Les animaux post-exotiques : « ce qui reste quand il ne reste rien »

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– Et les générations futures, c’est des conneries aussi. On n’aura pas de successeurs, on va s’arrêter là.
– Tu crois?
– J’ai l’impression, dit Wong. À la rigueur, les araignées prendront la relève. Je leur souhaite bien du plaisir1.
Antoine Volodine, Nos animaux préférés

Depuis la publication de son premier roman, Biographie comparée de Jorian Murgrave, en 1985, Antoine Volodine2 construit une œuvre singulière, foisonnante et d’une remarquable cohérence : chaque livre, bien que totalement autonome, contribue à l’édification d’un ensemble homogène et à l’élaboration d’un monde complexe et minutieusement structuré : l’univers post-exotique. L’entreprise de Volodine est également planifiée avec rigueur, puisque l’édifice post-exotique, qui compte à ce jour quarante-trois livres, en comptera à terme quarante-neuf, et que Volodine sait d’ores et déjà précisément où il se rend : « Je vais vers la dernière phrase du dernier livre qui s’appellera Retour au goudron, et cette dernière phrase, c’est “Je me tais”. Et après, l’édifice sera construit. » (Volodine et Busnel 2019)

Mais à quoi ressemble cet édifice?

On voit souvent le monde volodinien comme un univers exclusivement apocalyptique, tout entier tourné vers la chute, la fin, le déclin. […] Un écrasement du temps et un étrangement de l’espace où l’homme éprouve le dernier pas qu’il fait hors de son Humanité comme le trépas de sa propre Histoire : le pas au-delà dont on ne revient jamais. (Ouellet 2008, 363-364. L’auteur souligne)

Il règne en effet dans l’édifice post-exotique une atmosphère de fin du monde : nous ignorons ce qui s’est passé, mais il s’est produit quelque chose de grave, dont les conséquences sont là, sous nos yeux. Les villes sont des champs de ruines et les campagnes sont dévastées, les déchets s’amoncellent partout, l’humanité est au bord de l’extinction. Dans l’univers de Volodine, on ne donne pas cher de l’avenir du monde.

Les animaux et la nature y occupent une place tout à fait particulière. Par exemple, quarante des quarante-neuf chapitres de Des anges mineurs mettent en scène des animaux, et toutes les nouvelles de Nos animaux préférés en font intervenir, même si l’espèce à laquelle ils appartiennent n’est pas toujours définie, ni systématiquement reconnaissable. On croise ainsi dans les récits post-exotiques un véritable bestiaire, composé d’araignées, d’ours, d’oiseaux, de troupeaux de chamelles, de blattes, etc. Leur présence prend parfois la forme d’une simple évocation, mais plus généralement, ils tiennent un rôle de figurants, d’observateurs, de personnages actants, voire de narrateur. Cette quasi-omniprésence animale n’est pas anecdotique, et Volodine lui-même la reconnaît : « Il y a dans le post-exotisme une attirance certaine pour les animaux » (cité dans Roche 2008, 317). La place de ces derniers au sein de l’univers eschatologique de Volodine soulève de nombreuses interrogations. Certes, il est probablement fort juste d’affirmer que, dans son œuvre, « Volodine nous parle davantage de l’agonie de la société que de l’état détraqué du monde naturel » (Guay-Poliquin 2014, 112). Pour autant, en admettant que « [l]a nature dans l’univers post-exotique se donne […] comme un indicateur de l’histoire passée, présente et à venir, et non pas comme un simple décor post-apocalyptique servant de théâtre à une refondation du monde tel que nous le connaissons » (Guay-Poliquin 2014, 111), l’importance du bestiaire post-exotique semble nous inviter à une lecture des textes volodiniens axée sur le rôle qu’y jouent les animaux.

Dans l’univers littéraire scrupuleusement construit par Volodine et qui allie histoire, politique et eschatologie, comment peuvent être interprétés le motif et la fonction des animaux, dont nous avons souligné la présence récurrente?

Pour répondre à cette question, nous concentrerons notre analyse sur deux ouvrages, à savoir Des anges mineurs et Nos animaux préférés. Après une brève présentation du post-exotisme, nous envisagerons d’abord le motif animal comme le symbole d’un avertissement écologique. Nous établirons ensuite que si, dans l’univers post-exotique, l’animalité peut être perçue à la fois comme une menace et comme une possibilité de salut pour l’homme, elle est avant tout pour Volodine une façon de donner à voir quelque chose qui dépasse le couple antagonique humain/animal, cette autre chose s’inscrivant parfaitement dans le projet littéraire post-exotique.

