Beckett à l’épreuve du temps

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Cet article se propose d’examiner le poids du temps sur les personnages beckettiens de la trilogie Molloy, Malone meurt et L'Innommable. Dans ces romans, à l'inverse des romans de formation où le personnage central évolue – d'abord jeune, il grandit, puis va vers l'âge mur – ceux de Beckett, tous romans confondus, apparaissent dès le début comme marqués par le phénomène temporel. Dans Molloy, ce Figurenroman, ou « Roman de l’individu » en français, l'histoire commence par la fin, soit l’arrivée de Molloy dans la chambre de sa mère. En effet, le protagoniste se présente d’emblée comme un grabataire aux diverses infirmités et qui reste étendu sur un lit. Tramé d’oublis, Molloy se retrouve dans la maison familiale sans trop savoir comment il y est arrivé. Là, il « raconte », sinon « livre » – c’est sans doute le verbe qui convient le mieux – son impératif projet d’aller retrouver on ne sait quoi ou qui au juste, mais sans doute sa mère agonisante, peut-être décédée avant ou pendant son arrivée dans la contrée voisine. Ce voyage au caractère impérieux constitue la véritable toile de fond de son itinéraire imaginatif. Mais, pour se déplacer, ne faut-il pas encore être en forme, valide?

Malone meurt, lui, met le pied à l’étrier et va bien plus loin. Maintenu en vie par le fil de sa parole, à l’image de Shéhérazade1, il se laisse gagner par la fièvre de la phônê. Malone sent l’urgence d’établir l’inventaire de ses possessions afin de prouver son existence par ses avoirs : la photo, la pierre, le chapeau, le manteau, du papier journal, les trois chaussettes, le pantalon, la flanelle, la fiole de comprimés, inventaire que rallongera sans doute sa vie. Le vagabond devient un moribond qui se signale par la voix d’un vieillard babillant à hue et à dia dans une chambre qui lui est offerte pour errer et finir ses jours. « Impotent », il ne lui reste comme partie du corps qu’une « grosse tête sans dents ». Il entend mal, et est presque sourd et aveugle. Après quatre-vingt pages, la voix monologante se dévoile : l’homme est un syphilitique qui s’appelle Malone. Limité et cloué sur son lit de mort, il git impotent. Étendu sur le dos, il n’agit qu’à l’aide d’un long bâton muni d’un crochet préhensile par lequel il attire la soupe qui lui est servie et repousse le vase de nuit plein de déjections qu’il dépose sur la table.

Pour sa part, L'Innommable est un long monologue perdu dans un espace opaque et un temps indéfini où il ne se passe rien. Le narrateur tourne mécaniquement autour d’un centre vide, soit un « ici » dépouillé de tout référent, qu’occupe un « Je », personnage central et centralisateur qui est en quelque sorte une timbale de mots : « faite en mots, des mots des autres » (Beckett, 1953, p. 166). Il est sans nom et sans identité véritable. Il se confond en usurpant tour à tour les noms de Mahood, Malone, Molloy, Murphy, Pigalle, Madeleine et Worm. Il est presque sans corps : un manchot pourvu encore d’une jambe et d’un bras. Il n’est plus qu’une voix indécise, dans laquelle il ne faut rien rechercher. Une voix qui tente en vain un récit impossible et improbable d'où ne sortent que des mots, des mots ouverts au silence, donnant de plain-pied sur le silence des mots (ibid., p. 206).

Il va sans dire que les corps de ces personnages – presque sans vie – sont usés, défraichis, las et avachis; pâlis, ridés, voire lourdement maladifs. Ces différents états se présentent, pour moi, comme une sorte de conséquence du vécu, proche du temps humain selon nos modèles mentaux. À travers cette singulière construction du personnage, c'est en fait la nature finissante de l'être humain que Beckett nous invite à contempler – et celle de la condition humaine que je propose d'examiner ici. C'est donc un temps qui est omniprésent et qui se lit à travers les marques qu'il laisse sur le corps, sur la physionomie. La lecture de ce temps, que je qualifierai d'humain, se pose de façon complexe mais aussi passionnante dans le corpus que j'ai choisi d'analyser. Complexe, parce que le thème du temps humain, voire du vieillissement, n'est pas l'objet de Beckett. Or, pour lire une telle thématique, il m'a fallu observer l'ensemble de ses personnages pour enfin la débusquer. Quoique parfois évidente, Beckett parle davantage de l'impuissance, du dénuement et de la faiblesse humaine. Elle est passionnante, parce que faire œuvre de critique après Beckett n'est pas aisé, mais s'y risquer s'avère palpitant. Molloy le dira lui-même, parfois de façon ironique, parfois cynique et réaliste, mais visiblement agacé, lorsqu'il affirme :

Ma vie, tantôt j'en parle comme d'une chose finie, tantôt comme d'une plaisanterie qui dure encore, et j'ai tort, car elle est finie et elle dure à la fois, mais par quel temps du verbe exprimer cela? (Beckett, 1951b, p. 57).

