le.s blanc·he·s, je m’interroge : les dit·e·s intellectuel·le·s ne devraient-iels pas travailler à ouvrir un espace dans le discours hégémonique pour les sujet·tte·s subalternes au lieu de s’approprier leur voix, surtout s’il s’agit deque ces dernières percent un discours qui, sans l’intermédiaire des dit·e·s intellectuel·les, les exclut? Et, plus concrètement, comment arriver à une telle démarche?

Heureusement, il existe plusieurs pratiques de collecte de parole très intéressantes en ce qu’elles incluent, d’une manière beaucoup plus horizontale, les personnes concernées. En m’inspirant de ces pratiques glanées dans différents champs (théâtre documentaire, anthropologie, histoire orale), j’essaierai d’esquisser une démarche fondée sur une volonté d’inclusion des personnes marginalisées et de leur voix. C’est ce que j’ai décidé de nommer « approche inclusive ». Si elle essaie de laisser beaucoup plus de place aux personnes interviewées lors du processus créatif, cette approche n’implique pasque la personne derrière la collecte s’efface. Au contraire, il faut que ses manipulations sur le produit final soient visibilisées, mises au devant, ses angles morts et les contradictions inhérentes à sa démarche aussi. En ce sens, lorsqu’Anzaldúa explique que « the difference between appropriation and proliferation is that the first steals and harms; the second helps heal breaches of knowledge » (1990, xxi), elle semble exprimer la distinction fondamentale entre la démarche verticale présentée précédemment et l’approche inclusive. Quels seraient les principes de cette approche? 

Premier principe : « People must take part in shaping how their stories are shared »

Les pratiques recensées proposent de nouvelles façons de procéder au sein desquelles la figure de l’écrivain·e devient moins fédératrice, ce qui laisse beaucoup plus de place aux personnes représentées pour s’exprimer.Il est donc primordial que ces dernières soient impliquées dès le début dans le projet créatif. Cette implication doit prendre acte autant en amont qu’en aval de la collecte de parole. C’est notamment le propos d’Arlene Goldbard lorsqu’elle dit que « people must take part in shaping how their stories are shared » (2005)8. Ce faisant, la position de pouvoir de l’écrivain·e au sein du projet se retrouve atténuée, et les personnes dont la voix est habituellement marginalisée se retrouvent au centre du processus créatif qui mène à la production du texte final. En impliquant les personnes concernées dans le travail d’écriture, l’auteur·e partage son pouvoir de représentation, ce qui montre à quel point le renversement de l’autorité auctoriale est indispensable au sein d’un tel projet. Comme je l’ai mentionné ci-haut, plusieurs artistes et anthropologues ont pensé leur démarche en fonction du désir d’inclure les personnes représentées au sein de leurs processus artistiques ou académiques. Par exemple, en s'affiliant au indigenous digital storytelling, qui « integrates indigeneous stories and sacred places and artifacts in innovative ways [and] is created by and for indigenous communities » (2011, 32), Sylvia Moore explique qu'en vérifiant « with the Elders for guidance in editing, and through the teachings of the Elders, [she] learned the most important point of editing—telling the story that the community wants told » (27). D’un point de vue anthropologique, Borland explique qu’une telle approche, qui élargit le pouvoir interprétatif aux personnes concernées, « would restructure the traditionnally unidirectional flow of information out from source to scholar to academic audience by identifying our field collaborators as an important first audience of our work » (1991, 74).

Reconnaître la valeur interprétative des personnes interviewées sur leur propre parole semble ouvrir une alternative très intéressante à un des écueils éthiques fondamentaux de la pratique de collecte de parole « classique ». En effet, cela donne du pouvoir aux individus sur leur propre représentation et permet, du moins en partie, une reconfiguration des rapports de pouvoir qui sont originairement à l’œuvre dans la « zone de contact » (Pratt 1992, 18) établie entre les participant·e·sde l’échange. Les personnes représentées deviennent dès lors plus « sujet·tte·s » discourant·e·squ’« objets » discursif·ve·s. En ce sens, la pratique du indigenous digital storytelling « provides opportunities for indigenous peoples to control the images and structures through self-representations that challenge the taken-for-granted and stereotypical representations along with the misrepresentations of indigenous peoples in dominant society » (Moore et Iseke 2011, 21). Ce processus de réappropriation trouve un écho au sein de ce que Pratt a nommé l’« autoethnographie », « in which colonized subjects undertake to represent themselves in ways that engage with the colonizer’s own terms » (1992, 19). L’objectif principal est qu’àl’issue de cette démarche, l’« Autre » n’occupe plus une place secondaire par rapport à un référent duquel il est défini, mais devienne le référent même. Ces pratiques, appliquées à la collecte de parole, me semblent tendre vers une démarche inclusive qui permettrait aux personnes interviewées d’être sujet·tte·s productrices et producteurs de leur parole.