Le post-exotisme en question

À l’origine, le terme post-exotisme est une coquille vide créée par Volodine lui-même pour distancier son œuvre « des catégories conventionnelles de la littérature existante » (Volodine 2008, 385), en particulier de la science-fiction, à laquelle la critique avait tendance à l’associer à ses débuts. Le post-exotisme se conçoit avant tout comme un objet d’art en prose, un édifice littéraire construit graduellement par un assemblage de textes répondant à des dimensions formelles strictes et précises : le narrat, la Shaggå, le romånce, les novelles ou entrevoûtes, le murmurat, dont les exigences formelles sont clairement exposées dans Le post exotismes en dix leçons, leçon onze.

Si cet édifice littéraire met à contribution plusieurs formes particulières, chaque livre « tourn[e] autour de la description plus générale d’un univers détruit, d’un univers d’après la guerre noire et d’après toutes les défaites » (Volodine et Wagneur 2006, 234). Cette atmosphère de fin du monde est présente dans tous les écrits post-exotiques.

Villes abandonnées ou reconstruites à la hâte, déserts jonchés de déchets, forêts inhabitées, camps de concentration en ruines, édifices envahis par la jungle, océans corrosifs, étang de bitume, les lieux chez Volodine sont marqués par le dérèglement, le changement et le déséquilibre. Les murs s’effondrent, la nature s’étiole. Tout subsiste, mais […] rien n’est ce qu’il était. (Guay-Poliquin 2014, 108)

Dans ces lieux dévastés, l’homme est une espèce en voie de disparition : « à un niveau collectif, […] l’humanité elle-même est menacée d’extinction; à un niveau individuel, les rescapés, survivants du naufrage égalitariste, sont eux aussi condamnés à une mort prochaine » (Servoise 1999, 270). Pourtant, cette perspective eschatologique ne crée ni panique ni fascination : la catastrophe, quelle qu’elle soit, a eu lieu; il s’agit dorénavant de vivre avec cette réalité, même si les termes « vivre » et « réalité » ne veulent plus dire grand-chose. En somme, les personnages évoluent dans un monde aux contours flous et aux règles imprécises où règne une menace diffuse qui n’est jamais clairement identifiée ni énoncée, mais qui, bien qu’estompée, n’en demeure pas moins omniprésente. Et si certains d’entre eux ont un futur, c’est un futur vide, sans perspective d’avenir ni espoir de progrès (Guay-Poliquin 2014, 107). Ainsi, ils ne regrettent ni n’espèrent rien; ils mènent une existence à la fois fade et résignée, proche de l’endormissement et du rêve.

La séparation entre rêve et réalité est remarquablement poreuse dans l’univers post-exotique, comme le sont d’ailleurs toutes les frontières : ce qui semble a priori contraire ou à tout le moins incompatible ne s’exclut pas. Rêve et réalité, je et tu, nuit et jour, humanité et animalité, narrateur et personnage, vie et mort : tous ces couples offrent des possibilités de fusions, d’allers-retours ou d’hybridations.

À partir du moment où on comprend que dans le post-exotisme mourir ne signifie rien, qu’après la mort on continue à parler et à agir comme si aucune frontière n’avait été franchie, et aussi qu’on peut mourir plusieurs fois de différentes manières, à partir du moment où l’on admet cela comme une logique, on peut très facilement voyager dans mes livres » (Volodine et Wagneur 2006, 262).

Somme toute, c’est une totale distorsion des repères du réel, « une dérive référentielle » (Ruffel 2007, 48) que le contrat de lecture post-exotique nous demande d’accepter : les repères temporels, historiques, géographiques, culturels, identitaires, etc., sont volontairement et soigneusement brouillés, de telle sorte que l’univers présenté apparaît familier mais déformé, reconnaissable mais décalé, et s’avère finalement difficile à identifier. Les récits post-exotiques offrent une large place aux descriptions des espaces géographiques dans lesquels ils se déroulent, « des lieux ambigus, qui superposent des réalités sociohistoriques différentes et déjouent toute identification univoque » (Lamarre 2014, 41). Ainsi, il n’est pas interdit d’associer à une ville nommée Petrograd un climat équatorial et une végétation luxuriante. Ce brouillage est également perceptible au niveau des noms des personnages qui, soit ne véhiculent aucune référence culturelle précise (Khrili Gompo, Balbutiar, ou Erdogan Mayayo), soit, lorsqu’ils offrent des indices (Sophie Gironde ou Ingrid Vogel), sont déplacés « dans un monde internationaliste où la référence nationale, ethnique, et évidemment chauvine, a depuis longtemps été effacée » (Volodine et Wagneur 2006, 250).

Car l’enjeu n’est pas là et le propos se veut global, total. Et c’est cette totalisation, cette universalité du propos que la distorsion systématique des repères du réel rend possible. Ainsi, les écrits post-exotiques utilisent « les moments de fracture [du XXe siècle] comme révélateurs d’une vérité plus profonde qu’il s’agit d’agencer en dépit de toute vraisemblance référentielle, au profit d’une vraisemblance “essentielle” » (Ruffel 2007, 54). L’entreprise post-exotique, en s’inscrivant aussi ouvertement dans une perspective historique, se revendique absolument et entièrement politique.

