Entre corps animal et corps médial : La communauté écouménale dans l’œuvre romanesque de David Mitchell

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Corps et individu en science-fiction

Une ontologie cartésienne, qui conçoit la chose pensante (res cogitans) et la chose étendue (res extensa) : c’est-à-dire le corps et l’environnement naturel) en deux plans d’existence séparés, sous-tend de nombreuses œuvres de science-fiction contemporaines. Comme le souligne Le Breton (1999), elle figure au cœur de l’imaginaire technoscientifique depuis l’avènement de la cybernétique. Le corps y est vu comme une entité obsolète à dépasser et l’esprit, comme une somme d’informations transférables sur de nouveaux supports. Nombreuses sont les œuvres de science-fiction, en particulier de cyberpunk, qui relèvent d’un tel imaginaire. Elles mettent en scène l’estompement, l’ablation ou la dissolution du corps au seul profit de l’esprit. Celui-ci migre en des mondes de pure simulation1 ou se réincarne au sein de nouvelles entités matérielles : corps organiques, technologiques ou biotechnologiques. Dans d’autres œuvres2, l’esprit libéré de ses limitations physiques se déploie à travers l’étendue terrestre et forme un réseau. Il peut alors parvenir à une présence quasi ubiquitaire. Dans cet imaginaire technoscientifique, l’individu est assimilé uniquement à sa part subjective (res cogitans), libéré de sa part matérielle (res extensa). Il quitte alors les limites de son corps – devenu « surnuméraire » (Le Breton, 2013) – et se déploie en suivant des configurations inédites. L’individu et son corps disparaissent même parfois au profit d’entités supra-individuelles, en accord avec l’idée d’un holisme métaphysique (Früchtl, 2016) en vertu duquel une conscience collective est créée par l’union des subjectivités individuelles3.

Au premier regard, les romans de l’écrivain britannique David Mitchell, peuplés d’esprits sans corps et d’êtres réincarnés, s’inscrivent dans un imaginaire de la dissolution du corps. Ainsi, l’individu, limité à sa seule substance pensante, ne concorderait plus avec les limites physiques de ce vaisseau temporaire de l’esprit, simple lieu de transit dans l’attente d’autres supports. Toutefois, ces esprits sans corps qui peuplent l’œuvre mitchellienne ne doivent pas occulter la perspective ontologique qui s’y donne à lire, opposée au dualisme cartésien. Car en vertu de celle-ci, l’humain est à la fois circonscrit dans les limites d’un corps physique (sa part individuelle) et étendu dans son environnement par le biais de son corps médial (son milieu, sa part collective). Dans l’articulation des corps physique et médial, il ne saurait être question d’une dissolution du corps au profit de l’esprit ni de l’individu au profit d’une entité supra-individuelle qui le subsumerait, mais d’une solidarité unissant l’individu et son corps physique à son milieu, c’est-à-dire à son « corps médial » (Berque, 2000), soit le fruit des relations techniques et symboliques de l’être humain à son environnement naturel. Chez Mitchell, ce milieu acquiert une dimension planétaire, se déploie dans le temps long de l’histoire et se tisse en une toile composée d’individus interconnectés et interdépendants où chacun porte en soi les traces physiques et symboliques de l’autre, constituant une « communauté écouménale ». 

Nous nous intéresserons à la corporéité dans l’œuvre de Mitchell et tout particulièrement dans le roman Cartographie des nuages. Elle sera abordée à travers la perspective ontologique proposée par Watsuji (2011) et Berque (1990, 2000) à sa suite. Elle unit, dans une relation solidaire, l’individu et son environnement, mais aussi les parts animale et médiale de son corps. Nous verrons que, si l’œuvre de Mitchell a été qualifiée par certains commentateurs de « planétaire » et de « cosmopolite », elle peut être plus spécifiquement abordée en tant qu’œuvre écouménale. Avant d’étayer cette affirmation, les notions d’écoumène et de trajection seront mobilisées, ainsi que la perspective ontologique de Watsuji et Berque. Ensuite, nous montrerons par quels moyens Cartographie des nuages, en pensant l’intrication des corps individuel et médial, permet d’envisager une position intermédiaire entre les conceptions individualiste et holiste de l’être humain. Finalement, si les romans de Mitchell mettent en évidence une perspective dans laquelle l’individu s’avère indissociable de son écoumène, une conscience de son appartenance à une communauté écouménale reste à établir autrement que par les artifices du discours narratif.