C'est donc un temps aporétique, un temps qui n'est plus exprimé, mais qui se lit à travers les effets d'une durée, d'une série d'expériences, souvent douloureuses du vécu. Le terme de « verbe » n'est pas anodin ici, il englobe tout, puisqu'il « se fait chaire », d'après le jargon biblique. Le verbe, c'est la parole, donc la diégèse; tantôt il se profile jusqu'à celle de la temporalité physique, donc de la vie, du corps. C'est un temps humain vu à travers le corps du personnage, un temps qui se rapproche de la vision heideggerienne. Martin Heidegger l'établit dans Sein und Zeit, traduit en français par Être et temps. Dans ce livre, le philosophe configure le temps comme la vérité de l’être. Il affirme que l’être et le temps sont imbriqués l’un dans l’autre. C’est donc à travers son « Dasein », c’est-à-dire l’homme présent au monde, qui est une façon « d’être, le, là (da) » de l’homme que le philosophe situe dans le temps et l'espace. Les héros beckettiens n'ont d'autre qualité que d'être présents, sur scène devant nous au théâtre ou dans la description qui est faite d'eux dans les trois romans. Cette présence, cette apparition qui est parfois longue, parfois évanescente, parfois difficile et douloureuse, a guidé mon intuition pour m'interroger sur l'état physique, mais aussi général, de ces derniers. Pour mieux circonscrire le personnage beckettien, je me suis interrogé sur son être même, c'est-à-dire sa nature, soit comment il nous est présenté, puisque lui aussi, comme un être-au-monde, est confronté à la problématique temporelle du vivant. Est-ce un personnage encore « intelligent et vif »? (Beckett, 1951b, p. 38). C'est fort de cette interrogation que je suis parti pour mettre en lumière les personnages beckettiens définis comme « égos expérimentaux » (Rabaté, 2010, p. 11), c'est-à-dire comme foyers de perception, de discours, chargés de représenter ou d'incarner un point de vue sur « l'exploration des potentialités de l'existence » (id.).

Toutefois, pourquoi « Beckett à l’épreuve du temps »? Si Heidegger part de l’hypothèse selon laquelle la question de l’être en tant qu’être est tombée dans l’oubli et la trivialité, c’est parce que, pour lui, elle devrait être (re)posée à la lumière d’une analyse du Dasein, c’est-à-dire l’ontologie qui interroge le sens de l’être. Il ajoute qu’on ne peut penser l’être sans passer par le « Dasein », qui donne le pouvoir de poser cette question. « Être à l’épreuve du temps », c’est éprouver la dynamique du vivant, une dynamique issue de la condition de l’existence. Elle permet de cerner l’homme, l'homme face au temps qui passe, l’homme marqué par l’allure du temps. Si le temps se présente comme une source de rédemption chez Saint Augustin2, par exemple, le temps beckettien apparait comme un phénomène de chute, une force agissante, qui pèse, à l'image d'une chape de plomb, sur le monde et sur les êtres. Pour l’appréhender, je ne me pose pas la question, somme toute connue depuis Saint Augustin, à savoir ceci : qu’est-ce que le temps? Il affirme

Si personne ne me le demande, je le sais; mais que je veuille l'expliquer à la demande, je ne le sais pas! Et pourtant – je le dis en toute confiance – je sais que si rien ne se passait, il n'y aurait pas de temps passé, et si rien n'advenait, il n'y aurait pas d'avenir, et si rien n'existait, il n'y aurait pas de temps présent.

Mais je vais m'atteler à démontrer comment le temps s'inscrit sur les corps, comment ses marques se lisent et se reflètent sur les personnages de la trilogie. Le temps ne joue-t-il pas un rôle catalyseur au regard des nombreux maux qu'il porte? Son évocation me permettra de comprendre comment cet impondérable agit non seulement sur eux, mais aussi comment Beckett les expose, et quel traitement narratif, spécifique, il en fait.

L’hypothèse que je formulerai sera donc la suivante : la dégradation physique des personnages de la trilogie est proportionnelle au temps du vécu. Molloy, par exemple, est le personnage victime de cette décomposition en marche forcée. Lui, « béquillard », monte encore à bicyclette au moment où il n’a qu’une jambe raide et plus courte que l’autre. Celle-ci se raccourcira de plus en plus, c’est-à-dire au fil du temps, d'après les adverbes et locutions temporelles. Puis arrive le tour de l’autre jambe. Ces changements d’état, cette décomposition de la morphologie corporelle, marquent donc le cheminement du temps sur le corps. Je me limiterai, tout au long de cette analyse, à parcourir les dégâts d’un récit qui ne fait que s’exposer à cette épreuve du temps. Je m’appuierai dans un premier temps sur des signes physiques, visibles dans la description faite du personnage. Puis, dans une seconde articulation, je m’efforcerai de démontrer que l’épreuve du temps participe aussi d'une épreuve d’écriture, c'est-à-dire une écriture qui s’allonge au fur et à mesure que vit son alter ego, à l'instar du propos de Molloy : « Ma vie, tantôt j'en parle comme d'une chose finie, tantôt comme d'une plaisanterie qui dure encore, et j'ai tort, car elle est finie et elle dure à la fois, mais par quel temps du verbe exprimer cela? » (Beckett, 1951b, p. 57.)