Des anges mineurs et Nos animaux préférés, publiés respectivement en 1999 et 2006, s’inscrivent en tout point et indubitablement dans l’univers post-exotique présenté ci-dessus, et en respectent toutes les caractéristiques.

Des anges mineurs est constitué de quarante-neuf narrats3, soit quarante-neuf « photographies en prose » (Volodine et Wagneur 2006, 258). Ces dernières relatent l’histoire de Will Scheidmann qui, ligoté à un poteau, attend d’être fusillé par ses grands-mères, un groupe de vieilles femmes immortelles. Car Scheidmann a trahi : conçu par les vieilles pour sauver ce qui pouvait encore l’être de la société égalitariste, il a plutôt choisi de rétablir le capitalisme, précipitant ainsi l’humanité vers sa perte. Les narrats sont les histoires que Will Scheidmann raconte à ses grands-mères en attendant que, allongées dans l’herbe et les crottes de chamelles, carabine à la main, elles se décident enfin à l’exécuter.

Nos animaux préférés est constitué de sept entrevoûtes, soit sept contes « [i]maginés par des détenus oubliés de tous, par des révolutionnaires non repentis » (Volodine 2006, quatrième de couverture). Le recueil relate les aventures de Wong, un éléphant mâle que des humaines, dernières représentantes de l’espèce, tentent de séduire dans l’espoir de procréer. On y lit aussi les aventures de trois représentants de la lignée des Balbutiar, rois dont on ne sait exactement à quelle espèce de crustacés ils appartiennent, mais qui sont tous confrontés à un problème épineux et possiblement fatal : un beau matin, au réveil, ils se retrouvent « le dos soudé au rocher par des fils et des tendons qui [les ont] emprisonné[s] pendant [leur] sommeil, et qui maintenant se refus[ent] à craquer » (Volodine 2006, 20). Le recueil comprend encore l’histoire d’une dynastie de sirènes nommées Court-Brouillonne I, Cabillaude II ou Sole-Sole III. Tous les textes sont articulés autour de personnages animaux. Sous des allures parfois burlesques, Nos animaux préférés est sombre et sans espoir, et c’est sans doute le livre qui « pousse le plus loin la non-humanité de l’univers volodinien » (Gibourg 2017, 53).

L’animal comme avertissement écologique?

Comme nous l’avons souligné, l’univers post-exotique a des allures de fin du monde : Volodine nous donne à voir des paysages post-apocalyptiques qui tendent vers le délabrement, le chaos ou l’hostilité. Pourtant, dans ce tableau délabré, la nature et les animaux ne semblent pas ravagés de façon aussi systématique que les hommes et leurs réalisations. Certes, dans Des anges mineurs, « pour se rendre d’une ville à l’autre il [est] nécessaire souvent de marcher au milieu de la désolation pendant des années entières [, car] comme aux débuts de l’humanité, les distances [ne sont] pas à l’échelle humaine » (Volodine 1999, 188). Certes, on nous donne à voir « une planète de terre écorchée, de forêts saignées à cendre, une planète d’ordure, un champ d’ordure, des océans que seuls les riches traversent, des déserts pollués par les jouets et les erreurs des riches » (Volodine 1999, 45), et les oiseaux qui volent encore dans le ciel ont une fâcheuse tendance à s’écraser au sol : « À chaque fois que je regardais ce qui se passait dans la rue, je voyais des oiseaux mourir. Ils descendaient en vol plané, ricochaient sur le bitume avec un bruit pathétique, sans un cri, et, au bout d’un moment, ils cessaient de se débattre » (193). Pourtant, les narrats nous montrent aussi, souvent, une nature belle et invitante, si sereine qu’elle paraît presque onirique :

La quiétude du soir avait une qualité intemporelle. Un héron blanc longea la berge en direction de l’aval et disparut, le ciel ne rougeoyait plus du côté de la bananeraie, déjà une brume bleuâtre enfumait la courbe du fleuve, les cigales avaient mis fin à leur criaillerie, un buffle meugla, la route qui menait au débarcadère s’emplit de moustiques, un crapaud coassa, sur la berge adverse des pêcheurs minuscules relevaient un carrelet depuis une embarcation minuscule » (191).