De quelle façon est-il possible d’impliquer la communauté représentée au sein du processus créatif? L’expérience d’Erica Nagel apporte ici une piste très intéressante. En réfléchissant à la pratique du community-based theatre9, l’artiste propose une esthétique du neighborliness, inspirée de la théorie de Mary Savage. Selon cette esthétique, la démarche créative doit absolument réussir à donner les outils nécessaires aux sujet·tte·s pour qu’iels puissent participer à la production de l’objet d’art. À travers de nombreux ateliers participatifs,ielsacquièrent les compétences nécessaires pour pouvoir prendre des décisions concernant la manière dont iels veulent organiser l’objet culturel créé à partir de leurs expériences et de leurs mots. Nagel commente le processus menant à la pièce de théâtre Bare Mountains, une œuvre documentaire et community-based. Elle se rend compte que, malgré l’ouverture d’un espace dans lequel les participant·e·s peuvent s’exprimer et critiquer le processus de création, cette opération reste stérile parce que, en ses mots, « we had not worked closely enough with this community to build a common vocabulary with which we could converse about specific choices in either the script or performance » (2007, 157-158). Cet exemple, par son caractère très spécifique, démontre l’importance de l’esthétique de la neighborliness, fondée sur un rapport de contigüité et de voisinage, en ce qu’elle permet une réelle collaboration basée sur un savoir partagé et commun à tout·e·s. Selon l’expérience de Nagel, l’application de cette méthode peut aider à mieux se positionner par rapport à la fine ligne qui existe entre une pièce de théâtre community-based et une pièce de théâtre « based on a community » (2007, 155), celle-ci n’échappant peut-être pas aux problèmes éthiques propres à une démarche verticale. Il me semble donc pertinent d’accueillir, au sein d’une conception de l’approche inclusive, l’idée d’une organisation sociale horizontale incarnée par le concept de neighborliness développé par Nagel.

Deuxième principe : « [t]he overarching aims should always be to illuminate, learn and heal »

Par ailleurs, un autre principe clé de l’approche inclusive repose sur l’idée que le processus créatif doit toujours tendre vers le bien-être de la communauté marginalisée et habituellement bafouée par leur position écartée du centre. C’est d’ailleurs une des valeurs fondamentales de la « story revolution » de Goldbard : « [t]he overarching aims should always be to illuminate, learn and heal » (2005). L’importance de la retombée positive sur la communauté concernée se retrouve également au cœur de la pratique du indigenous digital storytelling, puisqu’elle « addresses change, reflects community knowledge and perspectives, and enables negotiation of the community’s social priorities. It creates opportunities to understand political activism and reflects the cultural mandates of communities » (Moore et Iseke 2011, 32). Finalement, le concept du neighborlinessse base aussi sur cette idée, puisqu'il s'agit d'une « scientific research method that allies socially or politically with the group that is the object of investigation » (Nagel 2007, 159). D’abord utilisée par des leaders au sein de plusieurs mouvements de gauche latino-américains, cette méthode scientifique avait pour but de « free [the population's] energies from a segregatedand hierarchical system in order to discover possibilities for greater autonomy and participation in civic and other communities » (Savage 1988, 3).

Dans l’approche inclusive, le processus créatif porte en lui-même une fonction réparatrice et sociale. Poursuivant cette même logique, il est important que le produit final soit destiné avant tout à donner du pouvoir aux personnes concernées puisqu’elles doivent toujours être pensées comme les principales destinataires de ce produit. « If you are free, you need to free somebody else. If you have some power, then your job is to empower somebody else », affirme Toni Morrison (2003). Le partage du pouvoir provoqué par l’approche inclusive a le potentiel de mener à l’empowerement des personnes concernées et d’enclencher un processus d’affranchissement social qui permettrait à celles-ci d’acquérir un pouvoir économique, idéologique et symbolique. Ainsi, il est souhaitable que puisse advenir, pour elles, un processus d’agency, ou d’agentivisation, soit un « acte par lequel le ou la dominé[·e]à la fois reprend et revendique sa position desujet[·tte], dans le discours et aussi dans la transformation à accomplir » (Bardolph 2002, 42). Les notions d’agentivité et d’empowerement sont donc au cœur de l’approche inclusive, et démontrent sa dimension performative et émancipatrice.

L’approche inclusive comme moteur de changement social

À la lumière de ce qui précède, il me semble que s’ouvre la possibilité d’un projet d’écriture agissant comme facteur de changement social. Une démarche plus inclusive permettrait aux personnes concernées de s’impliquer, en premier lieu, au sein de leur communauté, puis, en second lieu, de considérer la portée et la visibilité du projet une fois diffusé dans un cadre institutionnel, lui-même situé à l’intérieur d’un cadre social10. Par exemple, un texte créé collectivement à partir d’histoires individuelles peut par la suite avoir un grand impact et être utilisé comme outil de revendication ou comme référence identitaire. Loin de seulement servir les intérêts de l’écrivain·e, le projet de création et ses retombées doivent être destinés aux personnes concernées. Il doit devenir un dispositif pouvant servir à fortifier leur pouvoir et à leur en donner davantage.