Il semble que les souffrances, parfois singulières mais identiques des personnages de Beckett, débordent du cadre strict d’un univers romanesque pour s'inscrire dans les moindres détails de ceux d'un individu, digne d’un temps psychologique révélant son large tableau de maux. Posons maintenant notre regard sur les conséquences de ce temps sur le corps.

Un personnage marqué

Dans leur capacité à configurer des situations, des attitudes et des façons d’être, les romans beckettiens saisissent, de façon poignante, la question du vieillir du personnage dans l’espace-temps de son vécu. Je remarque d’emblée que ses personnages sont très marqués. La preuve est que plusieurs mots font écho à ce phénomène. Bon nombre de titres des romans et essais de Beckett sont rattachés à cette variable temporelle: En attendant Godot, Fin de partie, Oh les beaux jours, La dernière bande, Malone meurt. Les mots soulignés entretiennent ici un lien direct ou indirect au temps et l'auteur irlandais ne manque pas d'en faire une utilisation toute singulière dans la mesure où il en montre des champs de lisibilité. En cela, il pointe l’épreuve du temps sur l’être non plus seulement comme une énigme, mais aussi comme une réalité, à la fois individuelle et collective. Ceci montre que l’épreuve du temps ne peut se lire qu’à l’aune d’une expérience du vécu, laquelle marque son sujet :

Cette première phase, celle du lit, fut caractérisée par l'évolution des rapports entre Macmann et sa gardienne. Il s'établit lentement entre eux une sorte d'intimité, qui les amena à un moment donné à coucher ensemble et à s'accoupler du mieux qu'ils le purent. Car étant donné leur âge et leur peu d'expérience de l'amour charnel, il était naturel qu'ils ne réussissent pas du premier coup à se donner l'impression d'être faits l'un pour l'autre. On voyait alors Macmann qui s'acharnait à faire entrer son sexe dans celui de sa partenaire à la manière d'un oreiller dans une taie, en le pliant en deux et en l'y fourrant avec ses doigts. (Beckett, 1951a, p. 143).

Ce rapport sexuel consenti entre Macmann et la hideuse Moll est décrit comme bancal et difficile. Il confirme l’âge avancé des soupirants qui ne peuvent plus se plier aux exigences d’un coït ou aux mouvements inhérents à cet acte. Il va sans dire qu'ici, les cœurs et les corps des deux amants peinent à s’unir. Mais ce que je tiens à démontrer, c'est qu'au-delà d'un tel constat, l'expérience des ébats sexuels entre personnages beckettiens est un autre fait significatif qui démontre la peine des corps soumis au temps et dégradés par celui-ci. Ces personnages sont comme frappés dès le départ par ce que j'entrevois comme une condamnation du vécu. Un vécu lisible seulement dans une forme de durée de vie. Ce qui est extraordinaire, c'est que les personnages beckettiens n'évoluent pas depuis le début des romans. Ils sont tels que décrits, c'est-à-dire à leur âge avancé. Ils n'évoluent certes pas, mais le fait qu'ils soient d'un certain âge prouve qu'ils ont longtemps vécu, existé, accumulé des années de vie. Ils n'ont aucune antériorité dans les romans que nous analysons, mais seulement un « déjà-là », et c'est cet aspect qui est fascinant en eux. Sans aucune perspective, ils égrainent du mieux qu'ils peuvent le temps qu'il leur reste à vivre, mais qui est, souvenons-nous, un temps qui n'en finit plus d'après Molloy. Autre chose : selon l'imaginaire collectif, âgés tels qu’ils sont décrits, ces personnages devraient avoir un peu plus d'expérience en la matière, mais le texte précise qu'ils en manquent lorsqu'il évoque leur « peu d'expérience ». En plus de cet aspect, le verbe « acharner » montre aussi cette réalité : celle d'un effort digne de personnes vieillissantes. C'est dire que l'épreuve du temps n’est concevable, en tant que telle, qu’à travers la révélation de telles expériences, mais aussi de ce que je qualifie de « marqueurs temporels » laissés sur l’être. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire attentivement les pages 29 à 31 de L'Innommable :