Les forêts sont immenses et denses, les flots du fleuve, onctueux (189), et quand Ioulghaï Thothaï, l’échassier « d’humeur folâtre » qui donne son nom au dix-huitième narrat, survole le poteau d’exécution de Will Scheidmann, il « s’amus[e] à tracer de courtes boucles au-dessus du terrain des opérations » (74) en épiant les conversations des vieilles, couchées près des yourtes, autour desquelles « [l]a steppe s’éten[d] à l’infini, […] transmettant à chacun un formidable goût épique de vivre et de continuer perpétuellement à vivre » (69). En outre, si les pommiers ne fleurissent plus qu’une fois « tous les trois ans […] et donnent des pommes grises » (8), au moins fleurissent-ils encore quand l’homme, lui, n’est plus capable de procréer. Lionel Ruffel souligne d’ailleurs qu’« il y a une sorte de fascination pour l’animalité, comme contre-modèle positif de l’humanité. Là où les humains échouent, dans les fictions de Volodine, les animaux réussissent » (2007, 256). Mieux encore, on retrouve souvent : « [l’]idée que l’espèce humaine est finie, qu’une autre espèce va prendre le relais » (Roche 2008, 329).

Effectivement, dans ce monde en perdition, la nature semble par moment reprendre ses droits. Par exemple, une fois les bâtiments de la maison de retraite abandonnés par les vieilles immortelles, ils sont avalés par la végétation, et l’épave de la fourgonnette du garde forestier est « aspiré[e] au-dessus du sol par la croissance d’un mélèze géant » (Volodine 1999, 124). De même, Wong, l’éléphant de Nos animaux préférés, croise aux abords d’un village déserté « une piste qui avait été ouverte au bulldozer trente ans plus tôt et que la végétation avait reconquise sur des kilomètres » (Volodine 2006, 10). Si entre les ruines des maisons ne subsiste plus aucune trace humaine, au point que « sur le sol, les restes des cultivateurs assassinés avaient rejoint la poussière » (11), la forêt environnante est luxuriante et bien vivante :

Elles [les bicoques effondrées] se dissimulaient derrière des arbres magnifiques, aux odeurs puissantes. Depuis les cimes des fleurs ruisselaient en cascade jusqu’à terre, rouge sombre ou rouge groseille selon leur degré d’épanouissement. Les plus jeunes fleurs avaient des corolles plus foncées, les plus vieilles fanaient en s’éclaircissant. Toutes sentaient l’orchidée noire. (10)

Ainsi, la nature et les animaux post-exotiques ne seraient pas unilatéralement broyés ni martyrisés par une humanité cruelle et tyrannique. Volodine lui-même réfute toute catégorisation systématique. Pour lui, les animaux « n’occupent pas […] toujours la même fonction qui serait par exemple de symboliser la pureté et la vulnérabilité, la beauté qui survit dans un monde atroce » (cité dans Roche 20008, 317).

Plus encore, les animaux post-exotiques peuvent aussi se montrer violents et menaçants. Deux narrats de Des anges mineurs illustrent particulièrement bien cette affirmation. Dans le huitième, Emilian Bagdachvili pénètre dans la cabane de Fred Zenfl. La cahute est truffée de pièges qui, en se déclenchant, propulsent des tarentules et des scorpions sur les intrus. Mais le dispositif est désuet, les insectes sont morts, et Bagdachvili les balaie du revers de la main. Jusqu’à ce qu’il s’immobilise, figé, piqué par un scorpion. Sur le plancher, les tas d’insectes morts se remettent à vivre. Ainsi, même quand on les croit éteints, les animaux peuvent se montrer mortels. De même, dans le troisième narrat, le narrateur et Sophie Gironde aident trois ourses polaires à mettre bas. Les bêtes, toutes à la douleur de leurs multiples expulsions, risquent sans cesse d’écraser l’accoucheuse. Deux des ourses, véritables usines à enfanter, produisent à la chaîne un nombre impressionnant d’oursons; la troisième, qui n’a donné naissance qu’à un petit, se lève et déambule en grondant, l’air mécontente. Dans les dernières lignes, le narrateur la sent derrière lui et dit : « Je sentis sur ma nuque goutter une écume brûlante. La première ourse s’était approchée de moi, elle était cabrée au-dessus de moi et elle rauquait. » (Volodine 1999, 14) Rien ne laisse supposer qu’il ait survécu… Et pour un peu, on croirait avoir assisté aux prémices d’une révolte ouvrière sanglante dans une usine de production de masse…

Des anges mineurs et Nos animaux préférés offrent nombre d’exemples où les animaux et la nature reprennent leurs droits, voire un certain ascendant sur l’homme. Les animaux ne sont donc ni faibles ni soumis à l’homme. Volodine les montre bien souvent plus beaux et plus forts que l’humanité. Plus résilients aussi. Ainsi les récits post-exotiques semblent sonner comme un avertissement écologique lancé à l’homme : à agir comme il le fait, à exploiter la nature outrageusement, il met en péril l’humanité et court à sa propre perte. Mais ils semblent également signifier que, quand bien même l’homme détruirait l’humanité, ce ne serait pas la fin du monde. Car quoi qu’il advienne de l’homme, le monde, lui, survivra.

Animalité : menace ou opportunité?