Présentation de l’œuvre romanesque de David Mitchell

Les sept romans de Mitchell4, parus entre 1999 et 2015, constituent, selon ses propres mots, autant de chapitres d’un même « sur-livre » (Über-book) (Schulz, 2015), en ce sens qu’ils se rapportent tous, par le moyen de la transfiction, à un même univers diégétique (Saint-Gelais, 2011) que traversent personnages, objets et événements à l’échelle planétaire et sur plusieurs millénaires, du passé lointain à un futur proche, dystopique et post-catastrophique. Si, dans ces romans, certains personnages sont récurrents, à l’instar du docteur Marinus, aucun n’occupe de position centrale dans ce grand récit éclaté et polyphonique. Il y a en jeu, dans cette œuvre, un décentrement depuis un récit axé sur le personnage vers ce que Marie-Laure Ryan (2013), à la suite de David Herman (2009), qualifie de storyworld, un univers diégétique qui, chez Mitchell, prend une ampleur considérable dans le temps comme dans l’espace.  

Le monde de Mitchell est le théâtre d’une lutte transhistorique entre deux forces : la sympathie universelle et la prédation (Childs et Green, 2011). La première assure un mode de vie écologiquement soutenable et promeut un être-ensemble respectueux d’autrui. La seconde propose un mode de vie écologiquement insoutenable et donne lieu à l’asservissement et l’exploitation du plus faible au profit du plus fort. Cette lutte transhistorique se trouve au cœur du troisième roman de Mitchell, Cartographie des nuages, composé de six récits livrés respectivement sous la forme d’un journal de bord, d’une correspondance, d’un roman policier, de mémoires, d’un entretien filmé et d’un témoignage oral.

Le premier récit raconte la traversée du Pacifique par le notaire Adam Ewing en 1849. Le second se déroule en 1931, en Belgique. Robert Frobisher, un jeune compositeur britannique, décrit à son amant, Rufus Sixsmith, les circonstances qui le conduiront à son suicide. Le troisième récit, situé en Californie dans les années 1970, relate l’enquête de la journaliste Luisa Rey révélant les failles de sécurité d’une centrale nucléaire susceptible d’engendrer une catastrophe écologique sans précédent. Le quatrième a lieu en Angleterre, au début des années 2000. Timothy Cavendish, un éditeur vieillissant, y fait part de son internement forcé dans une maison de retraite et de son évasion. Dans le cinquième récit, Sonmi-451, un clone génétiquement modifié attaché au service d’une chaîne de restaurants franchisés, relate sa vie à un archiviste avant son exécution, conséquence de son incitation à la rébellion contre Nea So Copros, un régime dystopique futuriste régi par les principes d’un capitalisme néolibéral exacerbé. Le dernier récit se situe plusieurs siècles après celui de Sonmi, dans une Hawaï post-catastrophique. Il s’agit de la retransmission orale de la vie du chevrier Zachry Bailey à sa descendance.

Cartographie des nuages : un roman écouménal

Nombre de chercheurs (Childs et Green, 2011; Edwards, 2011; Harris, 2015; Schoene, 2009; Shaw, 2015) ont souligné le caractère planétaire des œuvres de Mitchell sans occulter la place qu’elles réservent à l’individualité et à un cadre de vie local. Ces œuvres articulent alors en un vaste réseau des individus interconnectés et interdépendants. Berthold Schoene qualifie de romans cosmopolites Écrits fantômes et Cartographie des nuages en ce qu’ils établissent un pont entre les réalités disjointes que sont, d’une part, la globalisation économique et les instances politiques mondiales et, d’autre part, les spécificités culturelles locales, ces « innombrables sous-mondes de vies quotidiennes sans pouvoir et privées de droits » (2010, 44). Est dépeinte, dans les romans de Mitchell, la possibilité d’émergence d’une communauté et d’une convivialité planétaires. Ils entremêlent en un tout des réalités similaires ou irréconciliables, sans jamais donner lieu à une totalité harmonieuse. Ce tout articule étroitement l’individu et le monde sans que le premier ne se dissolve dans le second. Ainsi, les actions posées par les personnages d’Écrits fantômes influencent l’existence des autres indépendamment de la distance géographique qui les sépare. Seul le dispositif narratif se montre en mesure d’exposer l’interconnexion et l’interdépendance globales qui les relient hors de la conscience des personnages et au profit du lecteur.