Moi, dont je ne sais rien, je sais que j'ai les yeux ouverts, à cause des larmes qui en coulent sans cesse. Je me sais assis, les mains sur les genoux, à cause de la pression contre mes fesses, contre les plantes de mes pieds, contre mes mains, contre mes genoux. […] Je me sens le dos droit, le cou droit et sans torsion et là-dessus la tête, bien assise, comme sur son bâtonnet la boule du bilboquet. Ces comparaisons sont déplacées. Puis il y a la façon de couler des larmes, qui me coulent sur toute la figure, des yeux aux mâchoires, et jusque dans le cou, comme elles ne sauraient le faire, il me semble, sur un visage penché, sur un visage renversé. Mais je ne dois pas confondre la droiture de la tête avec celle du regard, ni le plan vertical avec l'horizontal. Cette question en tout cas est secondaire, puisque je ne vois rien [...]. Elles s'accumulent dans ma barbe et de là, quand elle ne peut plus en contenir – non, je n'ai pas de barbe, pas de cheveux non plus, c'est une grande boule lisse que je porte sur les épaules, sans linéaments, sauf les yeux, dont il ne reste plus que les orbites. […] Donc comme possibilité vestimentaire je ne vois guère que des molletières pour le moment, avec peut-être quelques haillons par-ci par-là. Je ne dirai plus d'obscénités non plus. Pourquoi aurais-je un sexe, moi qui n'ai plus de nez? Tout cela est tombé, toutes les choses qui dépassent, avec mes yeux mes cheveux, sans laisser de trace, tombé si bas si loin que je n'ai rien entendu, que ça tombe encore peut-être, mes cheveux lentement comme de la suie toujours, de la chute de mes oreilles rien entendu. […] Ces orbites ruisselantes, je vais les sécher aussi, les boucher, voilà, c'est fait, ça ne coule plus, je suis une grande boule parlante, parlant de choses qui n'existent pas ou qui existent peut-être, impossible de le savoir, la question n'est pas là. (Beckett, 1953, p. 29-31.)

À travers cette lecture, je peux affirmer que le vieillissement est là, dans toute sa splendeur! D'abord, il y a le corps défraichi et amaigri à la tête lourde et ronde. Les yeux, réduits aux orbites, ruissèlent en permanence; les cheveux, quant à eux, tombent inexorablement au gré du vent. Le nez a complètement disparu pour ne laisser qu'un « homoncule » (ibid., p. 32). De cette description pittoresque du personnage de l'Innommable, j'affirmerai volontiers que la dégradation physique dont sont victimes les personnages beckettiens est synonyme du passage du temps. Leur profil laisse apparaitre une image, voire une silhouette, le plus souvent vieillie, signe palpable du vécu. Ce vieillissement est digne d'un temps humain, vécu, intériorisé. La vie de ces personnages se déroule toujours de la même façon, invariablement tournée vers la mort, la souffrance et l’impuissance comme celle des êtres vivants. La perte de la connaissance et de la mémoire, la cécité aggravée, le physique avachi sont ses conséquences. Parfois, ils empêchent le langage de prendre forme dans la fiction et deviennent les maux du vécu. Le temps vu par Beckett a donc une coloration sombre. Il écrase, écarte, affaiblit ainsi que nous pouvons le lire dans L’Innommable :

Mais à l'époque dont je parle c'en est fini de cette vie active, je ne bouge ni ne bougerai jamais plus, à moins que ce ne soit sous l'impulsion d'un tiers. En effet, du grand voyageur que j'avais été, à genoux les derniers temps, puis en rampant et en roulant, il ne reste plus que le tronc (en piteux état), surmonté de la tête que l'on sait, voilà la partie de moi dont j'ai le mieux saisi et retenu la description. (Ibid., p. 67.)

Le thème du temps développé par l'écrivain irlandais montre tout son mérite : d'abord comme une énigme, mais aussi comme une privation. Dans ces propos, la nostalgie me semble complètement présente et accaparante. Une nostalgie qui se situe entre un passé glorieux où le personnage était fort, actif, et un présent lourd, délabré et pitoyable. Si Proust analyse le temps comme un phénomène de résurgence du souvenir à la mémoire, souvenir retrouvé grâce à la saveur d’une madeleine trempée dans du thé, ce phénomène chimique constitue le substrat par lequel il retrouve toutes les impressions vécues dans son enfance3. Or, le temps beckettien semble, lui, être un phénomène cyclique et dévastateur puisque le corps et la mémoire en pâtissent fortement. Ce n’est plus un thème à proprement parler, mais sa répercussion, vue au travers du corps souffrant, sur le personnage, qui est donnée à voir, faite à partir de la démonstration d’un corps vieilli, « en panne » (ibid., p. 73), enclin à l'impuissance et aux balbutiements d’une mémoire partielle. L’âge, par exemple, participe de l’exclusion pour faire de lui un être à la marge, allant jusqu’à trouver refuge dans les « fossés » (Beckett, 1951b, p. 43). C’est peut-être pourquoi, pour une raison ou pour une autre, il vit et se retrouve soit dans un asile, soit dans un centre gériatrique. Les conséquences du temps sur le corps l’excluent des valides de la société et le mettent à l'écart.