Pour autant, étant donné ce que nous savons du post-exotisme, c’est-à-dire que rien n’y est jamais ni tranché, ni totalement clair, ni définitif, et conscients de la propension, voire de la détermination de Volodine à systématiquement brouiller les pistes, ne devrions-nous pas douter sur-le-champ de cette conclusion? En effet, l’animalité chez Volodine est plus complexe et plurivoque : « l’animal est une figure paradoxale de la misère et de la force : les combattants vaincus du post-exotisme sont parfois comparés à des animaux agonisants, mais l’animal est en même temps une représentation de la force, fût-elle inaccessible » (Roche 2008, 320. L’auteure souligne). À nouveau, ce qui pourrait a priori sembler contradictoire est parfaitement compatible : les contraires ne s’excluent pas. Plus largement, « l’animal ne peut pas être distribué en rôle ou en fonction, positive ou négative, il semble être fondamentalement ambigu, ou neutre » (Roche 2008, 318).

Ceci nous ramène au principe de porosité des frontières dans l’univers post-exotique, que nous avons souligné précédemment, et qui s’applique également au couple homme-animal, de sorte qu’il n’existe aucune opposition entre humanité et animalité; au contraire.

L’animal […] est souvent le symbole de l’innocent broyé ou martyrisé, un équivalent de l’Untermensch qui est une des figures où facilement se reconnaît le narrateur post-exotique. L’animal est une figure avec quoi se tisse une relation fraternelle. Il y a fréquemment annulation des contraires dans le couple Mensch-Untermensch-animal. (Volodine cité dans Roche 2008, 317)

Il est donc tout à fait naturel que l’on puisse observer une « troublante accointance entre l’homme et l’animal » (Ruffel 2007, 257), qui permet à Volodine de doter les hommes d’attributs animaux, et inversement. Par exemple, Babaïa Schtern, une femme que ses fils destinent à l’abattoir, est largement décrite à l’aide de qualificatif animaliers : elle est gardée dans un « box d’écurie » (Volodine 1999, 58); elle est « large et ventrue et adipeusement lisse comme autrefois les hippopotames » (59); comme le bétail, elle est « parfois en butte à des attaques d’insectes, parfois importunée par des papillons ou des mouches » (59). Ailleurs, on lit que « [q]uelqu’un nidifiait au cinquième étage » (180). Quant aux animaux de Nos animaux préférés, ils parlent, pensent, réfléchissent, philosophent. Ainsi, alors qu’il passe près d’une citerne abandonnée, Wong « s’interroge sur l’origine et la qualité du pétrole » (Volodine 2006, 139). Balbutiar XI est cultivé, ayant appris l’alphabet auprès de bonnes institutions et lu plusieurs grimoires, et il a « des valets, chambellans, historiographes et sentinelles » (61) à son service; et s’il a des élytres, des pattes, des mandibules et une trompe vocale, ce sont ses omoplates qui sont soudées au rocher et ses pieds que la mer vient lécher lorsque la marée monte (60-64). Minesse pour sa part, à l’instar des autres femmes du harem de Balbutiar XXX, est indéniablement humaine, promise à un roi qui, lui, ne l’est pas, du moins pas totalement (107-133). Certains textes suggèrent même que le croisement des espèces pourrait être bénéfique : ainsi, la femme qui propose à Wong de s’accoupler, dans le premier conte de Nos animaux préférés, déclare : « Il n’y a aucun mâle sur des milliers de kilomètres à la ronde […] Si tu ne m’engrosses pas, je n’aurai jamais de descendance » (14). Ici, c’est donc à l’animal qu’il revient de sauver l’humanité.

On assiste ainsi couramment, dans les récits post-exotiques, à une hybridation entre humain et animal, que Ruffel explique comme suit :

L’espace de l’hybridation animale peut […] apparaître comme symbolique des autres métamorphoses. Parce que les espèces animales et humaines ont été culturellement distinguées et que leur réunion fait l’objet d’un interdit, l’espace métamorphique des textes se doit de le dépasser et l’hybridation animale en est une figuration efficace. (2007, 260)

L’hybridation entre l’homme et l’animal permettraient donc à Volodine de suggérer la possibilité d’autres métamorphoses et la transgression d’autres interdits. Selon Roche, « [l]’animal, dans l’œuvre, pose en fait deux questions : celle de […] l’espèce […] et celle de l’origine, les deux étant liées, mais distinctes. L’animal est un des supports textuels qui portent le motif de l’exclusion, de la mise hors humanité » (2008, 320). L’interprétation de Ruffel recoupe en cela les réflexions de Deleuze et Guattari sur « l’animal [qui] sert de laboratoire d’expérimentation pour les phénomènes de subjectivisations, […] [et] prend une valeur politique, critique et clinique en dégageant l’intolérable des modes sociaux existants sur un mode pathétique et visionnaire » (Sauvagnargues 2004, 222). Par le truchement de l’animal, Volodine nous inviterait à explorer d’autres enjeux : comme il l’écrit lui-même, « l’animalité […] entraîn[e] le lecteur et la lectrice dans un monde ambigu qui mérite, en effet, réflexion » (cité dans Roche 2008, 325). En confrontant ses personnages-animaux