De quelle manière des écrivain·e·s en position de privilège peuvent-iels partager leur accès à la parole avec des personnes marginalisées à travers une collecte de parole? Dans un premier temps, j’ai identifié de nombreux problèmes éthiques relatifs à une démarche « classique » en affirmant qu’elle peut facilement reconduire des rapports de pouvoir et qu’elle encourt un risque d’appropriation. J’ai conclu sur le fait qu’au sein d’une telle démarche, lessujet·tte·s marginalisé·e·s ne peuvent pas réellement parler. Dans une tentative de trouver une solution à ces problématiques, j’ai rassemblé, dans un deuxième temps, plusieurs pratiques artistiques et ethnographiques, notamment le théâtre documentaire, l’anthropologie et l’histoire orale, qui m’ont permises d’élaborer une esquisse de ce que pourrait être une approche inclusive. 

Cette approche inclusive est basée sur deux principes clés empruntés à Goldbard et développés grâce à d’autres artistes et anthropologues. Premièrement, le projet doit être pensé de telle sorte que les personnes de qui les écrivain·e·s récoltent la parole soient intégralement incluses et actives dans le processus de création, et ce, avec l’objectif que ces personnes gardent le pouvoir sur leur propre représentation et les mots qu’elles choisissent pour se dire. Il incombe à l’écrivain·e de construire, en collaboration avec celles-ci, des outils pour que cette inclusion au sein du processus de création soit possible et réalisée, puis de savoir utiliser adéquatement ces ressources acquises. Deuxièmement, les intérêts des individus concernés doivent constituer le but premier du projet. Comme l’écrit Anzaldúa, « the difference between appropriation and proliferation is that the first steals and harms; the second helps heal breaches of knowledge » (1990, xxi).

L’approche inclusive espère générer un effet socialement bénéfique par le biais d’un processus de création collectif. L’écrivain·e, qui jouit du privilège de l’accès à la parole au sein de certaines institutions de pouvoir, tente de partager ce privilège avec des sujet·tte·s dont la voix est autrement exclue ou marginalisée par rapport audiscours hégémonique. En travaillant de manière horizontale et inclusive avec les sujet·tte·s qui lui transmettent des histoires, des opinions, des pensées ou des vécus, l’écrivain·e dessine la définition d’un processus de création comme lieu d’apprentissage et d’épanouissement respectueux et valorisant pour tout le monde, les participant·e·s comme l’écrivain·e. Le produit final, sur lequel ont eu intégralement prise les individu·e·s concerné·e·s, peut par la suite être diffusé au sein même de leur communauté et devenir, dans l’absolu, vecteur de changement social. Finalement, grâce à la position privilégiée de l’écrivain·e, il peut également être diffusé à l’intérieur du cadre institutionnel. Cette dernière possibilité augmenterait notamment la portée d’une œuvre revendicatrice qui défend les droits et les intérêts de personnes marginalisé·e·s au sein d’un milieu culturel normalement monopolisé par les personnes dominantes.

Si une telle démarche compte son lot de problèmes éthiques, il me semble important de continuer à développer des pistes de solution qui permettent aux voix les moins écoutées d’être audibles parce que, comme le souligne Goldbard, « [on the other side of dominant discourse] there are thousands upon thousands of people [who] have the right to think for themselves, to tell their stories for themselves, and to be received with the same expectation of dignity and respect that people in power accord themselves » (2005). Par ailleurs, je tiens à soulignerl’importance des prises de parole de personnes marginalisées qui n’ont pas attendu l’intermédiaire d’une personne privilégiée pour se faire entendre. Comme l’intime en définitive Spurr, « [l]et us hear, in unmediated purity, the testimony of those who are the objects of colonization and exclusion » (1993, 193). Dans cet article, j’ai fait entendre et ai mis en écho, entre autres, les voix de Toni Morrison, de Gloria Anzaldúa, d’Audre Lorde, de Gayatri Spivak, de Deepika Bahri, de Judy Iseke et de Sylvia Moore, toutes des femmes racisées qui produisent un contre-discours et qui provoquent un bruit à l’intérieur du « white noise ». Anzaldúa offre une magnifique métaphore pour souligner la fonction performative et subversive de ces prises de parole : « By sending our voices, visuals and visions outward into the world, we alter the walls and make them a framework for new windows and doors. We transform the posos, apertures, barrancas, abismos that we are forced to speak from. Only then can we make a home of the crack » (1990, xxv). En s’alignant avec les prises de parole déjà réalisées au sein des communautés marginalisées, l’approche inclusive espère donner une impulsion supplémentaire à ces voix et les faire résonner davantage aux oreilles de celles et ceux qui, habituellement, ne les entendent pas.

 

Bibliographie

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Pour citer cet article: 

Langlais-Oligny, Pénélope. 2018. « La collecte de parole : vers une approche inclusive ». Postures, no. 28 (Automne) : Dossier « Paroles et silences : réflexions sur le pouvoir de dire ». http://revuepostures.com/fr/articles/langlais-oligny-28 (Consulté le xx / xx / xxxx).