Molloy et Malone, tout comme l'Innommable, sont marqués du sceau du temps. À l’image de l’expression « passer son épreuve », le personnage beckettien se présente à l’aune de ses romans comme cet être qui a subi les affres du temps. Son physique avachi est synonyme du temps enduré. L’écriture de Beckett non seulement nous fait voir les traits particuliers de cette durée, mais donne aussi la forme au récit selon une matérialité qui lui est propre: la conscience aigüe du tragique de l’être éprouvé. Dans Molloy, le « béquillard » monte encore à bicyclette, comme nous le verrons ci-dessous, mais avec une jambe raide et plus courte que l’autre. Celle-ci se raccourcira de plus en plus, au fil du temps. Puis vient le tour de l’autre jambe. Ces changements d’état, cette décomposition morbide avancée de la morphologie corporelle marquent donc le cheminement, le passage du temps sur le corps et avec lui, ses nombreux dégâts :

Je me levai par conséquent, ajustai mes béquilles et descendis sur la route, où je trouvai ma bicyclette (tiens je ne m'attendais pas à ça) à l'endroit même où j'avais dû la laisser. Cela me permet de remarquer que, tout estropié que j'étais, je montais à bicyclette avec un certain bonheur, à cette époque. Voici comment je m'y prenais. J'attachais mes béquilles à la barre supérieure du cadre, une de chaque côté, j'accrochais le pied de ma jambe raide (j'oublie laquelle, elles sont raides toutes les deux à présent) à la saillie de l'axe de la roue avant et je pédalais avec l'autre. (Ibid., p. 22.)

Loin de citer toutes les pages, je peux résumer qu'au final, il ne restera à Molloy que son « bon œil ». Cette expérience de la dégénérescence progressive et de la diminution des moyens physiques culmine avec Mahood dans L’Innommable. Là, le personnage ressemble désormais à un tronc d’arbre, voire à un « unijambiste manchot » (Beckett, 1953, p. 73). Il est maigre, ses yeux ruissèlent de larmes et il reste figé dans une jarre, reposant sur de la sciure. À côté, nous avons aussi Malone, cet autre personnage qui mue en Macmann dans Malone meurt. Celui-ci est couché dans son lit, perclus de sénilité, de défaillances mémorielles et atteint de cécité, égrainant la quiétude et la solitude du lieu qui lui sert de refuge. Il voit à peine et entend mal. À travers ces « épiphanies », il semble que c’est une réflexion de l’homme face au temps que mène Beckett, une réflexion digne du temps dantesque, moderne. Lisons la présentation que Molloy fait de sa mère :

D'ailleurs pour moi la question ne se posait pas, à l'époque où je suis en train de me faufiler, je veux dire la question de l'appeler ma, Mag ou la comtesse Caca, car il y avait une éternité qu'elle était sourde comme un pot. Je crois qu'elle faisait sous elle, et sa grande et sa petite commission, mais une sorte de pudeur nous faisait éviter ce sujet, au cours de nos entretiens, et je ne pus jamais en acquérir la certitude. Du reste cela devait être bien peu de chose, quelques crottes de bique parcimonieusement arrosées tous les deux ou trois jours. La chambre sentait l'ammoniaque, oh pas que l'ammoniaque, mais l'ammoniaque, l'ammoniaque. (Beckett, 1951b, p. 25)

De cette description, il ressort que l’homme beckettien semble soumis à la décrépitude physique, voire mentale, générée par une impuissance totale à l'image de Mag décrite comme putride et qui fait « ses grandes et ses petites commissions » sur place. Ces physionomies poignantes et pâlissantes abondent dans l’œuvre de Beckett. Elles renforcent l'idée d'un terrain propice à une expérimentation du vécu, terrain par lequel le temps retrouve sa « grandeur mythique », sa sombre réputation de pouvoir détruire et d’infliger la souffrance au regard de leur état de dégradation et de dégénérescence. Notons-le, le temps joue un rôle particulier dans la vie des personnages. Il apparait chez Beckett comme un processus de création. Le corps souffrant se présente comme cette sorte de prisme universel à travers lequel se dévoile l’expérience du vécu. Les personnages beckettiens n’ont ni enfance ni étape initiale dans les romans; nous faisons leur connaissance uniquement à l’âge adulte, donc à l’étape finale dans laquelle ils sont désormais confinés à l’isolement, à l'enlisement. Ils n’évoluent plus à l'instar des personnages de romans de formation, mais croulent à « tombeau ouvert » vers la mort. Ils apparaissent comme les êtres de la « fin des temps » bibliques. C’est dire que leur destinée s’insère dans une dimension temporelle du vécu humain, animal. Ce vécu, qui part de la naissance et s’interrompt à la mort, apparait comme un espace d’enfermement où aucune évolution, aucune échappatoire n'est possible. Un espace-temps qui limite le personnage beckettien. Ces êtres qui ont fait leur temps, leur pensum, qui ont vieilli, attendent la mort comme ultime salaire du vivant. Le temps beckettien est donc mis en lumière à travers le corps, devenu sujet aux maux et aux mots de l'être humain.