à des situations qui permettent de rejoindre des thèmes essentiels au post-exotisme [à savoir] la fin de la civilisation humaine, l’extinction de l’espèce sur une planète dévastée par les humains, mais aussi la solitude, les relations entre individus que les pulsions sexuelles rendent problématiques, la compassion, le nihilisme, la défaite, la mort[,] (Roche 2008, 331)

Volodine ne nous invite-t-il pas simplement à réfléchir à ces mêmes thèmes, exactement?

Mais Ruffel pousse la logique plus loin et, toujours en appuyant sa réflexion sur Deleuze et Guattari, « postul[e] […] que l’animalité dans l’œuvre de Volodine implique un devenir animal de l’homme » (2007, 261). Pour les philosophes, il ne s’agit ni de « succombe[r] à une écologie sentimentale qui cherche[rait] à hisser l’animal au statut d’un sujet de droit ou d’un objet pour une politique de préservation patrimoniale » (Sauvagnargues 2004, 122), ni de chercher à imiter l’animal ou à lui ressembler, ni même à renouer avec une certaine bestialité jugée naturelle car originelle. Il s’agit plutôt de « penser l’animal comme un devenir anomal de l’humain » (Sauvagnargues 2004, 163), et plus encore comme une entité plurielle : « chez Deleuze et Guattari, l’animal est d’abord des animaux : le troupeau, la meute, l’essaim, c’est ça qui définit l’animalité chez eux, c’est-à-dire cette façon de ne pas exister comme individu, personnalité, moi, mais élément au sein d’une multiplicité » (Dittmar et Golsenne 2008, n.p.). Cette conception de l’animal comme étant avant tout membre d’un groupe est frappante dans l’œuvre de Volodine, et « répond au besoin de représenter le peuple post-exotique en tant que peuple. La multiplicité n’y est pas principalement un phénomène numéraire, mais apparaît comme un nouveau rapport de l’individu au collectif » (Ruffel 2007, 262). Elle se traduit d’abord par le fait que les œuvres sont présentées comme le résultat d’un travail collectif : comme nous l’avons déjà indiqué, Volodine se considère comme le simple porte-parole de la communauté des auteurs post-exotiques. Par ailleurs, on assiste dans les textes à un savant brouillage des instances narratives : les narrateurs se croisent et se répondent; par exemple, Des anges mineurs donne la parole à une multitude de narrateurs, si bien que l’on ne sait pas toujours lequel d’entre eux parle, et qu’eux-mêmes semblent s’y perdent : « Je ne savais plus si j’étais Will Scheidmann ou Maria Clementi, je disais je au hasard, j’ignorais qui parlait en moi » (Volodine 1999, 201). Car cela n’a somme toute pas beaucoup d’importance, puisque ce n’est plus l’individu mais le groupe qui parle; le collectif prend le pas sur l’individuel. On remarque en effet qu’« une fascination pour la multiplicité comme organisation sociale et politique » (Volodine 1999, 261), en particulier pour les animaux qui vivent harmonieusement en groupe, et donc en sociétés organisées, est présente dans plusieurs livres post-exotiques. « Dans Lisbonne, dernière marge […] c’est “une colonie d’insectes” […] qui exerce la réalité du pouvoir » (Roche 2008, 329). Dans Le nom des singes, des araignées « mettent en place des utopies plus révolutionnaires et plus réussies encore que celle de nous autres » (Volodine 1994, 136). Il se peut d’ailleurs que, comme le prétend Wong dans la citation placée en exergue au présent article, les araignées prennent la suite de l’homme.