Dans Cartographie des nuages, cette interconnexion planétaire prend tout son sens à travers l’idée de « communauté écouménale » : la conception du corps telle quelle se donne à lire dans ce roman peut en effet être comprise à la lumière de la perspective ontologique proposée par Augustin Berque de pair avec les notions d’écoumène et de trajection.     

L’écoumène, la trajection et le corps  

L’idée moderne selon laquelle l’humain se réduirait à l’individu et qu’il serait borné par les limites de son corps physique n’est plus soutenable si, dans la perspective ontologique que Berque (1990, 2000) propose après Watsuji (2011), l’on considère qu’en lui se « combinent […] dynamiquement deux "moitiés", l’une individuelle […]  et l’autre commune, […] entrelien qui se tisse entre les personnes et avec les choses, constituant historiquement un certain milieu » (Berque, 2013, 61). Cet entrelien désigne l’extériorisation de l’être vers les choses et excède les limites du corps physique. L’être humain, suivant l’ontologie berquienne-watsujienne, se présente donc en tant que structure duelle au sein de laquelle il y a couplage dynamique de l’« être en deux "moitiés" […], l'une investie dans l'environnement par la technique et le symbole [le corps médial5 ], l'autre constituée […] [d’un] corps animal » (Berque, 2000, 128). Le corps animal est interne, physiologiquement individualisé. Le corps médial, lui, est diffus dans le milieu : il émerge des relations techniques et symboliques que l’être humain entretient avec les autres, de même qu’avec son environnement naturel. En d’autres termes, il excède les limites de l’être individuel; il est existence au sens étymologique d’ex-sistere, « se tenir hors de soi ».

L'extériorisation du corps animal vers le corps médial par la technique relève de la projection. Elle « prolonge notre corporéité hors de notre corps [animal] jusqu'au bout du monde » (129). Alors que le symbole « joue là en sens inverse de la technique […] [il] est au contraire une intériorisation, qui rapatrie le monde au sein de notre corps » (129), donnant lieu à une introjection. Le mouvement de va-et-vient entre le corps animal et le monde, formé par les dynamiques de projection et d’introjection, constitue une trajection. C’est de ce mouvement que nait tout milieu humain. En d’autres termes, le milieu est trajectif au sens où, dépassant les dichotomies modernes, il est tout autant naturel que culturel, collectif qu’individuel, subjectif qu’objectif, physique que phénoménal, matériel qu’idéel (Berque, 1986).

Il en ressort que la corporéité humaine est à la fois circonscrite dans les limites du corps animal (physique, individué) et étendue dans l’environnement par le biais du corps médial, qui relève de la technique et du symbolique, mais aussi de l’écologique6. La part médiale de l’être est collective. Sa part animale, elle, est individuelle. L’une ne pouvant aller sans l’autre, on voit en quoi, conformément à l’ontologie berquienne-watsujienne, la corporéité ne peut être envisagée en fonction d’une perspective individualiste ou holiste. Cette part médiale de l’être s’étend, historiquement et spatialement, à une vaste échelle, en particulier dans le contexte de la mondialisation. L’individu se montre donc indissociable de la collectivité avec laquelle il partage un même milieu, mais également de l’environnement naturel d’où il émerge sans jamais s’y dissoudre. Suivant cela, on ne saurait parler de disparition du corps, car celui-ci est partagé entre une entité physique, circonscrite, et son milieu – ou, plus largement, son écoumène.

L’écoumène serait donc l'ensemble des milieux humains. Il désigne « l'habiter humain sur Terre » (Berque, 2004, 386), ou encore « l’espace de vie construit et habité par les êtres humains » (Lussault, 2017, 23) à l’échelle terrestre.

Cartographie des nuages et la communauté écouménale

La perspective ontologique de Cartographie des nuages s’écarte de la perspective moderne en vertu de laquelle l’environnement et le corps – objectifiés – sont tenus à distance du sujet humain, c’est-à-dire « altérés » 7. Le décentrement du corps du point de vue individuel vers le point de vue planétaire, la solidarité interindividuelle ainsi que la proposition de récits dont la diégèse s’étend sur plusieurs millénaires constituent autant d’indices pointant vers l’indissociabilité des corps animal et médial. Suivant la conjoncture actuelle de la mondialisation (que les romans « planétaires » de Mitchell mettent en évidence), où, pour reprendre les mots du sociologue Roland Robertson, il y a lieu de parler de « compression du monde et d’intensification de la conscience du monde en tant que tout » (cité dans Schoene, 2009, 1), le corps médial s’étend non plus à l’échelle d’un milieu, mais à celle de l’écoumène tout entier. C’est pourquoi nous parlerons de « communauté écouménale » pour désigner l’être-ensemble tel qu’il figure dans l’œuvre de Mitchell.   