L’épreuve du temps mis à l’épreuve d’écriture

Je partirai d’une comparaison pour expliquer ce que j'entends par le temps comme une épreuve de l’écriture, c'est-à-dire ce travail qu'opère le langage durant le temps de vie des personnages. L’ouverture du roman de Dino Buzzati, Le Désert des Tartares, présente le lieutenant Drogo comme une jeune recrue militaire d’une trentaine d’années environ. Ce dernier a été envoyé au front dans un vieux fort du nom de « Bastiani » pour y attendre l’ennemi : les Tartares. Le jeune Drogo, encore fort et vaillant, veut combattre et accepte d’attendre que l’ennemi déclenche les hostilités. Il se laisse séduire par quelques signalements qui ne sont en réalité que de simples péripéties : un drapeau blanc que l’on observe flottant près de l’horizon, un émissaire abattu pour avoir été confondu avec l’ennemi, de la poussière qui s’élève au loin vont présager une éventuelle présence des troupes ennemies. Dans l’attente, séduit par l’idée de la guerre, Drogo se laisse en quelque sorte droguer par le cours du temps qui va l'aveugler; il ne le voit pas passer. C’est ce cours du temps que l’auteur italien tente de saisir au travers de son écriture. Une écriture lente, mais appétée. Drogo attendra trente ans avant que l’ennemi ne se manifeste de l’autre côté de la frontière. Or, il n’est plus jeune, il a vieilli. Au moment fatidique, Drogo sera dans l’incapacité de combattre lorsque l’ennemi franchira la ligne rouge. La jeune recrue, fatiguée, est écartée des rangs du régiment et déclarée incompétente. Drogo ne peut plus participer au combat, il se rend compte que son seul adversaire n’était finalement pas les Tartares, mais le temps qui s'est écoulé. On remarque, à travers ce procédé qui traduit l'ironie du destin humain, que Buzzati feint de faire évoluer son personnage, avant de le faire sombrer dans l'incapacité, c'est-à-dire dans son issue finale qui est la mort. Ici, une différence de temporisation est visible et mérite d’être signalée : d'abord, le personnage buzzatien apparait jeune, vif et fort, et, quelques années plus tard, il décline, vieux et impotent après avoir passé près de trois décennies au fort. Trente ans durant lesquels s'écoule l'écriture, évolue la narration de la jeune recrue.

Or, le temps beckettien traite lui aussi de la condition humaine, mais de façon différente : l’humanité y est certes liée au problème de la vie et de la mort, mais ce qui fait l’essence de la vie, ses périodes « filées de jours d'or et de soie, brillantes et heureuses » qui rythment l’enfance puis la maturité, n’y sont pas décrites. Chez Samuel Beckett le personnage, à l'inverse de celui de Buzzati, n'évolue pas, on ne le rencontre qu’à l’approche de sa mort. On fait la connaissance de l'Innommable lorsqu'il est enfermé dans une jarre, sans corps, pourvu encore d’une jambe et d’un bras. On fait celle du syphilitique Malone, lui aussi limité et cloué dans son lit de mort, où il git, repoussant le vase de nuit plein de déjections qu’il dépose sur la table. Et celle de Molloy, enfin, lorsqu'il arrive incognito dans cette chambre occupée auparavant par sa mère. Il ressort que l'écrivain irlandais nous présente son personnage comme un prisonnier du temps, celui de la vieillesse; à aucun moment il n'agit, mais il est tout le temps « agit ». On le voit plus proche de la mort que dans sa vie florissante et prospère, à l'inverse de Drogo et, du moins, de sa brillante carrière militaire. La thématique du sujet que l’écriture de Beckett donne à voir et à lire est donc proche de cette épreuve que constitue l'acte d'écrire, elle-même devenue « pensum ».  Observons-le dans les aveux de Molloy : « Cet homme qui vient chaque semaine, c'est grâce à lui peut-être que je suis ici. Il dit que non. Il me donne un peu d'argent et enlève les feuilles. Tant de feuilles, tant d'argent. » (Beckett, 1951b, p. 7.) Et un peu plus loin, sur la même page, nous lisons : « Quand il vient chercher les nouvelles feuilles il rapporte celles de la semaine précédente. Elles sont marquées de signes que je ne comprends pas. [...] Quand je n'ai rien fait il ne me donne rien, il me gronde. » (Ibid., p. 7-8.)

Les passages suscités introduisent encore d'autres connotations : ce «travail» effectué par le narrateur a des aspects scolaires (les feuillets marqués de signes), cependant que le rapport argent-feuillets évoque le côté « alimentaire » (pour ne pas dire mercenaire) du métier d'écrivain. Or, le narrateur proclame sa grande indifférence à ces divers à-côtés. Des feuilles annotées, il dit : « D'ailleurs je ne les relis pas. » (Ibid., p. 7.) De la rémunération, il note : « Cependant je ne travaille pas pour l'argent. Pour quoi alors? Je ne sais pas. » (Id.). Plus loin, Moran, à son tour, se penchera sur ses motivations, aussi peu personnelles d'ailleurs que celles de son alter ego :

Car ce que je faisais, je ne le faisais ni pour Molloy, dont je me moquais, ni pour moi, à qui je renonçais, mais dans l'intérêt d'un travail qui, s'il avait besoin de nous pour s'accomplir, était dans son essence anonyme, et subsisterait, habiterait l'esprit des hommes, quand ses misérables artisans ne seraient plus. (Ibid., p. 153.)