Devenir-autre

C’est ce qui incite Roche à envisager « l’animal [comme] avenir de l’homme » (2008, 325), sans pouvoir cependant l’affirmer de façon définitive, puisque Volodine, à son habitude, sème dans ses textes des indices ambigus, voire contradictoires, qui suggèrent une indécision quant à la valeur d’appartenir à une espèce, humaine ou animale, plutôt qu’à l’autre. Être humain ne semble pas très enviable : « Tout ce qu’on voudra, mais pas homme! », peut-on lire dans Des enfers fabuleux (Volodine 1988, 610), alors qu’un personnage d’Alto Solo implore : « De grâce, ne m’enterrez pas avec des représentants de la race humaine » (Volodine 1991, 94). Pourtant, devenir un animal ne suscite guère plus d’enthousiasme : « dans Bardo or not Bardo, Dadokian, confronté à l’imminence de se réincarner en araignée, supplie son compagnon de l’écraser » (Roche 2008, 326)4. Quant à la perspective d’une hybridation homme-animal, si elle semble prometteuse, elle peut aussi s’avérer fatale, comme le suggèrent les deux entrevoûtes de Nos animaux préférés où l’éléphant Wong est sommé de s’accoupler avec une femme pour assurer la survie de l’espèce humaine : dans la première, Wong tue la femme en l’écrasant de sa patte; dans la seconde, c’est lui qui meurt, englué dans le bassin de bitume où il est tombé en tentant d’échapper à son assaillante. Ainsi, le motif et la fonction de l’animal dans les œuvres post-exotiques s’avèrent profondément fluctuants et instables. C’est ce qu’illustre parfaitement l’exemple des araignées, qui peuvent à la fois tuer l’homme ou lui donner des exemples d’utopies réussies, représenter une insupportable perspective de réincarnation ou l’espèce qui prendra le relais une fois l’humanité anéantie. Dans l’univers post-exotique tout, absolument tout, demeure incertain et irrésolu; ouvert, donc.

Afin de tenter d’interpréter cette instabilité, il nous semble opportun de convoquer à nouveau Deleuze et Guattari et la notion de devenir-animal, et de nous attarder plus spécifiquement au terme « devenir », qui sous-entend en soi l’idée d’une incessante évolution. Comme le soulignent Dittmar et Golsenne, « c’est ça, le devenir, c’est le changement. Les choses ne sont stables que superficiellement, en tant que choses; mais à un niveau moléculaire, elles se modifient tout le temps » (2008, n.p.). Le devenir-animal, chez Volodine, traduit cette constante transformation. D’ailleurs, comme le souligne Ruffel, « la présence animale dans l’œuvre post-exotique est toujours l’occasion de devenirs et non d’états » (2007, 260). Ainsi, par l’entremise du motif animal, les œuvres post-exotiques semblent offrir la perspective de quelque chose d’autre et d’inédit, ni humain ni animal, et qui n’est ni l’imitation de l’un par l’autre, ni même la combinaison des deux, une perspective en perpétuelle évolution. Dans cette perspective, le « post-exotisme pourrait désigner cette “autre communauté potentielle”, qui naît de l’exclusion et de la marge » (Ruffel 2007, 310), et pourrait tenter de donner à voir une altérité en développement que l’on pourrait qualifier de devenir-autre.

Il est frappant de constater à quel point cette tentative — ou cette tentation? — du devenir-autre, mise en évidence par l’utilisation du motif animal dans l’œuvre de Volodine, s’inscrit remarquablement bien dans le projet littéraire post-exotique. En effet, ce que cherchent à faire Volodine et les écrivains post-exotiques, c’est à écrire autre chose :

Il s’agissait d’affirmer que mes livres se situaient à l’écart des catégories conventionnelles de la littérature existante. Qu’ils appartenaient à un courant d’expression littéraire que les critiques n’avaient pas vraiment répertorié jusque-là. Il s’agissait de revendiquer la marginalité, un éloignement des centres officiels, des normes, des modes, un éloignement des métropoles, des cultures dominantes. (Volodine 2008, 385)

Cette volonté de l’auteur se traduit par l’introduction de « codes formels linguistiques et littéraires inédits et indéchiffrables à l’intérieur de la culture dominante » (Viart 2006, 60) et donc de nouvelles formes littéraires — narrat, Shaggå, romånce, novelles ou entrevoûtes, murmurat —, mais elle est également affirmée dans les textes eux-mêmes par les auteurs post-exotiques mis en scène. Par exemple, dans Lisbonne, dernière marge, on peut lire ceci :

durant des centaines d’années, à côté de la littérature officielle, humaniste, autre chose avait existé, avait utilisé des mots, écrit et diffusé des livres, autre chose avait survécu dans les souterrains de la culture. Cet autre chose s’illustrait au fond d’insaisissables réseaux et filières […], hors du contrôle intellectuel de la société. Et hors de son contrôle moral. (Volodine 1990, 147. L’auteur souligne)

Ainsi, en se servant du motif de l’animal pour donner à voir et à lire la possibilité d’une communauté autre, hybride mais inédite et en constante évolution, imparfaite mais parvenant malgré tout à dépasser toutes celles qui lui ont précédé et ont échoué, Volodine semble illustrer la possibilité d’une littérature autre, qui est au cœur même de l’entreprise post-exotique, sinon sa raison d’exister.