Consommation symbolique de l’autre : les récits de soi

L’analyse de Cartographie des nuages suggère une indissociabilité des corps animal et médial, de l’individu et de la communauté écouménale. Les protagonistes du roman enrichissent la part symbolique de leur écoumène par les récits de soi qu’ils lèguent aux générations futures, assurant de la sorte leur pérennité alors que leur part individuée périt. Dans un mouvement inverse, il y a introjection des témoignages de leurs prédécesseurs par la consommation de leur récit de soi. Ainsi, le journal de bord d’Ewing est lu par Frobisher; les lettres de Frobisher sont lues par Luisa Rey; le roman relatant les aventures de Rey est expédié à l’éditeur Timothy Cavendish; les mémoires de Cavendish feront l’objet d’une adaptation cinématographique que visionnera Sonmi-451, et le témoignage de cette dernière sera vu et entendu par Zachry à l’aide d’un dispositif de projection holographique.

Dernier personnage à apparaitre dans le roman, Zachry devient le dépositaire de la mémoire de ses prédécesseurs, présentée comme une série de récits enchâssés. Ce faisant, il intègre symboliquement à son corps animal un ensemble d’expériences individuelles par lesquelles sont démultipliées ses perspectives sur un écoumène partagé qui se déploie dans la temporalité pluriséculaire de l’anthropocène.

Ces récits renforcent le sentiment de solidarité des personnages qui ont en commun de subir l’expérience de la prédation et de fouler un même monde qui, un abus à la fois, court à sa perte. En retour, ils proposent un guide éthique apte à penser l’action collective dans le cadre d’un être-ensemble planétaire. C’est le cas des dernières lignes, quelque peu idéalistes et utopiques du journal de bord d’Adam Ewing, rédigées en réaction au colonialisme, à l’esclavage et à la soif du lucre, dont leur auteur a été témoin lors de sa traversée des îles du Pacifique. Ainsi, Ewing écrit :

Notre perte serait donc inscrite en notre nature? Si nous avons foi en ce qu’il demeure possible à l’humanité de transcender ses crocs et griffes, si nous avons foi en ce que des hommes de races et de croyances diverses sauront partager la planète et rester en paix […] si nous avons foi en ce que les dirigeants doivent être justes; que la violence doit être muselée; le pouvoir, responsable; et les ressources de la Terre et de ses océans, équitablement réparties, alors ce monde-là verra le jour. (Mitchell, 2007/2004, 696)

Des idées similaires se retrouvent dans un catéchisme révolutionnaire rédigé par Sonmi avant son exécution, un manifeste en faveur de la sympathie universelle que suivent religieusement Zachry et sa tribu. 

Consommation du corps de l’autre : la métensomatose

La consommation des récits de soi – part symbolique des milieux humains par laquelle est renforcée l’idée d’une appartenance des individus à un même corps médial – s’accompagne de la consommation du corps animal de l’autre, idée conforme à une métensomatose, ou réincarnation du corps dans un autre corps.

Dans Cartographie des nuages, Luisa Rey prend conscience de l’introjection du corps animal de l’autre alors qu’elle retrouve les lettres manquantes que Frobisher avait adressées à Sixsmith : 

Luisa […] extrait une des enveloppes jaunies; le cachet indique la date du 10 octobre 1931; Luisa la porte à son nez et inhale. Après quarante-quatre années d’hibernation dans cette feuille de papier, des molécules du château de Zedelghem et de la main de Frobisher tourbillonnent-elles en ce moment dans mes poumons, dans mon sang? (586)

Significativement, Rey conjoint dans l’acte d’introjection à la fois le corps de Frobisher et un lieu indissociable de son existence, comme si l’un et l’autre étaient, par nature, insécables.  