Les multiples questions sans réponse et les nombreuses évocations du vocable « travail » introduisent d'emblée ce que je cherche à envisager, c'est-à-dire le travail d'écriture, lui aussi vu comme une épreuve par et pour l'écrivain. Une écriture que le langage imprime à travers moult reprises, voire palinodies et rétractations des mots et expressions. Tant que la vie des personnages s'allonge, l'écriture lui emboite le pas et devient du même coup le pensum tant redouté de l'écrivain qui fait de ce mot un leitmotiv :

J'ai parlé, j'ai dû parler, de leçon, c'est pensum qu'il fallait dire, j'ai confondu pensum et leçon. Oui, j'ai un pensum à faire, avant d'être libre, libre de ma bave, libre de me taire, de ne plus écouter, et je ne sais plus lequel. Voilà enfin qui donne une idée de ma situation. On m'a donné un pensum, à ma naissance peut-être, pour me punir d'être né peut-être, ou sans raison spéciale, parce qu'on ne m'aime pas, et j'ai oublié en quoi il consiste […]. Car je tomberais sur le bon pensum, à force de brasser des vocables, qu'il me resterait à reconstituer la bonne leçon, à moins que les deux ne se confondent, ce qui évidemment n'est pas impossible non plus. (Ibid., p. 39-40.)

Lire, écouter, parler; donc écrire aussi semblent être les fonctions que l'écrivain réprouve ici. D'ailleurs, le mot « pensum » ne fait-il pas référence à un travail fastidieux, harassant et toujours à refaire si l'écrivain considère son acte d'écrire comme un acte imposé? Contrairement à celle de Buzzati, l'écriture beckettienne se traduit par les nombreuses remises en question, les ratures, les autocorrections et les surcharges que Bruno Clément a su voir comme une des figures de « l'épanorthose » (Clément, 1989). Le rythme des descriptions est lent, traine en longueur, l'histoire des personnages ne suit aucune logique habituelle qui permettrait de lire, à la fois, les intentions de l'auteur ou son schéma actanciel. Ce sont deux styles, qui se présentent à travers ces deux modes d’écriture. La démonstration est verticale et progressive chez l'auteur italien, dont le personnage se construit de façon évolutive; en même temps qu'il gravit les obstacles, il avance vers un but précis. Au contraire, l'intention du protagoniste n'est plus perceptible chez Beckett. L'écriture fait feu de tout bois, les buts deviennent incompris et inexistants. Pourtant, leur finalité est, en apparence, similaire. Elle laisse entrevoir, sans le dire expressément, une forme d'incapacité ou de faiblesse humaine face à l’œuvre de Chronos. Mais alors que Dino Buzzati, répétons-le, fait (encore) évoluer son personnage, Samuel Beckett le plante là, sur place, dès l’ouverture du roman, et c'est ce qui est inhabituel, déconcertant.

Il est donc clair que le temps beckettien est ramené à l’expérience humaine dans sa dimension téléologique et aux actions qui la ponctuent dans l’œuvre romanesque. Le personnage apparait comme une figure solitaire, souvent couchée, préférant la reptation, la supination. Il rapproche et éloigne les objets à l’aide d’un bâton à crochet. Il bouge encore, mais avec peine, vieil homme aux multiples manies, détaché des questions existentielles, du « pittoresque » (Beckett, 1951a, p. 7), dira Malone. Les pseudo-voyages et les différents mouvements qu’il fabule se présentent comme des vues de l’esprit. Sa condition d’impotence démontre l’aboutissement du fil conducteur du temps, lequel se révèle à travers le délitement de l'être humain que l'écriture exorcise. L’homme âgé qui a fait l’expérience du temps est inévitablement exposé à ces ultimes limites et à son incapacité, en dépit d’une farouche volonté d’aller de l’avant. S’il est vrai que le support de cette analyse est un récit, l’écriture de Beckett démontre aisément que l’épreuve du temps comme un processus d’écriture délimite l’expérience humaine dans les récits de fiction. Ce que j’essaie de démontrer dans cette articulation, c’est que la question du temps lue à travers le corps devient, elle aussi, une source d'écriture pour l'écrivain irlandais; les figures que l’on retrouve dans ses romans ouvrent chez lui un espace de création dans lequel il devient un opposant à la vie des personnages.