 

Finalement, l’analyse du motif de l’animalité et de la fonction des animaux dans le contexte eschatologique présenté par l’univers post-exotique nous amène tour à tour à envisager l’animal comme un avertissement écologique, une menace ou une opportunité, ou encore comme l’illustration d’un premier pas vers un devenir-animal et plus largement vers un devenir-autre. Cependant, si notre réflexion permet de soulever plusieurs hypothèses interprétatives, parfois complémentaires, mais aussi contradictoires, il s’avère difficile de tirer des conclusions avérées, tant Volodine se plaît à cultiver le paradoxal et l’instable. Tout se passe comme si l’auteur se refusait à régler quoi que ce soit et à apporter des réponses définitives, préférant susciter une multitude de questions auxquelles il nous invite à réfléchir, sans jamais garantir que nous trouverons dans son œuvre les éléments d’une réponse définitive. Finalement, la seule certitude que l’on acquiert en fréquentant l’édifice post-exotique, c’est la volonté affirmée de conserver l’ambiguïté, l’indécision, voire un certain chaos. Un chaos irrésolu qui met en lumière la perspective d’une fin du monde qui n’en finirait pas de finir.

 

Bibliographie

Dittmar, Pierre-Olivier et Golsenne, Thomas. 2008. « Note sur le devenir-animal ». Paris : Éditions Papiers. http://www.editionspapiers.org/laboratoire/note-sur-le-devenir-animal (Page consultée le 28 septembre 2019)

Guay-Poliquin, Christian. 2014. « La fin, la fin et la fin. Sociocritique de l'imaginaire écologique chez Antoine Volodine. » Dans La pensée écologique et l'espace littéraire, Sylvain David et Mirella Vadean (dir.), 97-117. Montréal : Figura, Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire. vol. 36.

Gibourg, Pascal. 2017. L’homme couvert de fourmis. Dissolution et renaissance chez Antoine Volodine, Montpellier : publie.net.

Lamarre, Mélanie. 2014. Ruines de l’utopie. Antoine Volodine, Olivier Rolin. Villeneuve d’Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, coll. « Perspectives ».

Ouellet, Pierre. 2008. « La vue et la voix. Genèse de l’univers post-exotique. » Dans Défense et illustration du post-exotisme en vingt leçons, Frédérik Detue et Pierre Ouellet (dir.), 363-382. Montréal : VLB éditeur.

Roche, Anne, 2008. « “La marge animale”. » Dans Défense et illustration du post-exotisme en vingt leçons, Frédérik Detue et Pierre Ouellet (dir.), 315-335. Montréal : VLB éditeur.

Ruffel, Lionel. 2007. Volodine post-exotique. Nantes : Éditions Cécile Defaut.

Sauvagnargues, Anne. 2004. « Deleuze. De l’animal à l’art », dans Paola Marrati, Anne Sauvagnargues, François Zourabichvili, La philosophie de Deleuze. Paris :PUF : 120-226.

Servoise, Sylvie. 2013. « Présentisme et post-exotisme : les frères ennemis. » Dans Volodine, etc. Post-exotisme, poétique, politique, Actes du colloque de Cerisy, Frédérik Detue et Lionel Ruffel (dir.), 265-279. Paris : Classiques Garnier.

Viart, Dominique. 2006. « Situer Volodine? Fictions du politique, esprit de l’Histoire et anthropologie littéraire du “post-exotisme”. » Dans Antoine Volodine, fictions du politique, Anne Roche et Dominique Viart (dir.), 29-67. Caen : Lettres modernes Minard.

Volodine, Antoine. 1985. Biographie comparée de Jorian Murgrave. Paris : Denoël, coll. « Présence du Futur ».

———. 1988. Des enfers fabuleux. Paris : Denoël.

———. 1990. Lisbonne, dernière marge. Paris : Éditions de Minuit.

———. 1991. Alto solo. Paris : Éditions de Minuit.

———. 1994. Le nom des singes. Paris : Éditions de Minuit.

———. 1998. Le post exotismes en dix leçons, leçon onze. Paris : Gallimard.

———. 1999. Des anges mineurs. Paris : Seuil, coll. « Points ».

———. 2004. Bardo or not Bardo. Paris : Seuil.

———. 2006. Nos animaux préférés. Paris : Seuil.

———. 2008. « À la frange du réel. » Dans Défense et illustration du post-exotisme en vingt leçons, Frédérik Detue et Pierre Ouellet (dir.), 383-399. Montréal : VLB éditeur.

Volodine, Antoine et Busnel, François. 2019. La grande librairie. Paris : France 5. https://www.youtube.com/watch?v=d6ZfP2cSay4 (Page consultée le 15 juin 2019)

Volodine, Antoine et Wagneur, Jean-Didier. 2006. « On recommence depuis le début… Entretien avec Antoine Volodine. » Dans Antoine Volodine, fictions du politique, Anne Roche et Dominique Viart (dir.), 227-277, Caen : Lettres modernes Minard.

Pour citer cet article: 

Légeron, Karine. 2019. « Les animaux post-exotiques : "ce qui reste quand il ne reste rien" ». Postures, n 30 (Automne) : Dossier « Récits eschatologiques : un point final pour l’humanité? ». http://revuepostures.com/fr/articles/legeron-30 (Consulté le xx / xx / xxx)