La forme la plus marquante d’introjection réside dans les actes de cannibalisme appuyant le thème de la prédation. Le phénomène est raconté à plusieurs reprises. Il l’est tout d’abord par l’entremise d’Henry Goose, compagnon de voyage d’Ewing, dès la première page du roman, dont l’incipit parodie la découverte de l’existence de cannibales par Robinson Crusoé, dans le roman éponyme de Defoe. Alors qu’Ewing aborde Goose sur une plage, celui-ci lui apprend qu’« [a]utrefois cette grève d’Arcadie accueillait des festins cannibales, ripailles durant lesquelles les forts se gorgeaient des faibles » (5).

Le cannibalisme figure également en bonne place dans le récit que M. D’Arnoq fait à Ewing de la conquête maorie des Morioris des îles Chatham (situées à l’est de la Nouvelle-Zélande). Ainsi, relate-t-il : « Sur la plage de Waitangi, cinquante Moriori furent décapités, découpés, enveloppés dans des feuilles de lin puis placés avec des pommes de terre et des ignames dans un immense four creusé dans la terre » (23).

Le cannibalisme est systématisé dans la dystopie que dépeint Sonmi. À Nea So Copros, des clones sont élevés pour leur force de travail. Après des années de dur labeur, leur dit-on, ils se verront récompensés : libérés de leur asservissement, ils seront transportés à Hawaï où ils deviendront des citoyens à part entière. Or, la réalité est toute autre : Sonmi découvrira avec horreur que leur destination véritable est un abattoir où leur chair sert à la production de nouveaux clones et à l’alimentation des clients des « dinariums », restaurants franchisés du futur.

Le cannibalisme, chez Mitchell, renvoie directement à la prédation. C’est un comportement transhistorique, présent aussi bien au XIXe siècle des îles Chatham que dans le monde à venir de Sonmi. Dans une perspective écouménale, cet acte de consommation insoutenable (qui redouble celle de l’environnement, cette autre facette de la prédation), en vertu duquel il y a introjection du faible dans le corps animal du fort, constitue le pendant négatif de la sympathie universelle. S’il révèle le lien d’interdépendance qui unit entre eux les individus dans le cadre de l’écoumène – représenté par la circularité de la chaîne de production et de consommation de la chair dans l’économie de Nea so Copros –, il subvertit dans le même souffle la sympathie universelle et la possibilité même d’assurer la pérennité de cet écoumène. C’est ce dont témoigne Ewing, à la fin de Cartographie des nuages, lorsqu’il écrit : « À l’échelle d’un individu, l’égoïsme enlaidit l’âme; à l’échelle humaine, l’égoïsme signifie l’extinction » (696). Si, comme le souligne Popovic (2008), manger l’autre, à la fin du XIXe siècle, prenait tout son sens dans l’imaginaire darwiniste de la lutte pour la vie, chez Mitchell, un changement d’échelle de l’individuel vers le collectif s’opère : dans ce mouvement la lutte ne conduit plus à la survie, mais à l’extinction.    

La métaphore de l’océan      

Après la consommation symbolique et physique de l’autre, la relation trajective unissant les personnages du roman à un écoumène partagé est appuyée par la figure de l’océan, métaphore de la communauté écouménale vue comme une concrétion d’actes de résistance locale posés par une multitude contre le phénomène de la prédation. Cette concrétion donne ainsi lieu à une solidarité dans l’action.

Cartographie des nuages propose six récits et autant de destinées individuelles. Le roman suggère que certains protagonistes sont liés entre eux par un même cycle de réincarnation en raison de la présence d’une tache de naissance en forme de comète sur leur épaule et de réminiscences de leurs vies antérieures. Une âme partagée semble donc transmigrer d’une époque à l’autre.

Questionné en entrevue à ce sujet, Mitchell répond : « La réincarnation et la résurrection littérales ne sont pas des doctrines en lesquelles je crois, donc ce qui demeure après ma mort, ce sont mes conséquences ou les effets que j’ai causés » (Harris, 2015, 15), ou encore, comme il le fait dire au docteur Marinus dans Les mille automnes de Jacob de Zoet : « L’âme est un verbe […] Pas un nom » (186). Ainsi, les personnages de Cartographie des nuages se perpétuent-ils au sein de l’écoumène non seulement dans leurs récits, mais également leurs actes, persistant par-delà l’existence de leur corps individué à travers leur corps médial.  