En fait, Beckett réfléchit aussi bien dans son essai sur Marcel Proust que dans ses romans sur la façon dont l’écriture oblige le temps à prendre forme autour des personnages. En prenant à bras-le-corps la question de l’être et, par dessus tout, la variable temps qui le sous-tend, l'auteur offre un lieu où le temps se déploie autrement que dans le sport ou le transport, pour ne prendre que ces activités humaines. Il devient alors un espace de potentialité qui permet à l’écriture de le révéler dans toutes ses phases de vie, c'est-à-dire la jeunesse, l'âge adulte et la vieillesse. De cette observation, c’est l’écriture qui est envisagée comme un lieu de possibilité, un lieu où chaque texte constitue un moyen et un moment de sa révélation. Le temps beckettien n’est plus une durée comme l’espace peut être autre chose qu’un emplacement. À travers le personnage, le temps beckettien inaugure une autre manière d’appréhender le statut de l’écriture, de l’auteur, du lecteur; ensemble de figures, de sujets qui composent le texte. Cela veut aussi dire que chaque actant/instant nie les autres au sens où il les englobe, l’écriture devenant, par cette négation, une sorte de dialogue fratricide entre le lecteur et l’auteur, tous deux frères d’écriture, c'est-à-dire lecteur et critique.

En fait, cette fascination récurrente de Beckett à l’égard du temps comme espace possible n’a pas pour vocation de le nier en tant que tel, mais de montrer son irréversibilité et son emprise sur l’être. Elle propose simplement de circonscrire un espace qui incite l’écrivain à se soumettre à la loi du pseudonyme, loi selon laquelle l’écriture est l’affirmation d’un « écrire », c'est-à-dire loi qui inscrit le cycle de l’écriture dans une sorte de mouvement de roue, telle que nous pouvons le voir dans ces différentes reformulations : « Oui, je travaille maintenant, un peu comme autrefois, seulement je ne sais plus travailler. Cela n'a pas d'importance, parait-il. » (Beckett, 1951b, p. 7)

« Comme autrefois »? La période de l’œuvre précédant Molloy, autrement dit? Et le narrateur dans son numéro d'écrivain (beckettien) devenu gâteux? Narrateur qui, de toute façon, affirme qu'il n'a pas grand-chose à dire (écrire) : « Moi je voudrais maintenant parler des choses qui me restent, faire mes adieux, finir de mourir. » (Id.)

En somme, l'ultime bilan, le dernier discours, et quoi? Finir de mourir, en parlant ou en silence? On repère déjà ici le futur programme de Malone. Toujours est-il que ce qui va suivre est annoncé comme une sorte d'ersatz, de substitut, de (nouveau) détour-pensum scriptural (nouvel « écart de langage » donc) : pour Molloy lui-même, ce n'est pas de cela qu'il s'agit – une fois de plus. Il en va pour Molloy de son récit comme de son amour pour les mots. On a l'impression que pour Beckett, écrire le temps, pour nous limiter à ce point précis, c’est accepter de montrer que toute vie y est assujettie et que, chez lui, il n’y a ni avant, ni espace intermédiaire, mais une sorte de simultanéité de l’après, d’un déjà-là envahissant avec lequel il faut composer, et qui inaugure le véritable lieu de l’écriture. Cette conception questionne le vivant, elle met en demeure l’idée de longévité chère aux sociétés occidentales. Le nonagénaire illustre cet état de fait.

 

Bibliographie

Augustin (Saint). Les Confessions. Paris : GF – Flammarion, 380 p.

Beckett, Samuel. 1951a. Malone meurt. Paris : Les Éditions de Minuit, 191 p.

______. 1951b. Molloy. Paris : Les Éditions de Minuit, 293 p.

______. 1953. L'Innommable. Paris : Les Éditions de Minuit, 213 p.

Bencheikh, Jamel Eddine et Miquel, André (traducteurs). 1991. Les Mille et une nuits. Paris : Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 3 vol., 3368 p.

Buzzati, Dino. 1968. Le Désert des Tartares [Il deserto dei tartari]. Paris : Éditions Laffont, coll. « Le livre de poche », 242 p.

Clément, Bruno. 1989. L’œuvre sans qualités: Rhétorique de Samuel Beckett. Paris : Éditions du Seuil, coll. «Poétique».

Heidegger, Martin. 1986 [1927]. Être et le temps [Sein und Zeit]. Paris : Éditions Gallimard, 587 p.

Proust, Marcel. 1953. À La Recherche du temps perdu. Paris : Éditions, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 3 vol., 1811 p.

Rabaté, Dominique. 2010. Le Roman et le sens de la vie. Paris : Éditions José Corti, coll. « Les Essais », 122 p.

Todorov, Tzvetan. 1976. Poétique de la prose. Paris : Éditions du Seuil, 192 p.

Pour citer cet article: 

Gabin Goulou, Patrick. 2011. « Beckett à l’épreuve du temps », Postures, Dossier « Vieillesse et passage du temps », n°14, En ligne <http://revuepostures.com/fr/articles/gabin-goulou-14> (Consulté le xx / xx / xxxx). D’abord paru dans : Postures, Dossier « Vieillesse et passage du temps », n°14, p. 25-39.