Cette conception médiale et active de l’âme est renforcée par Ewing qui, en guise d’épilogue au roman, médite sur l’agentivité de l’individu et la portée de ses actes. C’est là que la structure duelle de l’être – la relation trajective des corps animal et médial – se voit la plus nettement appuyée alors que l’esprit et le monde sont mis en équivalence. Ewing écrit : « l’histoire n’admet aucune règle : seuls les résultats importent. Ce qui provoque des résultats? Les agissements […] Ce qui provoque les agissements? La foi […] [E]lle siège tant en l’esprit qu’en son miroir : le monde » (Mitchell 2007/2004, 694). Puis, dans un dialogue imaginaire, après avoir annoncé qu’il épouserait la cause abolitionniste, sa propre part dans la lutte contre la prédation, son beau-père pro-esclavagiste minimise la portée de l’acte individuel : « à votre dernier souffle, enfin comprendrez-vous que votre vie n’a guère davantage compté qu’une goutte dans l’infini de l’océan! » (697). Ce à quoi Ewing répond, faisant de l’individu la constituante d’une multitude articulée en un ensemble plus vaste : « Cependant qu’est-ce qu’un océan, sinon une multitude de gouttes? » (697).

À la prédation s’oppose ainsi la sympathie universelle, cette idée des stoïciens selon laquelle « tout, dans l’univers, est lié à tout, et pourtant tout est individué, séparé, union et séparation » (Laurand, 2005, 519). Toutefois, pour ces derniers, l’individuel est relié à ce tout en vertu du souffle divin. Chez Mitchell, par contre, l’individu est articulé à un ensemble plus vaste en raison de la réciprocité des actions interindividuelles : parce qu’il y a un haut degré d’interdépendance et d’interconnexion entre les parties, chaque action influence l’ensemble des individus et leur écoumène. Ainsi, pour contrer la destruction de ce dernier – conséquence d’une prédation transhistorique – il convient à chacun de prendre part solidairement à un mouvement inverse en refusant de considérer autrui et l’environnement comme autant d’instruments au service de ses fins personnelles, en s’adonnant à un mode de consommation écologiquement soutenable de l’environnement, etc. Toutefois, mettre ce contre-mouvement en marche implique que chacun soit conscient de l’ampleur de sa propre agentivité. Et puisque celle-ci ne se révèle que dans la conjonction des actions individuelles en une action collective, encore faut-il que ses acteurs aient conscience d’œuvrer dans le cadre d’un ensemble plus vaste, ce que nous désignons comme une communauté écouménale. Les propos d’Ewing témoignent de l’existence de cette conscience, mais la persistance de la prédation telle que le futur dysphorique de Sonmi et Zachry la donne à voir suggère qu’elle ne s’est pas répandue à grande échelle.  

La transmigration des âmes

L’univers fictionnel des romans de Mitchell est peuplé d’esprits transitant de corps en corps à travers les âges. Dans le roman Écrits fantômes, le chapitre « Mongolie » décrit les pérégrinations d’un « non-corpus », une entité incorporelle consciente migrant d’un individu à l’autre à la recherche de son corps d’origine et ayant accès aux pensées de ses hôtes temporaires. Le roman L’Âme des horloges, quant à lui, met en scène un ordre composé d’esprits atemporels qui se réincarnent dans le corps d’individus au moment de leur mort. À première vue, ces entités procèdent d’une ontologie cartésienne où le corps existe en un plan séparé de l’esprit. Toutefois, ces entités constituent moins des esprits incorporels que des instances de narration actualisant les différentes connexions existant entre les personnages. Elles agissent comme le ciment d’une communauté écouménale.

La communauté écouménale présente dans les romans de Mitchell reste encore « à imaginer ». Selon Benedict Anderson (1996), une communauté est imaginée en vertu d’un sentiment commun d’appartenance de ses membres envers elle, à l’instar du lectorat s’identifiant à un même journal quotidien ou de citoyens à une même nation. Elle n’implique pas forcément la coprésence, sans pour autant l’exclure. Dans le cas de la communauté à imaginer, les membres lui appartiennent en raison d’une toile d’interconnexions partagée et de relations d’interdépendance, mais sans qu’il n’y ait de prise de conscience de ce qui les lie entre eux. Cette communauté ne s’actualise pas dans la coprésence de ses membres, mais lorsqu’une telle conscience émerge. Suivant cela, la communauté écouménale des romans de Mitchell forme un territoire dont la carte demeure encore à établir par ses habitants.

Dans l’œuvre de Mitchell, les personnages influencent mutuellement leur existence, se croisent, partagent des valeurs communes et sont solidaires lorsqu’ils subissent les effets d’une prédation transhistorique – colonialisme, esclavage, cannibalisme, consommation écologiquement insoutenable de l’environnement, etc. Leur appartenance à un même milieu planétaire – à une même communauté écouménale – se révèle principalement par les dispositifs narratifs des romans et n’est donc accessible qu’au lectorat. Par exemple, dans Cartographie des nuages, le personnage principal de chacun des récits est le lecteur du récit précédant, en plus d’être, en vertu de la récurrence de la tache de naissance en forme de comète, la possible réincarnation du protagoniste qui l’a précédé. Cette marque actualise les liens qui unissent les personnages à leur écoumène à travers différentes périodes de l’anthropocène8 (Crutzen et Stoermer, 2000). Toutefois, les personnages, même s’ils se montrent parfois troublés par la coïncidence de cette tache de naissance, ne prennent aucunement conscience qu’elle les lie à un même cycle de réincarnations. Ainsi en est-il de Luisa Rey :

Robert Frobisher fait état d’une tache de naissance entre son omoplate et sa clavicule […] Je ne crois pas à ces conneries […] Cela arrive tout le temps, les coïncidences. N’empêche, on dirait bien une comète […] Les taches de naissance ressemblent à ce que l’on veut, pas seulement aux comètes […] La journaliste entre dans la douche, mais son esprit déambule dans les couloirs du château de Zedelghem. (190-193)

En d’autres termes, les personnages forment, dans leur solidarité écouménale, une communauté à imaginer.

Au sein des dispositifs susmentionnés figurent des entités incorporelles qui émaillent l’ensemble de l’œuvre de Mitchell et contribuent à une entreprise fragmentaire de cartographie de la communauté écouménale lorsque, à leur échelle limitée, ils réunissent par leur narration des personnages à priori dispersés à travers l’étendue du globe. Par exemple, les âmes atemporelles de L’Âme des horloges constituent autant d’archives vivantes de l’écoumène et agissent à titre de médiation entre des personnages séparés dans le temps et l’espace. Ainsi en est-il du docteur Marinus. Ce dernier forme, avec d’autres atemporels, la confrérie des Horlogers, aux côtés de laquelle il lutte contre les Anachorètes, un groupe occulte dont les membres connaissent l’immortalité en « décantant » l’âme de jeunes victimes, en les absorbant. Les deux factions correspondent aux deux faces de la lutte transhistorique du monde transfictionnel des romans : la sympathie universelle et la prédation. Les pérégrinations de Marinus, initiées lors de sa première naissance en 640 apr. J.-C., connectent entre eux l’ensemble des personnages de l’œuvre de Mitchell. Elles relient également les différentes époques de l’anthropocène et ses lieux géographiques – le Japon de 1800, l’Angleterre de 1984, le Toronto de 2025 et l’Irlande de 2043. Ces lieux et époques constituent autant de facettes de la prédation dont il est témoin et dont la conjonction donne logiquement lieu, dans un futur proche, à la dystopie de Sonmi et au monde post-catastrophique de Zachry.   

Des pans de la communauté écouménale se voient également actualisés par le non-corpus d’Écrits fantômes. Alors que ce dernier migre d’un individu à l’autre, il remplit dans l’exercice la fonction de narrateur omniscient non pas extra, mais bien intradiégétique. Les premières lignes du chapitre, où le non-corpus a pour hôte Caspar, un voyageur à l’intérieur duquel il traverse en train les steppes mongoles, en témoignent : « Le train passait parfois devant un campement de tentes rondes appelées "gers", dans le guide de Caspar […] Des chiens féroces aboyaient après le train, les enfants nous regardaient rouler » (193). Ici, le pronom personnel « nous » suggère que le récit est relaté par un narrateur intradiégétique voyageant aux côtés de Caspar. Mais plus loin, le narrateur adopte un point de vue omniscient, ayant accès aux pensées et émotions du personnage : « Ce vaste ciel remémorait à Caspar l’endroit où il avait grandi, une région nommée Zetland. Caspar se sentait seul; il avait le mal du pays » (193). Ce point de vue demeure néanmoins intradiégétique, car le narrateur accède aux pensées de Caspar en tant qu’être incarné dans le récit, ce dont témoigne la phrase suivante : « Je ne percevais pas d’attente particulière – rien qu’une sensation d’infini » (193). Cette sensation éprouvée par Caspar est perçue par un « je » autre, le non-corpus, qui cohabite avec son esprit. Cette narration omnisciente intradiégétique se poursuit tout au long du chapitre, alors que le non-corpus migre d’une personne à l’autre. Lorsqu’il relie entre eux ses différents hôtes, il redouble les efforts de l’auteur dans l’assemblage de microrécits éclatés en un récit écouménal cohérent. Les hôtes forment une communauté à leur insu en tant qu’ils parcourent les mêmes milieux et sont, en retour, parcourus par une même entité qui, à l’instar du docteur Marinus, archive leur mémoire et l’inscrit dans un récit commun. Comme l’affirment Childs et Green, le non-corpus agit ici à titre de « médiation » :   

Son identité réside dans un processus potentiellement infini de transits, de transformations et de traductions. Isolé dans un monde atomisé, il se présente comme un puissant symbole de l’apparition de modes historiquement sans précédent de subjectivité planétaire constituée par des médiations constantes […] [Et] [c]omme le narrateur, il habite une gamme de voix, de styles, d’idiomes tout en traversant les seuils de l’Histoire, du langage et de l’ontologie. (2011, 38)

Dans Cartographie des nuages, la réincarnation (la transmigration de l’âme) « peut y être vue en tant que communauté de personnages individuels faiblement structurée à travers l’histoire, mis en réseau et en corrélation les uns avec les autres sans perdre leur indissoluble individualité » (Edwards, 2011, 199).

Les esprits de l’œuvre mitchellienne constituent une médiation entre l’individu et un tout, son écoumène. Celui-ci l’englobe sans jamais qu’il ne s’y dissolve. Cette médiation réunit trajectivement le corps animal (individué) et le corps médial (entité écologique, technique et symbolique, mais aussi collective et historique) et souligne l’intime interpénétration de l’un et de l’autre.   

À la recherche d’une carte des nuages

Si le docteur Marinus et les autres entités transmigratrices incarnent, grâce à leur mémoire pluriséculaire, une conscience de l’écoumène, ils ne possèdent ni le don de l’omniscience ni celui de l’ubiquité, de sorte qu’aucun ne produit une carte exhaustive de la communauté écouménale.

Tout en favorisant un décentrement du corps individué de l’être humain vers son corps médial, ou plus largement son corps écouménal, l’œuvre de Mitchell s’accompagne d’un aveu d’impuissance. Hors de l’artifice de la fiction (intervention d’âmes transmigratrices, consciences et médiations limitées de la communauté écouménale) et de la narration (mise en relation des subjectivités par la multiplication des récits de soi au sein d’une œuvre transfictionnelle), il manque aux personnages comme au lecteur une carte cognitive (Jameson, 2007) qui actualiserait de manière pleine et entière son appartenance à une communauté écouménale. Ce constat, la voix de Zachry le porte en écho lorsqu’elle métaphorise l’humanité non plus à l’aide de la figure de l’océan, mais celle des nuages, dont la carte demeure toujours à établir. Ainsi le récit de Zachry se termine-t-il sur ces mots :  

Allongé sur le fond du kayak, j’ai r’gardé les nuages flageoler. Les âmes traversent les âges comme les nuages traversent les ciels, pis leur forme, leur couleur et leur taille ont beau changer, ça reste des nuages, et c’est pareil pour les âmes. Qui sait d’où qu’sont soufflés les nuages ou bien en qui demain une âme se réincarn’ra? Ceux qui savent, c’est Sonmi, l’est et l’ouest, pis la boussole, pis la carte, ouais, la carte des nuages, c’est la seule à l’savoir. (Mitchell, 2007/2004, 418)

Sans cette carte des nuages – c’est-à-dire sans cette entreprise cartographique grâce à laquelle la multitude humaine peut se penser tout à la fois goutte et ensemble mouvant, évanescent – la communauté écouménale se voit condamnée à demeurer in-imaginée, au risque que ses membres se voient aliénés d’une part essentielle de leur être : leur corps médial.

 

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Pour citer cet article: 

Duret, Christophe. 2017. «Entre corps animal et corps médial : La communauté écouménale dans l’œuvre romanesque de David Mitchell», Postures, La disparition de soi : corps, individu et société, n°26, En ligne <http://revuepostures.com/fr/articles/duret-26> (Consulté le xx / xx / xxxx).